Page images
PDF
EPUB

Tel est son tiltre, et tel nous l'aduouons,
Quand par effect semblable le voyons.
Mais s'il est autre, et du tiltre il abuse,
Chacun des bons, d'entre nous, le refuse.
Or à present en auons nous vn tel,
Qui se dit serf du grand Dieu immortel,
Mais il tient peu de son bon exemplaire :
Parquoy ne peult aux tresurays Chrestiens plaire,
Ainçois complait plustot aux infideles,
Quand par efforts de ses armes cruelles
Il ne fait rien, sinon s'esûertuer,

De sang espandre, et faire gens tuer.

Et pour monstrer qu'il y met son estude,
Et qu'il nous rend pour grace, ingratitude,
Noz ennemis par tout il solicite,
Que contre nous la guerre resuscite :
Et que François pour vne fin totale,
Soient frustrez de noz biens en Itale.

Dieu, quelle erreur ! Et quelle frenesie !
Luy qui deuroit, Europe, Afrique, Asie,
Par bon exemple à tous biens esmouuoir,
N'ayme rien tant, que de mal faire voir,
Frauder autruy de sa iuste possesse,
Peuple esmouuoir à rebeller sans cesse,
Rompre la foy, conspirer, machiner,
Et rien ne faire autre qu'imaginer

Comme il puist nuire au Royaume de France,
Qui pour l'Eglise ha eu mainte souffrance,

Fait maints grans frais, gaigné maintes victoires,
Telles qu'on void par toutes les histoires.

Et maintenant, vn Pape ingrat conspire,

Dont de douleur (non de crainte) souspire, (1)

(1) Moi, Louis XII, j'en gémis de douleur, (ou de colère, of. dolor en latin.)

De remonter noz ennemis vaincus

A grand effort, de lances et d'escus:
Vaincus dis ie, Voire pour sa querele, (1)
En exposant ma personne pour elle.

Et maintenant contre nous il s'anime,
Plus par faueur, (2) que de cœur magnanime:
Car pour Gasteur, il se nomme Pasteur,
En lieu de Pere, il est Desolateur.

O mon vray Dieu, quel' guerre monstrueuse,
Mal consonante, encor moins fructueuse !

Il fait beau voir vn ancien prestre en armes,
Crier l'assault, enhorter aux alarmes,

Souillé de sang, en lieu de sacrifice,

Contre l'estat de son tresdigne office :

Fermer (3) son camp, en temps rude et diuers,
Illec souffrir le plus dur des hyuers,

Pour à chacun grands merueilles donner.
Puis, en la fin ses gens abandonner,
Laisser là tout, Bombardes et canons,
Meubles de guerre, enseignes, confanons,
Sans que mes gens daignassent le poursuiure:
Car de le vaincre il ne s'en peult ensuiure
Los ne proufit, trop moins que d'vne femme.
D'estre vaincu, ce me seroit diffame,

Ce scet il bien, car assez ha vescu.

Donc, pour non vaincre, et non estre vaincu,
S'il reuient plus, et ouy comme on dit,

Par tout mon ost ie feray faire edit,

Aux gens de pied, quand ilz sont en fureur,

Que nul ne touche au Pape par erreur :

(1) Les éditions antérieures portent querelle.

(2) fureur? Mais toutes les éditions ont : faveur (qui peut signifier protection.)

(3) firmare, fortifier.

Et que par tout tresbien soit duisé,
Qu'il ne soit prins en habit desguisé. (1)

S'il ha sa croix, et le saint sacrement,
Qu'on garde bien d'y toucher nullement :
Mesmement, quand l'artillerie sonne,
Que canonnier n'offense sa personne :
Car de tous poincts nous voulons escheuer,
Que meschef nul ne le puisse greuer.

Aussi desia, ie proteste et promets,

Si mal luy vient, que ie n'en pourray mais,
Ia soit il or, que de ce soucy n'ha,

Car oncques Pape en armes ne fina.

