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POÉSIE ORIENTALE.

POÉSIE ORIENTALE.

POÉSIE ARABE ET PERSANE.

Les monuments de la littérature persane, antérieure à l'islamisme, sont beaucoup moins nombreux que les vieux monu– ments de l'Arabie; à peine les hypothèses d'une érudition patiente sont-elles parvenues à éclaircir quelques fragments de Zend-Avesta. Que les Persans aient été dès lors une grande nation, c'est ce dont on ne peut douter. Les historiens grecs et romains, et les traditions de l'Inde, prouvent qu'une civilisation puissante a fleuri en.Perse, et qu'elle a produit des fruits intellectuels d'une valeur et d'une nature spéciales. Si l'on réduit à leur valeur véritable tous les romans de l'histoire, on trouvera en définitive que l'étendue de la monarchie persane, sa richesse, sa magnificence, influèrent beaucoup sur le monde antique. Poésie, peinture, musique, beaux-arts, tout ce qui distingue une grande ère de civilisation s'est réuni dans l'ancienne Perse. Ecrits des sages, monuments des historiens, tout est perdu pour nous. C'est de Mahomet que date la littérature persane, comme celle des Arabes. Ces derniers désavouent la civilisation antérieure au prophète; malgré le génie qui distingue leurs poëmes, ils ne veulent les considérer que comme les fruits d'une civilisation idolâtre et maudite.

La première impulsion véritablement littéraire a été donnée à l'Arabie par le Coran. Les règles de l'éloquence, les formes à imiter, le système de composition adopté par les écrivains arabes, tout se rapporte au Livre sacré. Le Coran n'a pas seulement servi à fonder la foi religieuse, mais à créer la littéra

ture nationale. Mahomet s'offrait comme le représentant de l'intelligence contemporaine : à ceux qui révoquaient en doute sa mission divine, il répondait en donnant pour preuve l'admirable beauté d'un style sans égal. Il défia tous ses contemporains de le vaincre, et resta vainqueur dans la lutte. Le prophète, en donnant pour sommet à la pyramide de son édifice religieux l'unité majestueuse de la divinité suprême, lui avait assigné pour base le respect de la science; partout il établit des écoles. La lecture du Coran devint nécessaire aux fidèles ; les sept Kourrai-Sabals, ou lecteurs orthodoxes du Coran, instruisirent les adeptes dans l'art d'accentuer le Livre saint, de s'arrêter aux endroits convenables, de reprendre haleine dans certains passages, et de s'agenouiller après certaines périodes. Mais la rigueur de cette sainte vénération fut fatale; agissant sur des imaginations orientales, elle emprisonna dans une servile enceinte d'observations matérielles et immuables l'étude, toujours progressive pour être féconde. Ainsi, les préceptes que le prophète avait voulu faire servir à l'agrandissement de la science, concoururent à l'étouffer.

Sous les Abassides la langue arabe atteignit sa maturité savante de toutes parts érudits et orateurs accoururent à Bagdad; beaucoup de Grecs, chassés de Constantinople, trouvèrent un refuge auprès des kalifes; la science d'Aristote et la rêverie de Platon fleurirent à l'ombre de ce trône magique. C'est à cette grande race qu'appartiennent Mahmoud-Orraschild et Arroun-Alraschild, deux noms d'un éclat sans égal. Mahmoud, contemporain de Charlemagne, le sixième des kalifes qui fleurirent dans le second siècle de l'Hégire, n'a pas eu d'égal en générosité, en magnificence et en grâce. Son père Arroun lui avait assigné pour domaines les royaumes de Transoxiane et du Khorassan. Cet empire devint un foyer de lumières; les hommes célèbres et instruits y affluèrent; des écoles s'élevèrent à Tous, où il fit sa résidence, et l'ancienne Hircanie eut aussi son Bagdad. Pendant son règne, ce prince resta fidèle à cette ville, qu'il alla souvent visiter, et dont les écoles furent pour lui un objet de soins spéciaux. La courtoisie, l'hospitalité, l'élégance des mœurs, brillaient à la cour de ce kalife, qui, un jour, pour surprendre et honorer quelques savants et quelques poëtes qu'il avait invités à sa table, prit le costume d'un esclave et vint leur apporter dans des urnes d'or l'eau qui devait servir à laver leurs mains.

Il n'y avait plus de littérature persane le caractère national était effacé. L'Arabie avait tout envahi : idiome, poésie, philosophie, lois, tout était arabe. La traduction du Coran en langue persane était même défendue, et les vrais croyants ne permettaient pas que la parole divine fût transportée dans une langue ajamienne, c'est-à-dire muette. Tout bon mahométan préférait à l'idiome national la langue que parlent les anges du septième ciel. Trois cents ans s'écoulèrent pendant lesquels le persan tomba dans un mépris absolu; le souvenir des anciens dialectes pahlavi et darie s'effaça du souvenir des peuples.

Vers l'an 900, le pouvoir des Abassides commença à déchoir, et une multitude de petits princes se partagent, ou plutôt se disputent le grand empire des kalifes. La Perse ne fut que la tributaire, et non l'esclave du kalifat, qui jadis l'avait écrasée. La littérature arabe y reprit quelque vigueur vers le commencement du siècle suivant. Le grand empire de la conquête arabe se divisa en deux royaumes, soumis, l'un à la dynastie Deylamite, l'autre à la dynastie Gasnevite; cette dernière régnait sur le Kaboulistan, qui comprenait l'Asie centrale, une partie du Khorassan et une partie de l'Inde; la première, sur la Perse, comprenant la Mésopotamie et une portion de la Syrie. Les deux siècles de cette domination furent glorieux pour la littérature orientale; les deux siècles suivants, ceux des Seljoucides et des Abataks, ne le furent pas moins; et pendant ces quatre cents années, la gloire des arts et des lettres couronna de nouveau la Perse. Les deux cours rivales des Deylamites et des Gasnevites cherchaient à s'effacer l'une l'autre, non par la gloire des armes, mais par celle de leurs poëtes et de leurs philosophes. On n'oubliait rien pour attirer auprès des princes tous les savants qui jouissaient de quelque réputation. Les plus petits chefs des tribus imitaient le monarque, et partout l'homme de savoir trouvait, non-seulement une situation assurée, mais de l'estime, des honneurs, de la gloire. Du XIIe au XVe siècle de l'ère chrétienne, la Perse posséda les hommes de leur âge les plus distingués par l'étendue, l'éclat et la variété de leurs connaissances; et ce que l'on ne peut s'empêcher de remarquer, c'est que ce fut aussi à cette époque que les peuples chrétiens empruntèrent à l'Orient cette teinte mystique et allégorique répandue sur tout

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