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Par ce ne puys (1) nullement me seduire.
Et d'autre part, si l'on vouloit reduire (2)
L'arc Cupido à luy son maistre ancien,
Il conuiendroit qu'Atropos eust le sien,
Lequel Venus de tout plaisir meurtriere
Ha fait ietter en profonde fondriere

D'vn fleuue obscur, duquel l'eau toute immunde
Ha fait périr les deux pars de ce monde.
Or ha esté cest arc tant tracassé,

Que presque est il tout brisé et cassé,
Parquoy n'est point à present receuable.
Ce congnoissant ma maistresse notable,
Ma donné charge, et pleine instruction,
Sur le danger de ma destruction,
Ne consentir à autre accord final,
Dont i'ay iuré Styx palus infernal,

Qui est serment que ne voudrois enfraindre :

Car tous les Dieux (ce crois) doiuent fort craindre.

Ie n'en dis plus, et finis pour cela.

Pourtant chacun se tienne à ce qu'il ha.
Ainsi fina Megere sa replique,

Et Volupté formoit ia sa duplique,
Si par mes dits et tumultueux sons (3)
N'eussent esmu ensemble gros tensons.
Par diuers iours ont vaqué à l'affaire,
Sans qu'on peust rien accomplir ne parfaire,
Ains tant croissoit tousiours leur different,
Que long proces y estoit apparent

Tousiours, trop plus que moyen de concorde.

(1) Dans Ronsard tu puis.

(2) Ramener, rendre, sens propre et primitif du mot.

(3) N'est-ce pas mesdits, mauvaises paroles par lesquelles s'élèvent les disputes?

Mais Iuppiter hayant faulse Discorde,
Depuis qu'il feit par vouloir odieux
Troubler iadis le conuiue des Dieux,
Y enuoya derechef par grand cure
Son grand heraut et truchement Mercure,
Et luy bailla deux arcs lors en sa main,
Dont l'vn estoit mortel, triste, inhumain,
L'autre ioyeux et pour Chagrin deffaire,
Luy declairant ce qu'en auoit affaire
Pour tout conduire à bonne consequence.
Alors s'en part le grand Dieu d'eloquence,
En delaissant la region celeste.

Si vint descendre en rondeur non moleste,
Dedens la tente ou estoit l'assemblee,
Pour la plus part discordante et troublee.
Mais aussi tost qu'il print son caducee,
Toute discorde et rumeur fut cessee.
Car il ha bien le pouuoir icy bas,
Pour amortir tous contens et debats.

Ce fait aussi bon silence obtenu

Leur declairast ce formel contenu.

MERCVRE.

Oyez vous tous assemblez ou nous sommes,
Iuppiter Roy tant des Dieux que des hommes,
Tresiuste et droit, lequel par sa prudence,
Met tout discord en bonne concordance,
Recongnoissant le bien de Paix duisible,
Et le malheur de Discorde inuisible,

Voulant aussi de support convenable (1)
Pouruoir au fait de Venus l'amiable,

(1) par appui suffisant.

III.

20

M'ha cy transmis, pour son intention
En ce cas mettre à exécution.
Premièrement, à fin que ne foruoye,
Tien Volupté, voilà l'arc qu'il t'enuoye,
Que porteras à Venus ta grand mere,
Qui iusque icy ha eu douleur amere,
Et de par moy luy feras asauoir,
Qu'il ha puissance et semblable pouuoir
Comme celui dont Atropos la noire
Priua son filz Cupido apres boire.
Et qu'elle dit à son filz et commande
Sur le danger d'encourir grosse amande,
Qu'il ne soit plus de cerueau si leger,
De le laisser, ou perdre, ou estranger.
Semblablement entens à moy Megere,
Voicy vn are cruel et mortifere,
Dont Atropos pleine de venefice,
Exercera son coustumier office,

Et s'elle veult de l'arc d'Amour tirer,
Pour vieilles gens en amour attirer,

Tous cy presens, et absens soient certains,
Qu'à tous ceux là qui en seront atteins,

Telle rigueur leur sera impartie,

Qu'ilz aymeront, mais sera sans partie :
Mesmes vieillars toussans, crachans, chanus,
Ne seront point aux dames bien venus.
Et s'ilz le sont, ce sera par l'adresse

Non point d'amours, mois plustot de richesse.
Quant est de l'arc mortel, que feit bouter

Dame Venus en vn fleuve à douter,

Pour le present ie n'y vois nul secours.

C'est dit commun, qu'il faut que l'eaue ayt cours

Et toutesfois le malheur assez ample,

Des languissans est proufitable exemple,

Tant aux viuans, comme à leurs successeurs,
De n'estre point de danger aggresseurs,

Ne de nager en suspecte riuiere,

A chaude chole, et defaut de lumiere.
Sur ce finis de ma charge le dit,
Qu'obseruerez sans aucun contredit.
Son dit fini Mercure au ciel volla,
Puis vnchacun sans delay s'en alla,
Et peu à peu diminua la presse.

Le soir venu Hebé ma belle hostesse,
Pour entremets de la collation

De ce me feit brieue narration,

En la maniere et forme que le conte,
Parquoy suppli, que s'il y ha mesconte,
Aucune offense, ou soit basse ou soit haute,
Qu'à elle seule on en donne la faute :
Car autrement qui blasmer m'en voudroit,
Ie monstrerois auoir cœur à bon droit.

FIN DES TROIS CONTES D'ATROPOS ET DE CVPIDO.

De peu assez.

EPISTRE

DU ROY A HECTOR DE TROYE. ET AUCUNES

AVTRES EVVRES ASSEZ DIGNES DE VOIR.

Epistre responsiue à celle que Monseigneur Reuerend Prelat Labbé d'Angle en Poictou, Dam Iean Danton, (1) Chroniqueur du Roy treschrestien Loys douzieme, nagueres enuoyee audit seigneur, de la part d'Hector de Troye. Laquelle response au nom du Roy nostre sire, ha esté composee par Iean le Maire de Belges, tres-humble Indiciaire, et Historiographe de la Royne.

O preux Hector, ô haut coeur de Lyon,
Prince de Troye, heritier d'Ilion,

O le non per, de prouesse et d'honneur,
Quand de ta lettre ay bien veu la teneur,
Ie te promets en foy de Royal tiltre,
Qu'en mon viuant, ie ne receuz (2) epistre
Qui tant me pleust, ne tant me donnast ioye.
Non que par celle esprins de gloire soye
Pour le haut loz dont tu me prises tant:
Car des vertus, que tu vas recitant,
S'aucunes ha qui reluisent en moy,

(1) Les éditions 1516, 1528 et 1533 ont cette orthographe, bien que l'on trouve D'autun, D'auton, D'authon, historiographe de Louis XII.

(2) receu (1528).

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