Mais au surplus, en ceste guerre amere,
S'il y ha Grec, ou né de Grecque mere,
Puis que les Grecz haient tant les François,
Que tout gensdarme en face à son franc chois.
Tout Grec portant la barbette moustache,
Qu'il n'ayt respit, aumoins s'il ne se cache:
Tout Geneuois, qui ha tourné sa robe,
Souz ceste loy, soit comprins, s'il ne hobe. (2)
Veniciens, Marranes, Mores, Turcz,

Iuifz, Mameluz, trop obstinez et durs

Contre la foy, tressainte et treschrestienne,
S'ilz sont vaincuz, que mercy ne leur vienne,
N'ha tous les leurs complices, alliez,
D'honneur, de sens, de vertuz, oubliez.

Et soit crié, par mes gens, Le Roy viue,
Qui pour la foy, contre malice estriue.
Voila la loy, voila l'edict Royal,
Que doit garder tout souldoyer loyal.

Or soit assez parlé de tel' matière, (3)

(1) V. la même idée dans une sotie de Pierre Gringore. (2) sortir, partir. On trouve : sil ne se hobe, éd. 1528. (3) tel, éd. 1516.

Honny soit il par qui il la faut querre,
Mieux me piairoit auoir empris la queste,
De retirer par vne grand conqueste,
Des mains des Turcz le Troyen territoire,
Qui nous attient, par droit ample et notoire
Car pour fonder noz quereles et droits,
l'ay regardé par tous sens et endroits,
Que nul n'est tant prochain de toy, que ié:
Tu le scez bien, ie ne l'ay pas songé.

Si est il vray, que mon tronc, mon blason
N'est point sorti d'Hercules, ou Iason,
Qui furent Grecz, tes anciens aduersaires,
Tous deux tyrans, tous deux chefz des coursaires,
Mais de Francus, le tien tresnoble filz,
Lequel cueillant de tes biens les proufits,
Laissa sa terre, et conquist grand païs
Sur les palus du fleuue Tanaïs.
Estant illec, sa gent creut en tel nombre,
Que l'vn faisoit, à l'autre grand encombre.
Si conclud lors (dont vn chacun le loue)
D'aller saisir le grand fleuue Dunoe,
Là fonda il, pour sa Royale chambre,
Vne cité, qu'il appella Sicambre:
Mais a present, se dit Bude en Hongrie :
Qui de tous biens ne fut point amesgrie.

La prindrent nom les Francz de Sicamber,
Durs comme sont les marteaux Mulciber.
Et par ainsi, de ces deux noms, que prindrent
Tes heritiers, d'estre nommez aprindrent
De Francus francs, et par commun adueu
Sicambriens, de son filz ton neueu,
Dont sont sortis deux peuples Sicambrois :
Cestasauoir, les Hongres, et Gheldrois.
Les vus sont mis en basse Pannonie,

Les autres sont en basse Germanie.

Pareillement, de Francus sont dits francs
Les hauts Germains, puissans hommes et grans,
Qui par prouesse, et force, non inique
Premier regnans, en terre Germanique,
Ont donné nom au païs de Francone,
Qui est prouince, illustre, riche, et bonne :
En leur langage, on lappelle Franclant,
Oultre le Rhin, lequel fleuue est coulant
En l'Ocean, qu'on dit la mer de Frise,
Vers le cartier du Nort, et de la Bise.

La grand cité de Francone, est Francfort :
Qui de tel nom se prise encores fort.

Que diray ie de tes gens au surplus?
Sicambrois, Francs, ainsi que du ciel pleus (1)
A grand ondee enuahirent les Gaules:
Lors les Romains tournerent les espaules,
Si que tantost presque Gaule totale,
Receut le nom de France Occidentale,
Pour désigner par vraye demonstrance
Qu'Allemaigne est Orientale France.

Voila comment ton noble filz Francus
Vint en Europe, ains long temps que Turcus,
Qui d'aucuns est pour ton neueu clamé,
Dont le païs de Turquie est nommé.

Or depuis ont, les tiens hoirs, mes ancestres,
(La mercy Dieu) tant eslargi leurs sceptres,
Qu'en ensuiuant les tresgrans labeurs tiens,

Ilz sont par tout nommez Roys treschrestiens.
Donques par tout les climats renommez

Chrestiens sont francz, et pour francz sont clamez.
Aussi France est de toute gent franchise:

(1) Se rappeler le mot historique : « Il en pleut, des flamands! »

« PreviousContinue »