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ESSAI

SUR

LA VIE DU GRAND-CONDé.

LIVRE PREMIER.

LOUIS
OUIS DE BOURBON,'deuxième du nom, Duc
d'Enghien, puis Prince de Condé, connu sous

du Grand

Condé.

le nom de Grand-Condé, naquit à Paris le 7 1621. septembre 1621. La célébrité de sa vie fait Naissance regretter que l'Histoire n'ait pas recueilli avec plus de soin les traits de sa première enfance. Tout est intéressant dans la vie des Héros ; dans cet âge tendre, dont la faiblesse paraît le seul partage, quelquefois un sourire, un geste, un mot, un mouvement de colère ou de joie, selon l'objet qui l'excite, annoncent un germe d'énergie qui croît avec la force, se développe avec les organes, et qu'on se rappelle avec

éducation.

intérêt, quand l'âge de raison et les circonstances font paraître le Héros dans tout son jour.

Le Duc d'Enghien fut élevé à Bourges où le Prince de Condé faisait, alors, sa résidence ordinaire et présidait lui-même à son éducation. Le jeune Prince faisait ses études au collège Son des Jésuites de cette ville, sans y demeurer; la seule distinction qu'il eut en classe, était une chaise, entourée d'une balustrade. La facilité qu'il avait pour apprendre, et ses progrès dans tous les genres, décelèrent bientôt un esprit au dessus du commun : à huit ans il savait le latin; à onze, il composa un traité de rhétorique, et soutint des thèses en philosophie avec le plus grand succès : il allait passer

quelques mois de l'été au château de Montrond, Ces lettres qui appartenait au Prince son père, et pour sont à la mieux juger de l'instruction de son fils,il lui avait fin de l'ou- ordonné de ne lui écrire qu'en latin. Il paraît,

vrage.

par quelques-unes de ses lettres, que le goût du jeune Prince pour la chasse, se manifesta dans les premiers momens avec cette chaleur qui, dans la suite, caractérisa toutes ses actions, et qui devait produire un jour tant de troubles et tant d'exploits. Le Prince de Condé, craignant que cette passion ne détournât son fils de ses études, lui ordonna de réformer ses

chiens. Le Duc d'Enghien alors âgé de quatorze ans, obéit dès le lendemain, et il avoue même à son père, dans une réponse pleine de respect et de tendresse, qu'il s'était livré à cet amusement avec trop d'ardeur. Le jeune Prince aimait beaucoup le séjour, de Montrond; mais son père bien plus occupé de soigner son éducation que de flatter ses goûts, abrégeait souvent le temps qu'il lui permettait de passer à sa campagne. Le Duc d'Enghien, dans une de ses lettres latines, datée de Bourges, du commencement d'octobre, se plaint avec autant de douceur que de franchise, de l'ordre précis qui l'avait rappelé si promptement à la ville. « Le beau temps, dit-il, et adolescentis au» tumni jucunda temperies, l'invitaient à » faire un plus long séjour dans un lieu où il » n'avait jamais éprouvé un moment d'ennui; >> mais il ajoute, que les ordres de son père >> seront pour lui, toute sa vie, la chose du » monde la plus sacrée, etc. »

LE Prince de Condé fit venir son fils en Bourgogne, pendant le siége de Dôle dont il fut chargé, siége qu'il reçut ordre de lever sur la nouvelle de l'entrée des Espagnols en France par la Picardie. Le Duc d'Enghien écrivait de Dijon à son père : « Si mes desirs

Condé à la

Cour.

» étaient accomplis, je serais au Camp pour » vous y servir, soulager vos douleurs (1), et » prendre part à vos peines..... Je lis avec >> contentement les héroïques actions de nos » Rois dans l'histoire; en voyant de si beaux » exemples, je me sens une sainte ambition » de les imiter..... mais ce m'est assez, pour » maintenant, d'être enfant de desir et de n'a» voir d'autre volonté que la vôtre. »>

LE Duc d'Enghien entra dans le monde à 1638. la naissance de Louis XIV et de son siècle; il fut accueilli avec cet intérêt qu'inspire toujours un jeune homme aimable, d'une figure noble et d'un rang élevé; mais ce qui le frappa Entrée le plus à la Cour, fut en même temps ce qui du Grand- le choqua davantage. Il fut révolté, dès le premier moment, de l'étonnante puissance de Richelieu, de l'éclat, qui l'environnait et du faste inoui que ce Ministre arrogant osait affecter presque sous les yeux de son Maître : il fallait presque toujours au Duc d'Enghien un ordre de son père, pour le décider à aller chez le Cardinal, et c'était à dix-sept ans, la plus grande preuve qu'il pût donner de son obéissance. La Princesse sa mère sentit qu'il pouvait

(1) Ce Prince était alors attaqué de la gravelle..

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être dangereux pour son fils d'être sans cesse occupé d'un despotisme qui révoltait au

tant son ame jeune et fière. Elle tâcha de le distraire de ce qui se passait à la Cour, en rassemblant chez elle la société la plus illustre et la mieux choisie; elle le conduisit à l'hôtel de Rambouillet, où se rassemblaient alors la plus haute noblesse des deux sexes et les gens de Lettres les plus éclairés. Le jeune Prince y parut avec le plus grand succès, et le goût des sciences et des arts fut son premier pas vers la gloire, comme il devait être un jour le terme et la récompense de ses travaux.

campagne

DES 1639, le prince de Condé envoya son fils commander en Bourgogne. Il s'y acquit l'estime et la confiance de tous les Ordres, et son père lui permit de faire sa première campagne sous les ordres du Maréchal de la Meil- 1640. leraye. Il se distingua par sa valeur au siége Première d'Arras. Ce fut au retour de cette campagne, du Grandque le Prince de Condé, dont les intérêts étaient extrémement liés alors avec ceux du Cardinal, lui fit épouser le 11 février 1641, Claire-Clémence de Maillé Brézé, nièce de ce Ministre. Mariage Ce jeune prince fit des prodiges de valeur aux du Grandsiéges de Collioure, de Perpignan et de Salces. En revenant, il passa par Lyon, et négligea

Condé.

1641.

Condé.

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