Page images
PDF
EPUB

Il réalise aux yeux la fable d'Encelade.
Ses nobles compagnons, par sa voix rassurés,
De l'échelle après lui montent les cent degrés.
Un destin différent préside à cette lutte:

L'un meurt, l'autre survit à sa pesante chute.
Mais Renaud le premier, toujours calme et serein,
Froissé par une grêle et de marbre et d'airain,
S'élève fièrement. Nul effort ne l'arrête;
Déjà même du mur il peut toucher le faîte,
Mille bras sont tendus pour l'en précipiter.....
O prodige! un seul homme ose tout affronter,
Et, dans l'air suspendu, combat seul une armée
Sur un terrain solide en bataille formée ;
Et tel qu'un grand palmier, battu par l'aquilon,
Debout, dans sa hauteur, domine le vallon;
Tel sous les ennemis, dont tout le poids l'oppresse,
Plus vigoureux encor, le héros se redresse :
Les foudres de sa voix, les éclairs de ses yeux,
Font reculer d'horreur les plus audacieux ;
Enfin tout se dérobe à son glaive homicide,
Tout fuit épouvanté : son destin se décide,
Et, maître du succès qu'enviait son grand cœur
Sur le rempart soumis, il s'élance vainqueur.

CHANT DIX-NEUVIÈME.

Combat d'Argant et de Tancrède. Ce dernier remporte la victoire; mais, dangereusement blessé, il reste sans connaissance sur le champ de bataille. Cependant les Chrétiens livrent Jérusalem au fer et à la flamme. Renaud s'est emparé du temple. Soliman et Aladin, renfermés dans une tour, se défendent encore, et repoussent les Croisés. La nuit arrive, et Godefroi remet au lendemain l'attaque de ce dernier retranchement. Pendant ce temps, Vafrin, le messager de Tancrède, arrive au camp des Egyptiens, et découvre leurs complots. Il rencontre Herminie. Tous deux, à la faveur des ombres, prennent la fuite, et se rendent à l'armée des Chrétiens. Non loin des murs de Jérusalem, la princesse d'Antioche trouve Tancrède baigné dans son sang: elle panse ses blessures. Vafrin rend compte à Godefroi des complots dont il est instruit. D'après le conseil de Raymond, on prépare pour le lendemain un dernier assaut.

CHANT VINGTIÈME.

L'armée égyptienne vient au secours des Sarrasins. Godefroi harangue ses soldats, et leur commande de se préparer au combat. La bataille commence. Renaud repousse les Infidèles. Malgré tous les efforts des Chrétiens, Soliman sort de la tour, et se jette au milieu de la mêlée, où il fait un horrible carnage. Renaud l'aperçoit, fond sur lui, et lui donne la mort. Cependant Raymond s'empare de la tour, tue Aladin, et arbore sur les murailles l'étendard de la croix. Emiren, chef des Egyptiens, tombe sous les coups de Godefroi. Celui-ci, vainqueur de tous ses ennemis, suivi de ses guerriers, entre dans Jérusalem, se prosterne sur le tombeau du Christ, et accomplit ses vœux.

ELOPSTOCE.

Frédéric Gottlieb Klopstock, célèbre poëte allemand, naquit le 2 juillet 1724 à Quedlinbourg, dans l'abbaye de ce nom. Il mourut le 14 mars 1803.

Si l'éclat des premières études prouvait quelque chose pour l'avenir, il eut fallu désespérer de celui de Klopstock. Cependant cet écolier ignorant et distrait rêvait la poésie moderne, mais religieuse, actuelle, nationale, et, suivant l'expression de Schlegel, touchant d'une main au christianisme, et de l'autre à la mythologie du nord, comme aux deux éléments principaux de toute culture intellectuelle et de toute poésie européenne et moderne. Aussi la sensation que produisit en Allemagne l'apparition de la Messiade fut-elle prodigieuse : l'histoire littéraire de tous les peuples offre peu d'exemples d'un succès aussi éclatant; c'était un de ces ouvrages que chacun regarde comme la réalisation de tous ses vœux, de toutes ses espérances en littérature, et qui remettent à l'école tous les écrivains d'un siècle; de sorte que rien ne manqua au triomphateur. Toutes les coteries, toutes les écoles littéraires dont ce succès ruinait totalement les principes et la poétique, fondirent sur le jeune étudiant, qui se trouvait être soudain le premier et même le seul poëte de l'Allemagne. De 1754 à 1758, fut la plus belle époque de la vie de Klopstock: il terminait les dix premiers chants de la Messiade, et composait les plus belles odes; mais, depuis la mort de sa femme, arrivée en 1758, et à laquelle il fut très-sensible, il ne retrouva plus les inspirations de sa jeunesse; seulement il s'enthousiasma plus tard pour les premiers temps de la révolution française, et

composa un assez grand nombre d'odes politiques, qui lui valurent le titre de citoyen français. Klopstock mourut à Hambourg en 1803, après avoir été témoin de la plupart des triomphes de Goëthe et de Schiller, dans cette littérature qu'il avait relevée, et comme préparée à un essor plus sublime. Il était, ainsi que Vieland et Goëthe, membre de l'Institut national de France 1.

