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KLEIST.

Ewald-Chrétien de Kleist, grand poëte et brave guerrier, naquit à Zéblin en Pomeranie, le 5 mars 1715. Ses odes et ses idylles ont été composées au milieu des camps. La plupart de ses poëmes sont empreints d'une douce mélancolie; on y trouve aussi l'enthousiasme patriotique qui caractérisait cet auteur. Il mourut des blessures qu'il reçut à la bataille de Kunersdorf, où il commandait le régiment de Husen, au service du roi de Prusse, en 1759.

A L'ARMÉE PRUSSIENNE.

Armée invincible, qui portes la mort et la destruction au milieu des légions ennemies! armée sur qui la victoire étend ses ailes dorées! armée toujours prête à vaincre ou à mourir !

Regarde! des ennemis dont le poids affaisse les collines et fait trembler la terre marchent contre toi et te menacent d'une nuit éternellc. L'eau manque pour abreuver leurs chevaux.

Du levant au couchant, l'Envie aux yeux louches met en mouvement les rampantes légions, et les cavernes du nord ainsi que celles du midi vomissent des barbares, des monstres pour l'engloutir.

Redouble ton ardeur, Frédéric! et ton bras formidable mettra une digue au débordement impétueux de tes ennemis; la justice de ta cause dissipera cet essaim insensé. Elle t'arme de son glaive, et leurs fronts baiseront la poussière.

La postérité étonnée te regardera comme son modèle; objet de la vénération des héros futurs, ils te préféreront aux Romains, et placeront Frédéric au-dessus des Césars. Les rochers surmontés de la Bohême seront pour toi d'éternels trophées.

Toutefois, dans la course de tes grands exploits, épargne, comme tu as toujours fait, le laboureur, qui n'est point ton ennemi; soulage sa misère quand tu jouiras de l'abondance! laisse le pillage aux lâches et aux Croates.

Déjà je vois, réjouissez-vous, amis de la Prusse! je vois les jours de ta gloire qui approchent. Semblables à des nuées orageuses, les ennemis impétueux s'avancent: Frédéric te donne le signal: où sont-ils désormais, les ennemis?

Tu voles à leur poursuite, et ton fer pesant fait descendre la mort sur leurs têtes. Couvert de gloire, tu reviens réjouir les tiens, qui te reçoivent en poussant des cris d'allégresse, et en célébrant leurs libérateurs.

Et moi, daigne, ô Ciel, m'accorder cette faveur !... Et moi je marcherai aussi à la tête d'une bande de héros. Je te vois, fier ennemi! je te vois fuir devant mes soldats, et moi je trouverai la gloire ou la mort dans le tumulte des combats.

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Utz naquit dans le margraviat de Brandebourg-Anspach. En 1749 il publia un recueil de chansons et de poésies lyriques; peu après, il fit paraître ses odes philosophiques qui lui méritèrent un rang honorable parmi les poëtes de l'allemagne. Quelquefois il s'élève jusqu'à la plus mâle énergie; souvent aussi sa poésie est tendre, mélancolique, et brille par la vérité des pensées et la délicatesse des sentiments.

SUR LA MORT DE KLEIST.

Kleist n'est plus! Muses des rives de l'Oder, faites retentir au loin: Un guerrier généreux est tombé dans la bataille; il est tombé en combattant pour sa patrie!

Son sang héroïque a coulé sur sa lyre d'or, sur cette lyre qui, dans ses mains, rendait des sons si touchants, lorsqu'animé d'un feu céleste, il chantait les attraits de la vertu !

Kleist n'est plus! Muses. faites retentir à travers le monde désolé que votre favori est tombé! qu'un héros, qu'un ami de l'humanité est tombé! L'amitié, en silence ct les cheveux épars, arrose de ses pleurs le corps de Kleist; ses ennemis même en

sont touchés; des barbares même pleurent le triste sort d'un ennemi!

