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Sur luy redonde,

Et trouble sa clere onde,

Voyant sa mere en dangereux destroits.

Voyant pallir sa perle clere et ronde,
S'en luy abonde

Vne pitié parfonde,

Certes son cœur fait ses naturelz droits.

FRANCE.

Despouille toy de fleurs et de verdure,

Si cecy dure,

Et prens noire vesture

Printemps nouuel, entrant au moys de Mars.

Trop hairons (1) nous ta verde floriture,

Si ta figure

Ha si mauuais augure,

Qu'à ton venir Mort nous iette ses dars. (2)

BRETAIGNE.

Ne chantez plus, vous oiselets espars,

De toutes pars,

Laissez voz chants gaillards,

Si lamentez en trespiteux murmure,

Iusques à tant que ieunes et vieillards,

Pasteurs en parcs,

Gendarmes et souldars,

Ne doutent plus ceste mortelle iniure.

FRANCE,

Ne flote plus ne reflote la mer,

(1) hayrons, en mscr. de G. mais ne faisant non plus que deux syllabes.

(2) Venir, éd. 1516; mais « que a ton veulx, » en mscr. de G.

Si cest amer

Que nul ne doit aymer,

N'est auant hors de ma triste memoire:

Poissons nageans, laissez vous tous pasmer,
Et abymer,

Sans plus d'eaue humer,

Si ce mal tombe au grand fleuue de Loire.

BRETAIGNE.

Si la royne ist de ce val transitoire,
Honneur et gloire.

Autant qu'on peult (1) croire,

Adieu vous dis pour mon dueil exprimer

Adieu clemence et vertu donatoire,

Pitié notoire,

Aumosne meritoire,

Et tous les biens qui font à estimer.

FRANCE.

Bretaigne fille, ayons en Dieu fiance,

Car ma creance

Encline à esperance,

Tant ont noz gens fait prieres et vœuz.

Dieu tout puissant poise tout en balance:

Mais quand sa lance,

A nous punir s'auance,

Pitié le rend vers ses seruans pitoux. (2)

(1) que on (éd. 1516); que' on en (mscr. de G.) (2) Et quand sa lance

De nous pugnir savance

Enfin pitié le rend à nous piteux (mscr. de G.)

BRETAIGNE.

France ma mere, helas ce cas hideux,

Touche à nous deux :

Mais si Dieu glorieux

Vouloit monstrer sa grand resplendissance,

Son nom hautain, son nom victorieux
Feroit heureux

Maints poures langoureux,

Qui ia de peur, n'ont vertu ne puissance. (1)

LACTEVR.

Par ces douces et lamentables vociferations (2) feminines, qui penetroient iusques aux cieux, le Roy tresdebonnaire Loys douzieme, fut nauré iusques au cœur dune flesche empennée de pure et chaste affection maritalle, et plus que paternelle. Mais de la playe nyssit autre liqueur, fors eaue clere et viue quon dit lacrymale, en grand abondance. Laquelle chose est trop plus difficile à tirer dun cœur d'homme, et mesmement dun Prince tel quil est, que ne seroit traire du sang à force hors du corps dun vaillant homme darmes. Car ce ne se peult faire sans grand violence. Ledit seigneur donques (iasoit ce que trespuissant il soit) mais voyant que sa mondaine puissance nestoit assez aydable, ne secourable à sa treschere compaigne, attendu que toutes choses terrestres et humaines luy defailloient, (3) mesmement lart medicinable, qui est le dernier

(1) On aura pu remarquer dans toutes ces stances une grande variété de rythmes, et surtout la rime triplée en chaque quatrain. (2) c.-à-d. exclamations.

(3) Le mscr. de G. ajoute « en ung instant et au grand besoing mesmement l'art medecinalle. »

remede à nostre fragilité, saduisa promptement de son tresdigne et tressaint tiltre, qui est de Chrestienté en degré superlatif, au moyen duquel il ha acheué maintes hautes besongnes, et cuité maints grans perilz, et infortunes dressez à luy et à son peuple. Par ainsi comme Roy treschrestien, il ha eu recours au ciel dont son tiltre, sa consecration, son enseigne et ses armes sont descendues en terre. Et puis quil ha eu recours au ciel, le Souuerain dominateur celeste nous ha esté propice et fauorable, et ha reïteré audit seigneur Roy vn second miracle, dont le premier à tousiours memorable, ha esté veu en sa personne mesmes et cestuy cy, en sa seconde personne cestasauoir la Royne Anne nostre princesse souueraine et tresredoutee. Pour la convalescence de laquelle, soient à Dieu celebrees par toutes nations, tant subiettes comme amies et beniuoles, (1) infinies actions de graces : et redigees par escrit en memoire (2) perpetuelle, à fin quon cognoisse cy apres par exemples certains, ou plustot histoires approuuees, de combien les puissances supercelestes et vltramondaines, sont plus familieres et enclines au secours de la sacree couronne et maiesté treschrestienne, que ne sont les choses terrestres et visibles.

Fait à Bloys au iardin du Roy, Lan de grace mille cinq cens et douze. (3)

(1) benevolentes (mscr. de G.)

(2) perpetuelle, omis dans le mscr. de G.

(3) Le mscr. de G. porte : Fait à blois le second jour dauril Lan de grace mil cinq cens et unze avant pasques. Est-ce la date de la composition ou de la copie? Jean Marot fit également (en mars 1512) des vers pour célébrer la convalescence de la reine Anne, après une fausse couche.

LE TRAICTÉ

INTITVLÉ LA CONCORDE DES DEVX LANGAGES.

Prologue.

Pvis peu de jours en ça, est de nouuel aduenu, que deux personnes ayans beniuolence lune à lautre, et tous deux de noble et gaillarde nature: cestasauoir quant à lart et estude Mercurial (1) et Palladien, se trouuerent ensemble en lieu domestique et priué, et eurent entre autres choses, deuises entremeslees, de la comparaison de la langue Françoise, et de sa franchise et bonté naïue enuers le langage Toscan et Florentin, lesquelz sont deriuez et descendus dun mesme tronc et racine cestasauoir, de la langue Latine, mere de toute eloquence. Tout ainsi comme les ruisseaux procedent de la fontaine, et doiuent viure et perseverer ensemble, en amoureuse concordance. Neantmoins commençoit entre lesdits deux personnages, qui de toute prime ieunesse sestoient entreaymez par admiration de vertu, à sourdre quelque debat et altercation de leurs preeminences quant à fidelité (2) et ce procedoit de gracieuse ialousie : Car lune des parties soustenoit, que la langue Françoise estoit assez gente et propice, suffisante assez, et du tout

(1) Mercuréen (1528).

(2) c.-à-d. exactitude expressive. C'est l'idée de la Deffense de Dubellay. Cf. notre édition I, p. 11.

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