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teux et discutables services des canons monstres avec la même énergie que ceux des cuirasses massives, et aussi en persévérant dans la voie qu'avait ouverte le Duilio, celle de l'abaissement de la ligne de plat-bord.

Que conviendrait-il donc d'opposer à cette belle escadre d'opérations qui, rejointe par la division active autrichienne, compterait 18 unités de combat, 18 croiseurs ou grands éclaireurs, 16 éclaireurs légers et 35 ou 40 torpilleurs de haute mer? - Des forces à très peu près égales, évidemment, car ici il y aurait témérité à compter sur une coopération, du moins immédiate, de l'escadre de la Mer-Noire. Il ne faut pas non plus se dissimuler que la faible division entretenue par la Russie dans la Méditerranée n'a pas un caractère très marqué de permanence, et qu'elle paraît jouer surtout le rôle de réserve pour la flotte de l'extrême Orient. Nous devrions par conséquent opposer 18 cuirassés, 18 éclaireurs, 8 avisos-torpilleurs au minimum et 36 grands torpilleurs, en tout 80 navires, aux 86 ou 90 dont disposeraient éventuellement nos adversaires.

Opposer, disons-nous... Mais comment opposer une escadre moins rapide à une escadre plus rapide, lorsque celle-ci voit un grand intérêt à se dérober à la solution tactique et s'obstine à refuser le combat? Or ce serait le cas pour les alliés, qui comprennent fort bien que si le corps-à-corps décisif tournait en notre faveur, - et à l'admettre, il n'y a peut-être pas trop d'outrecuidance nous serions libres, étant maîtres de la mer, d'entreprendre une série d'opérations très gênantes pour eux et d'une répercussion sensible sur les affaires générales; ou bien de faire passer dans les bassins maritimes du Nord des forces capables de les dominer sans conteste.

Nous pouvons donc être assurés que l'on évitera de s'engager à fond contre nous tant que nous ne serons pas en mesure d'imposer à l'adversaire l'application du principe de stratégie rechercher avant tout et combattre les forces organisées de l'enne

au lieu de 69. Et comme les tourelles qui enveloppent ces nouvelles bouches à feu n'ont qu'un blindage de 250 millimètres, au lieu de 450; que d'ailleurs tous les organismes de manœuvre, le châssis, l'affût, etc., ainsi que les munitions, subissent des réductions de poids correspondantes, l'économie totale est au moins de 1200 à 1500 tonnes. Le déplacement de l'Ammiraglio di Saint-Bon n'est plus que de 9800 tonnes, au lieu de 14000, bien que l'épaisseur de cuirasse ait été augmentée au centre du bâtiment. Mais, d'autre part, la vitesse est descendue à 18 nœuds. Avec 1600 tonnes de plus, on aurait gardé la vitesse de 20 nœuds sans atteindre 12000 tonnes, le déplacement de nos Carnot, Jaureguiberry, etc.

mi. De sorte que la vitesse, une vitesse minima de 19 nœuds pour le gros des unités de combat et de 20 nœuds pour quelques-unes, apparaît nettement comme l'indispensable condition de l'efficacité de la force navale française dans la Méditerranée.

Autant que le nombre et la vitesse, le rayon d'action, la troisième caractéristique stratégique, aura sur les opérations de guerre une influence considérable, que pourrait à peine atténuer l'organisation, fort désirable en ce qui nous concerne, d'un service régulier de paquebots ravitailleurs en combustible. Il faut donc établir avec soin cette caractéristique, et ce n'en est pas un bon moyen que de prendre pour base de l'approvisionnement une distance franchissable arbitraire à la vitesse de 10 nœuds. On semble oublier d'abord que l'armée navale doit, une fois son but atteint, refaire en sens inverse, pour revenir à sa base, la route qui l'a conduite à cet objectif; et ensuite qu'il serait fort dangereux qu'elle se présentât devant son port, à l'entrée duquel ́peut l'attendre une force ennemie, avec ses soutes vides de charbon. D'ailleurs la vitesse à laquelle on s'arrête pour faire ce calcul devient tout à fait insuffisante. L'allure de route d'une escadre moderne se rapprochera plutôt de 14 nœuds que de 10. Enfin on ne peut négliger, surtout en temps de guerre, la dépense fort sensible qui résulte de la mise en jeu des chaudières et machines, indépendantes de l'appareil moteur, au moyen desquelles on assure le fonctionnement des services militaires, de l'éclairage électrique, de divers organes élévateurs, treuils, cabestans, etc., etc.