Mais des louanges éternelles attendent les grandes âmes qui, destinées à l'immortalité, choisissent la belle mort des héros, la mort pour la patrie. Elles s'élancent vers l'empirée, ces âmes; elles sont reçues dans les demeures de la félicité.

NOVALIS.

Frédéric de Hardenberg, qui prit dans la suite, par un caprice littéraire assez commun à cette époque, le nom de Novalis, naquit le 2 mai 1772, dans le comté de Mansfeld, d'une noble famille de Saxe. Cette sensibilité si vive et si profonde chez les Allemands, fut précoce chez lui au delà de toute expression, et marchait de front avec la singulière activité de son imagination. Ce fut en 1798 qu'il commença un recueil de poésies sacrées où se trouvent un Cantique à la Mort, qui respire la mélancolie et la foi, et des Hymnes où l'amour de Dieu pour l'homme, les ineffables consolations du Christianisme sont décrits avec l'ardente dévotion d'un lévite, et où ce jeune homme, qui n'avait, certes, de protestant que le nom, célèbre les merveilles de la bonté divine dans l'Eucharistie, et dépose aux pieds de la sainte Mère de Dieu ses souffrances et son cœur fervent et pur comme celui d'une vierge catholique. Il mourut à vingt-neuf ans, le 19 mars 1801.

A MARIE.

Laisse-toi fléchir, ô ma douce mère ! donne-moi un signe de ta clémence. Tout mon être repose en toi; et je ne te demande qu'un moment.

Souvent, dans mes rêves, je t'ai vue si belle, si compatissante, portant sur ton sein un Dieu enfant, qui semblait avoir pitié de moi, enfant comme lui. Mais toi, tu détournais de moi ton auguste regard, pour t'élever dans les cieux.

Qu'ai-je fait pour t'offenser? Mes ardentes prières ne sontelles pas à toi? Ton sanctuaire n'est-il pas le reposoir de ma

vie? Reine sainte, reine trois fois bénie, prends donc mon cœur, prends ma vie.

Marie, je t'ai vue dans mille tableaux, mais nul ne t'a peinte telle que je t'ai vue dans mon âme. Je sais seulement que, depuis cette apparition divine, le bruit du monde passe autour de moi comme un rêve, et que le ciel est descendu dans mon cœur 1.

'Charles de Montalembert.

LYRIQUES ITALIENS.

PÉTKAKQUE.

François Pétrarque naquit à Arezzo le 20 juillet 1304. Il mourut à Arqua le 18 juillet 1374. On a de lui un grand nombre d'ouvrages en vers et en prose, en italien et en latin. Ce sont ses sonnets et ses canzonni qui ont rendu sa mémoire immortelle. On y trouve cette noblesse, cette élévation et ce patriotisme qui caractérisent l'auteur. Il est comme le créateur de la poésie lyrique chez les modernes. Quelques autres poëtes, dit Ginguené, avaient fait entendre avant lui de ces grandes odes ou canzonni, qui diffèrent beaucoup de l'ode antique, et dont la première invention appartient aux Troubadours; mais il y mit plus de perfection, et réunit lui seul toutes les qualités partagées entre ses prédécesseurs.

AUX PRINCES D'ITALIE.

Cette ode fut composée en 1327, lors de l'expédition des Bavarois en Italie. Ce pays était alors divisé en un grand nombre de factions.

O superbe, ô triste Italie!

Je te vois esclave, avilie,

Et tes Etats sanglants par vingt rois déchirés!
La plainte est inutile aux maux désespérés ;
Mais mon cœur est du moins soulagé par mes larmes.
Toi-même tu trouves des charmes

A ce chant filial. Et vous, fleuves sacrés,
Arno, Tibre, Eridan, les échos de vos rives
Appellent mes rimes plaintives,

Et vos flots attendent mes pleurs.

Vous ne vous trompez pas, fleuves de ma patrie,
Mes pleurs vont se mêler à votre onde chérie;

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