Klopstock était doué de cette vigueur d'imagination qui fait concevoir les caractères à grande physionomie. Il les traça avec variété, justesse et énergie. Que d'orgueil et d'audace dans celui de Satan; que de perfidie, de haine et de fureur dans celui d'Adrameleck! Qui jamais fut plus souple et plus corrompu que Caïphe, plus vindicatif, plus sanguinaire et plus hypocrite que Philon, plus généreux que Nicodème, plus énervé que Pilate, plus noble que Portie! Quant au caractère du Messie, il présente d'une manière inimitable l'être souverain volontairement abaissé à l'extrême faiblesse, et l'ineffable union de la clémence divine avec la bonté humaine.

Selon madame de Staël, il règne dans le Messie une âme élevée et sensible; toutefois les impressions qu'il excite sont trop uniformes, et les images funèbres y sont trop multipliées. Dans cet ouvrage comme dans Young, on nous ramène trop souvent au milieu des tombeaux. Selon M. de Châteaubriand, l'abondance et la grandeur caractérisent le merveilleux de ce poëme : ces globes habités par des êtres différents de l'homme, cette profusion d'anges, d'esprits de ténèbres, d'âmes à naître, ou d'âmes qui ont déjà passé sur la terre, jettent l'esprit dans l'immensité. Klopstock a aussi créé une sorte de Séraphins mystiques, inconnus avant lui.

LE MESSIE.

CHANT I.

Le Messie se rend au mont des Oliviers; là, adressant sa prière à Dieu, il lui promet encore de mourir pour le salut du genre humain. Gabriel va porter cette prière au Très-Haut. Il

1 Gérard.

parcourt une route tout éclairée de soleils, et, s'approchant du ciel, il entend les cantiques sacrés. Bientôt il rencontre Eloa qui le conduit à l'autel du Messie; là, ils font brûler l'encens. Enfin le Père éternel ouvre, au bruit du tonnerre, le sanctuaire des cieux. Eloa et Urim s'entretiennent des visions prophétiques qui leur apparaissent dans cette enceinte redoutable. Dieu parle, et Eloa proclame ses ordres. Gabriel reçoit l'ordre de préparer les prodiges qui doivent éclater à la mort du Messie. Aussitôt, descendant de l'Empyrée, cet esprit bienheureux vole auprès de Jésus. Après l'avoir adoré, il se rend au centre de la terre, où résident les anges gardiens de ce monde; de là il passe au soleil, où vivent les patriarches. Dans l'un et l'autre globe, Gabriel annonce le Messie et la rédemption prochaine.

CHANT II.

Le jour paraît, et les patriarches aperçoivent le Messie; ils le saluent et entonnent en son honneur un hymne d'adoration et de louange. Jésus apprend de Raphaël que son disciple bien-aimé est avec un démoniaque au milieu des sépulcres du mont des Oliviers. Jésus se rend aussitôt auprès de Jean, et voit Samma que Satan pousse au désespoir et au suicide. Le Messie délivre ce possédé, et Satan, prenant la fuite, descend aux enfers, où il raconte l'histoire de Jésus et propose de le faire mettre à mort. Ce dessein, rejeté d'abord par Abbadona, est soutenu par Adramalech et approuvé par tous les esprits de l'enfer. A l'instant, Satan et Adramalech quittent l'assemblée des démons, et retournent à la terre pour exécuter le plus grand des crimes. Abbadona, les suivant de loin, rencontre à la porte des enfers le séraphin Abdiel, autrefois son compagnon et son ami. A cette vue, le souvenir de sa faute, et en même temps la douleur et le désespoir font verser à Abbadona des larmes amères. Il s'avance vers la terre, et cherche, mais en vain, à se donner la mort. Satan et Adramalech sont déjà arrivés au mont des Oliviers.

CHANT III.

Le Messie n'a pas encore quitté les sépulcres du mont des Oliviers. Eloa descend des cieux, et compte ses larmes. Les âmes des patriarches envoient le séraphin Zémia vers Jésus, afin de recueillir toutes ses paroles et ses actions. Le Messie dort pour la dernière fois. Ses disciples le cherchent au milieu des tombeaux, et à ce moment leurs anges gardiens s'entretiennent avec Zémia et tracent le caractère de chaque apôtre. - Satan apparaît en songe à Judas sous les traits de son père, mort depuis peu. Le Messie se réveille, vient trouver ses disciples et parle de sa mort prochaine. - Fureur et imprécations de Judas.

[ocr errors]
[ocr errors]

CHANT IV.

Carphe assemble le Sanhédrin, raconte un rêve qu'il a eu, et propose la mort de Jésus. Le pharisien Philon, tout en traitant le rêve de fiction et de mensonge, appuie fortement la proposition du grand-prêtre. Mais ce projet sanguinaire est rejeté avec énergie par Gamaliel et Nicodème. C'est alors que Judas vient parler à Caïphe et trahit son maître. Le Messie envoie Pierre et Jean préparer la Pâque. Pierre rencontre Marie la mère du Sauveur, Lazare, Marie sa sœur, Semida et Cidli, qui venaient au devant de Jésus. Le Messie s'arrête au tombeau d'Arimathie, près du mont Golgotha. De là, il marche vers Jérusalem, y célèbre la Pâque, et institue le sacrement de l'Eucharistie. Judas se lève et sort: Jésus alors, s'adressant à Dieu son père, prie pour ses disciples et retourne au mont des Oliviers.

CHANT V.

Dieu descend du ciel, les âmes des sages de l'Orient viennent à sa rencontre et l'adorent. Le premier habitant d'une autre sphère plus heureuse que la nôtre, parce qu'elle n'a pas été coupable, voit l'Eternel et raconte à ses enfants ce qu'il a en

« PreviousContinue »