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Demande : « Où se cache le Dieu? »

Par ta gloire, par ta justice,

Par nos maux, par les cris de ton peuple brisé,
Que sur notre ennemi ton bras s'appesantisse,
Et qu'ennemi de l'homme, à Dieu même opposé,
Sous ses pas, de ses mains, un tombeau soit creusé !

Il vient d'interroger ceux dont l'hommage impie
Rend ses honneurs aux tiens pareils,

Et dont le zèle puise aux regards qu'il épie
Les impitoyables conseils.

Que de leur Christ le nom s'efface,

S'écrie à son appel un sénat furieux :
Retranchons avec lui cette importune race;
Que, roulés par des flots de leur sang odieux,
Leurs membres palpitants réjouissent nos yeux.

Il appelle et l'Egypte et l'Asie et la Grèce,
Qui souffre le joug étranger;

Accourent dévoués, montrant leur allégresse,
L'Arabe et le Maure léger :

Ils couvrent la mer enchaînée;

Au loin s'épand l'effroi, la peur, l'affliction,
Le silence... Ah! respire, Europe consternée,
L'Espagne au jeune Austride1 a remis son lion :
Dieu livre Babylone à sa chère Sion.

Tel qu'un tigre dont l'œil a dévoré sa proie,
Tel de loin, sous l'inique dais,

Regarda le superbe, en sa trompeuse joie,
Ceux, Dieu grand, que tu défendais.

Tu façonnas leurs mains aux armes;

Tu rends leur bras semblable à l'arc qui ne rompt pas.
L'impie a vu ton glaive au milieu des alarmes;

Des milliers contre un seul ont fui; mais le trépas,
Comme le vent d'orage, a yolé sur leurs pas.

Tu triomphas, Dieu des batailles :
Ce fut ton jour; toi seul t'élèves, à jamais,

1 Don Juan d'Autriche, fils de Charles-Quint,

Sur les vaisseaux de Tyr, ses tours et ses murailles,
Sur les cèdres pompeux, sur les âpres sommets,
Sur ces fiers potentats, fléaux que tu permets.
Babylone et Memphis périssent par la flamme;
La fumée avertit nos mers.

Je la vois; le tyran, le désespoir dans l'âme,
Pleure ses désastres amers.

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Fut le tien; crains aussi de partager leur sort :
Tu les imites, sourde au Dieu qui te rappelle :
Son glaive te menace, il est près: quel effort
De ton coupable sein détournera la mort?

De l'Asie adultère, au crime abandonnée,
Support du perfide Croissant,

Nul ne plaindra les maux: sa dure destinée
Venge le faible et l'innocent.

Mais «qui,» demandera la terre,

<< Renversa le colosse élevé jusqu'aux cieux ? »
Celui qui sanctifie et la gloire et la guerre :
Ses guerriers espagnols et leur prince pieux,
Que rendit triomphants son bras victorieux.

Qu'à jamais, Dieu puissant, ta grandeur soit bénie!
Par nos jours d'angoisse et de deuil,
Trouvant de nos erreurs l'offense assez punie,
D'un cruel tu brisas l'orgueil.

Accable, en sa rage immortelle,

Celui dont la révolte, aux célestes palais,
Instruisit les humains à l'audace rebelle:
Tandis que tes élus proclament satisfaits

Ton nom, Dieu Jéhovah! ta gloire et tes bienfaits.

Trad. par don Maria Maury.

MELENDEZ.

Don Juan Melendez naquit au bourg de Frescho, près de Badajoz, l'an 1754. Ses poésies ne respirent que le calme de la vie champêtre; et jamais son talent n'est plus pittoresque et ne part mieux du cœur que lorsqu'il décrit les mœurs pastorales de nos premiers pères 1. Quelquefois le poëte s'élève et chante avec noblesse et enthousiasme les grands phénomènes de la nature. Il mourut à Montpellier le 24 mai 1817.

ODE AUX ÉTOILES.