Serrons donc de plus près la réalité, inspirons-nous d'une manière plus directe des nécessités militaires en posant les conditions suivantes pour la détermination de l'approvisionnement de combustible:

1° Faculté de parcourir la Méditerranée, dans les deux sens, d'Oran ou de Toulon aux Dardanelles, à la vitesse de 12",5 à l'heure; ou d'aller de Toulon à Dunkerque à 14 nœuds, et cela suppose une consommation de 1000 tonnes environ pour le premier cas, de 800 à peu près pour le second;

2o Maintien en activité de toutes les machines auxiliaires, — ce qui entraîne une dépense de 120 à 150 tonnes dans les dix jours de la double traversée de la Méditerranée;

3° Constitution d'une réserve d'au moins 100 tonnes.

Au total 1200 tonneaux de charbon.

1200 tonnes de pétrole vaudraient mieux, aux divers points de vue du rendement, de l'encombrement, de la promptitude de la mise en soute. On éviterait surtout, n'ayant qu'à tourner des robinets pour alimenter les foyers, le rapide surmenage des chauffeurs et soutiers. Mais, quelques avantages militaires qu'on puisse en espérer, l'emploi exclusif du pétrole ne semble pas près d'être admis dans notre marine de guerre. Qui oserait fermer l'un des principaux débouchés du « charbon national » !

Nous n'aurions rien à changer de ce que nous disions plus haut des facultés tactiques et de la prédominance qu'il convient d'accorder enfin aux organismes offensifs, les armes, sur les organismes défensifs, ou du moins sur les plus lourds et les plus coûteux, les cuirassemens métalliques, si le moment n'était venu de rappeler que la Méditerranée est le champ d'expériences le plus favorable pour le « monitor de haute mer », où la protection contre l'artillerie de l'adversaire sera demandée avant tout à l'abaissement de la cible verticale, au grand bénéfice de la valeur militaire et du prix de revient de l'unité de combat. Il ne saurait être question de développer ici une conception déjà familière à beaucoup de marins et d'ingénieurs, déjà réalisée en partie, d'ailleurs, sur le Monterey et le Katahdin de la nouvelle marine américaine. En d'autres temps, nous ne nous serions laissé devancer par personne dans cette voie féconde; nous aurions essayé de résoudre tous les problèmes, incontestablement délicats, que soulève cette idée; et nous les aurions résolus. Est-il donc vrai que, désormais réduits à imiter, nous devions nous résigner à être en retard d'un type, bien loin d'être en avance?

V

Pour être sérieuse et durable, l'offensive doit s'appuyer, au début de la marche en avant, sur une base principale solide, et successivement, à mesure que l'armée navale progresse, sur des postes fortifiés, bases secondaires où se rassemblent les ressources les plus indispensables au ravitaillement des unités de combat. La prévoyante et tenace politique de l'Angleterre, servie par une diplomatie dont les menées sont toujours agressives quant au fond, sinon dans la forme, cette politique traditionnelle triomphe dans l'art de préparer dès le temps de paix les jalons des grandes lignes d'opérations naturelles des escadres. On peut cependant

admettre la faculté de créer ces échelons de ravitaillement au cours des premières marches sur des points empruntés au territoire ennemi, à ses îles, par exemple. Encore faut-il que les élémens de cette création soient préparés à l'avance et notamment que l'on ait prévu à quelles forces spéciales on confiera la défense de chaque échelon.

Mais nous sortirions de notre cadre si nous nous laissions séduire par ce sujet intéressant de l'organisation des bases maritimes. N'en retenons aujourd'hui que ce qui touche à la composition logique de notre flotte, c'est-à-dire l'organisation des défenses mobiles maritimes du littoral français et de ses annexes, Corse, Algérie, Tunisie, colonies exotiques.

