Ce morceau vraiment oratoire Fit bâiller, mais on applaudit. Et crie en le poussant : « Est-il rien de pareil? Ses rayons et toute sa gloire. Voici présentement la lune, et puis l'histoire Voyez, messieurs, comme ils sont beaux! Voyez.....>> Les spectateurs, dans une nuit profonde, << Ma foi, disait un chat, de toutes les merveilles Le fait est que je ne vois rien. Ni moi non plus, disait un chien. Moi, disait un dindon, je vois bien quelque chose; Mais je ne sais pour quelle cause Je ne distingue pas très-bien. » Pendant tous ces discours, le Cicéron moderne LE CHATEAU DE CARTES. Un bon mari, sa femme et deux jolis enfants Ils prêchaient à leurs fils la vertu, la sagesse, Leur parlaient du bonheur qu'elles donnent toujours ; Le père par un conte égayait ses discours, L'aîné de ces enfants, né grave, studieux, Le cadet, vif, léger, mais plein de gentillesse, Assis près d'une table où s'appuyait la mère, L'aîné lisait Rollin : le cadet, peu soigneux D'apprendre les hauts faits des Romains ou des Parthes, Il n'en respirait pas d'attention, de peur. Qui s'interrompt: « Papa, dit-il, daigne m'instruire Les deux noms sont-ils différents? » Le père méditait une réponse sage, A placer son second étage, S'écrie: « Il est fini!» Son frère, murmurant, Se fâche, et d'un seul coup détruit son long ouvrage; Et voilà le cadet pleurant. << Mon fils, répond alors le père, L'ANE ET LA FLUTE. Les sots sont un peuple nombreux, Il faut le leur passer, souvent ils sont heureux : Un âne, en broutant ses chardons, Regardait un pasteur jouant, sous le feuillage, D'une flûte dont les doux sons Attiraient et charmaient les bergers du bocage. Admirant un grand sot qui sue et se tourmente C'est par de tels efforts qu'on parvient à leur plaire, Avance quelques pas, lorsque, sur la fougère, Se trouve sous ses pieds. Notre âne se redresse, L'âne se croit un grand talent, Et, tout joyeux, s'écrie, en faisant la culbute: «Eh! je joue aussi de la flûte. >> LE HIBOU, LE CHAT, L'OISON ET LE RAT. De jeunes écoliers avaient pris dans un trou Et l'avaient élevé dans la cour du collége. Nourris par le portier, étaient en liaison Ils avaient orné leur esprit, Savaient par cœur Denys d'Halicarnasse, Et tout ce qu'Hérodote et Tite-Live ont dit. Un soir, en disputant (des docteurs c'est l'usage), Ils comparaient entre eux les peuples anciens. «Ma foi, disait le chat, c'est aux Égyptiens Que je donne le prix : c'était un peuple sage, Cela seul, à mon gré, lui donne l'avantage. Répondit le hibou : que d'esprit! que de grâce! Que d'aimables héros parmi leurs citoyens! - Parbleu, dit l'oison en colère, Messieurs, je vous trouve plaisants: Et les Romains, que vous en semble? Plus de grandeur, de gloire et de faits éclatants? Ils ont surpassé vos amis. Pour moi, ce sont mes favoris: Tout doit céder le pas aux vainqueurs de la terre. >> Athènes les hibous, et Rome, au Capitole, RE BAILLY. Le Bailly, naquit à Caen le 4 avril 1758. Son style n'a ni l'élégance ni la gentillesse de celui de Florian; mais il a une simplicité plus vraie et plus franche; il a plus d'abandon, il approche plus du grand modèle, si pourtant quelqu'un en approche; il invente aussi des appellations, il crée aussi des sobriquets, et il les distingue avec une sage parcimonie. Mais où il me semble avoir le mieux retracé la manière de son modèle, c'est dans certaines pensées, dans certaines saillies, dans de certains traits qu'il laisse échapper avec abandon à travers la narration 1. LE CHAMEAU ET LE BOSSU. Au son du fifre et du tambour, Il était fraîchement arrivé de Tunis, Pour le voir de plus près, lui fermaient le passage. Ne cessait d'applaudir à sa sobriété. Un bossu vint, qui dit ensuite : « Messieurs, voilà bien des propos ; Mais vous ne parlez pas de son plus grand mérite : Voyez s'élever sur son dos Cette gracieuse éminence. Qu'il paraît léger sous ce poids! Et combien sa figure en reçoit à la fois En riant du bossu, nous faisons comme lui; A sa conduite en rien la nôtre ne déroge, Et l'homme, tous les jours, dans l'éloge d'autrui, 1 Dussault, Annales littéraires, t. 4, p. 234. |