Où suis-je ? en quel essor
S'enlevant avec moi, l'intelligence ailée,

Sur des nuages d'or,

Me transporte au palais de la voûte étoilée?
Astres, arrêtez-vous :

Inextinguibles phares,

Qui, pour notre œil mortel, de votre éclat avares,
Volez si loin de nous,

Restez ! que, poursuivant cet ineffable songe,
Mon regard dans vos feux lentement se prolonge.

Les clartés d'alentour

Révèlent plus avant des splendeurs infinies;
Plus avant tient sa cour

Le roi de l'univers, au sein des harmonies.
Il entend, gracieux,

Les princes de ses anges,

Au son des luths divins, moduler ses louanges,
Dont résonnent les cieux.

Et, roi de l'univers, l'Éternel en est l'âme,
Le meut de son regard, l'échauffe de sa flamme.

Mais où le globe obscur,

Que l'homme ingrat ravage, a-t-il fui? nulle trace
N'en reste aux champs d'azur,

Ni de l'astre serein, dont l'orbite l'embrasse.

1 Vict, Rendu., Leç çspag. de litt,

Je l'oublie, et parcours
Cette ardente coupole ;

Je plane, en m'élevant, sur le fanal du pôle,
En m'élevant toujours

Je fends l'immensité; d'une audace plus ferme,
De la création j'atteins enfin le terme.

Le terme! qu'ai-je dit?

Ici d'autres soleils, d'autres cieux, d'autres sphères, Au maître qui les fit

Rendent nouvel hommage, en nouveaux caractères ? Quel cercle eût arrêté

L'auteur inépuisable,

Pour qui le monde n'est qu'un atome de sable,
A qui rien n'a coûté,

Ni d'orbes radieux ces millions sans nombre,
Ni d'autres millions prêts à jaillir de l'ombre?

L'homme a pu dire: Assez!

Jamais rien n'est assez pour la toute-puissance,
Depuis que, traversés,

Les gouffres du chaos reçurent son essence.
Que ce bel univers,

Qui fut alors, réponde:

Orion, Syrius, soleil de notre monde,

Astres, signes divers,

Parlez, peuple des cieux, où plaça votre maître
La ligne de contact du néant et de l'être?

Pressé du même soin,

Déjà j'interrogeai bien des fois la nature :
<< Plus loin,» toujours, « plus loin, »>
Répond tout phénomène et toute créature.
L'insecte voltigeant

Parmi les fleurs nouvelles,

Disait «Il est plus loin celui qui peint mes ailes

:

D'or, de pourpre et d'argent. »

« Plus loin, »> me répondaient les oiseaux du bocage; « Plus loin, » disait l'aiglon dégagé du nuage.

<< Plus loin, » du sein des airs,

<< Plus loin, » dit le tonnerre, en sa voix effrayante,
>> Est celui qui d'éclairs

M'environne, allumant ma flamme foudroyante. >>
<< Plus loin, »> me dites-vous ?
Où donc tient à l'espace

Ce lointain fugitif, qui toujours me dépasse,
Inaccessible à tous!

Lieu d'où voit l'Eternel de son système immense
Le départ et le but, s'il finit, s'il commence. »

Soleil, flambeaux sacrés

(Car peut-être entre vous est celui qui l'éclaire),
Toujours vous brillerez,

Pour redire à nos sens sa splendeur tutélaire;
D'un vol ambitieux,

Hors du but élancée,

Vous verrez s'élever l'inquiète pensée
Pour apprendre les cieux;

Mais, retombé sur soi, cet autre phénomène
N'aura fait que sentir la petitesse humaine.

Trad. de don Maria Maury.

QUINTANA.

Don Manuel-José Quintana, auteur contemporain, s'est placé parmi les premiers poëtes lyriques de l'Espagne. L'élévation des sentiments, la grandeur et la force des pensées, la pureté et la noblesse du style, voilà ce qui caractérise ses ouvrages.

A LA MER.

Apaise le courroux de tes flots mugissants,
Océan immortel : que d'une voix amie
Tu répondes à mes accents.

Apaise-toi, souris à mes yeux, et consens
Qu'ils errent en repos sur ta plaine endormie :
Ce vaste phénomène a tenté mes pinceaux.
Fatigué de m'en faire un tableau fantastique,
Des rives du Xarame à l'Occident Bétique,

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