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Grèce a pu profiter de la liberté de la mer pour opérer sans la moindre gêne sa mobilisation sur la frontière. Le fait est maintenant accompli, et les conséquences commencent à se manifester. Rien n'aurait été plus simple au début que d'empêcher le colonel Vassos d'entrer en Crète; rien aujourd'hui n'est plus compliqué que de l'en faire sortir. Et nous dirons de même que rien, il y a quelques semaines encore, n'était plus aisé que d'empêcher la Grèce de mobiliser son armée et de la concentrer sur la frontière septentrionale; mais aujourd'hui la chose est faite, et rien n'est plus difficile que d'obliger l'armée grecque à se morfondre sur place, alors que les esprits sont montés à un degré d'exaltation qui leur permet à peine de réfléchir, et que le temps, chaque jour plus doux, exerce sur eux une tentation de plus en plus irrésistible. L'armée régulière n'a pas osé jusqu'ici risquer une aventure dont il est impossible que ses chefs ne prévoient pas le dénouement certain. Le diadoque se tient parfaitement tranquille. Mais son frère, le prince Georges, qui était parti pour la Crète, ne l'a pas été moins que lui, ce qui n'a pas empêché le colonel Vassos, sans que son gouvernement ait pris la peine de faire à la Porte la moindre déclaration de guerre, d'entamer les hostilités contre les forces ottomanes. On se moque un peu de l'expression devenue courante de «< blocus pacifique », et il est certain que les deux mots semblent contradictoires; mais comment faudra-t-il appeler la guerre que la Grèce fait à la Turquie en Crète ? Il faudra sans doute la qualifier bientôt de «< guerre pacifique » ! Nous sommes en pleine fantaisie, en plein caprice. Après s'y être livrés en Crète, il semble que les Grecs s'apprêtent à tenter, en Macédoine, une expérience du même genre. Personne ne mettra en doute que les bandes qui viennent de se former en Thessalie pour passer ensuite les armes à la main en Macédoine n'aient agi avec la connivence des autorités helléniques, soit civiles, soit militaires.

Le gouvernement grec voudrait bien faire la guerre sans en avoir la responsabilité. C'est d'ailleurs un procédé qu'il n'a pas inventé, et il ne serait pas nécessaire de remonter très haut dans l'histoire, ni de chercher très loin de nos propres frontières, pour rencontrer le souvenir d'aventures analogues à fcelles qu'il essaie de reproduire. Il est arrivé plus d'une fois déjà qu'un gouvernement désavouât officiellement de hardis flibustiers, tandis qu'il les encourageait sous main, prêt à leur donner un refuge en cas de défaite, et à profiter de leurs conquêtes en cas de succès. Mais les Grecs se tromperaient s'ils croyaient pouvoir, dans les circonstances présentes, renouveler ce genre d'exploits. En cas de victoire, l'Europe leur a fait savoir qu'ils ne bénéficieraient pas

de leur bonne fortune, déclaration très propre à les refroidir. Au surplus, il faut le leur répéter sans cesse, ce n'est pas la victoire, c'est la défaite qui est à prévoir pour eux. Ils ne s'attaquent pas à un ennemi plus faible et déjà démoralisé par le sentiment de son impuissance. L'armée turque, au contraire, a pleine confiance dans sa supériorité. Nous avons dit les motifs pour lesquels le gouvernement ottoman ne désirait pas être mis dans l'obligation de se battre; mais il ne redoute pas cette éventualité, et il y a longtemps qu'il l'a envisagée sans la moindre crainte. Les dépêches de Constantinople assurent que la Porte vient d'adresser une note à la Grèce pour lui déclarer qu'elle la tiendrait responsable des agressions qui seraient désormais dirigées contre son territoire par des bandes formées sur le territoire grec. Si un nouvel incident vient à se produire, Edhem-Pacha a reçu l'ordre de passer immédiatement la frontière. Personne en Europe ne pourrait s'opposer à l'exécution de cette menace, et, pour dire la vérité, de toutes les notifications qui ont été adressées à la Grèce dans ces derniers temps, c'est celle-là qui paraît de nature à faire sur elle l'effet le plus salutaire. L'armée turque a poussé la patience aussi loin qu'on pouvait le lui demander, et plus loin qu'on ne pouvait l'attendre d'elle sa résolution nouvelle exercera peut-être sur celle de la Grèce une influence plus efficace que ne le ferait un nouveau blocus. Mais toutes les prévisions sont plus que jamais incertaines, et on ne peut s'empêcher d'éprouver une pénible anxiété en songeant que, d'un jour à l'autre, ce qu'il y a d'artificiel dans les précautions de la diplomatie européenne peut se manifester par des actes décisifs. Si la guerre éclate, nous espérons du moins que l'Europe, grâce à la ligue des États neutres des Balkans, réussira à la limiter entre les Turcs et les Grecs, et à la localiser dans la Macédoine. Mais nous aimons encore mieux espérer que la Grèce s'arrêtera elle-même au bord de l'abîme : tous ses amis véritables doivent le souhaiter.

FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-gérant,

F. BRUNETIÈRE.

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