Après de longues discussions - des discussions retentissantes et passionnées - on a fini par tomber d'accord sur la valeur des torpilleurs comme engins de défense des côtes. Bien mieux, ces torpilleurs, si dédaignés d'abord, ont réussi à se faire une place honorable, nous venons de le voir, dans les escadres actives, dans les forces navales de haute mer. Il est vrai de dire qu'ils ont dû, pour cela, renoncer au bénéfice que l'on considérait comme le plus essentiel à leur succès, l'invisibilité. Celui d'une grande vitesse, plus sûrement obtenue, plus longtemps maintenue, grâce à une augmentation sensible de leur tonnage, a suffi pour dessiller les yeux les plus prévenus contre la poussière navale; et l'on s'est avisé des services que pouvaient rendre comme porteurs d'ordres, comme estafettes, de petits navires très rapides dans les circonstances fort nombreuses où l'état de la mer ne s'opposera pas au développement de leurs facultés.

Pour n'en pas avoir d'aussi brillantes que les torpilleurs de haute mer, les torpilleurs côtiers de première classe (80 tonnes au lieu de 120 ou 150) n'en sont pas moins de bons engins de guerre, très bien appropriés à leur service, et avec lesquels on n'hésitera pas à prendre le large, à faire de la défense active, la meilleure, la plus efficace. Il n'est même guère douteux qu'un chef d'escadre revenant à sa base d'opérations avec des torpilleurs de haute mer fatigués, ne s'estime satisfait de pouvoir remplacer momentanément ceux-ci par ceux-là.

On n'en saurait dire autant des torpilleurs de deuxième classe qui, sensiblement plus faibles (45-50 tonnes environ), doivent être laissés à leur rôle défensif.

Mais, en tout cas, quel doit être le nombre de ces torpilleurs

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côtiers des deux classes? Existe-t-il des bases logiques d'évaluation?...

Supposons une force navale observée de près par l'ennemi, sinon bloquée, pendant qu'elle se ravitaille sur la rade qui lui sert de base d'opérations, qu'elle s'y refait de ses fatigues, qu'elle y répare ses appareils moteurs et nettoie ses chaudières. C'est aux élémens actifs, mobiles, de la défense maritime qu'il appartient d'assurer à cette escadre une sécurité relative; c'est aux torpilleurs côtiers notamment, de tenir l'adversaire le plus possible à l'écart, de l'empêcher de se rapprocher de la place à la faveur de la nuit, qui paralyse les ouvrages de côte, et de faire pleuvoir des obus sur la rade, sur les bâtimens, sur les établissemens à terre.

Une opération de ce genre, un bombardement inopiné et nocturne qui n'a rien de commun avec le bombardement systématique et calculé du siège en règle - ne peut être entreprise que par une division relativement faible en nombre de la force navale ennemie. Celle-ci, en effet, ne saurait passer ses nuits à l'ouvert de la rade, et garder ses chaudières en activité sans user prématurément tous ses moyens d'action. Elle aura donc au moins la moitié de son effectif en réserve, soit au mouillage, dans les environs de la base d'opérations, soit au large, avec la moitié des feux, seulement.

Admettons que 4 cuirassés et un nombre correspondant de navires légers soient chargés, chaque nuit, de l'opération qui nous occupe. On ne peut compter moins de 12 torpilleurs de première classe 3 par cuirassé pour s'y opposer en attaquant avec quelque efficacité les unités lourdes de cette division. Or, il est clair que ces torpilleurs eux-mêmes méritent bien une nuit de repos sur deux; d'où nécessité d'en attribuer 24 à la base d'opérations, et même 30, pour parer aux accidens, aux avaries, aux chances diverses de la guerre.

Mais, tandis que les torpilleurs se jettent sur les cuirassés de l'adversaire, il faut que des bâtimens un peu plus forts contiennent ses navires légers. C'est le rôle des avisos chefs de groupe, et nous devons en compter quatre ou cinq pour une flottille de 30 torpilleurs.

Que si le combat se rapproche de la place, que les nôtres aient le dessous, ou bien que cet engagement, prolongé jusqu'au jour, attire la réserve de l'escadre ennemie, il devient nécessaire et

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