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De l'autre part tiendra pour grieue offense,
Vn tel mespris, de son dard et brandon.

Nature aussi, qui vous propine essence,
Estimera le defaut trop enorme,
D'acquiter mal si belle adolescence.

Et oultreplus, ie vous dis et informe,
Que ie qui suis vostre chef souuerain,
Condamneray vostre erreur si difforme.
Ie Genius, grand Primat primerain
De toute Gaule, et de mainte autre gent,
Vous choisiray du premier au derrain. (1)
Et s'il s'en treuue aucun si negligent,
Qu'en son temps n'ayt seruy Venus sa dame,
Il en mourra de pardon indigent (2)
Et sera dit Anatheme et infame,
Forclos d'aller aux beaux champs Elysees,
Ou le siege est de mainte benoite ame.
Mais pas ne croy voz hautesses prisees,
Si regimbans encontre l'esguillon,
Si peu sauans, ne si tresabusees :

Car quand Amour, plus gay qu'vn papillon
S'adresse à vous, bendant son arc d'iuoyre,
Point ne deuez euiter son raillon. (3)

Son vulnerer vous est triomphe, et gloire
Sa playe inflicte, est pour vous honnorer,
Et anoblir vostre nom et memoire.

Par ainsi donc, deuez vous adorer

Dame Venus, et Cupido son filz,

Et à leur vueil du tout optemperer. (4)

(1) c.-à-d. examiner, discerner.

(2) c.-à-d. ayant besoin de pardon, latinisme fréquent dans Lemaire.

(3) espèce de flèche, d'où raillonnade, le coup de cette flèche. Cf. Ducange vo Raille.

(4) obtemperer (1516 et 1528).

En ce deuoir deuez estre confits,
O hommes clercs, nobles adolescens,
De tous les biens de nature assoufis.

Leuez voz cœurs, desployez cy voz sens,
Mes chers enfans que ie vueil introduire,
Et m'adressez vos beaux yeux relucens.
Ie suis celuy, que Dieu ha fait reluire
En haute essence au reng des Demydieux,
Pour assister aux hommes, sans les nuire,
Genius suis, vous suiuant en tous lieux
Pour vous semondre, et vous persuader,
Ce que ie scay qui vous affiert le mieux. (1)
Crée ie fus, pour vous duire et guider,
Pour procurer la vostre geniture,
Et au surplus vous deffendre et garder.

Ma substance est de haute intellecture,
Comme vniforme à noblesse angelique :
Et mon tiltre est, vray amy de Nature.
Mon geniteur, celeste et deïfique
Se dit Mercure, eloquent, prompt, et sade,
Le Dieu d'engin, et de toute traffique.

Et ma mere est, vne Nymphe Naiade
Nommee Lare, à Venus pedisseque,
Fort domestique, obsequente et non fade.
Or suis ie donc le moteur extrinseque,
Qui voz plaisirs vous addresse et auance,
Et voz ennuys vous recule, et reseque. (2)

Si pouuez voir, sans nulle deceuance,
Comment ie suis vostre vray gardien,

(1) C'est l'idée payenne du génie tutélaire d'une personne, d'une localité, d'une chose quelconque.

(2) de resecare, trancher, retrancher, abréger.

Grand Paranymphe, et tout plein de sauance. (1)

Car mon labeur, mon train cotidien,
Est vous instruire, ainsi que le voyez,
Principalement, en lart Venerien,

Auecques vous quelques part que soyez,
Tousiours ie suis, et ay prerogatiue
De vous instruire, à ce que me croyez.
Vostre penser, vostre imaginatiue
Sont souz ma loy car i'en scay les secrets
Et aussi est la force genitiue.

A Genius voz fronts sont consacrez,

Voz beaux semblans, toutes voz bonnes cheres,
Voz dits plaisans, voz mots doux et sucrez.
Vos yeux gentilz, et voz plaisans manieres,
Voz ris, voz chants, voz faits ingenieux,
Souz Genius obseruent leurs banieres.
Tous malplaisans, tous auaricieux,
Ne me sont rien, ne sots, ne coquibus :
Mais les frians, liberaux, gracieux.

Et ceux là sont, qui me doiuent tributs
Comme Gentilz, Bien complexionnez,

Sanguins, ioyeux, sans fraude, et sans abus. (2)
La raison est, pource, qu'ilz sont bien nez,
Souz l'horoscope, et regard Venerique,

Ou que d'eux mesme, ilz s'y sont façonnez.
Leur oraison, est pure rhetorique,

Leur liesse est, propice et geniale,
Et leur attrait, amoureux et lubrique.

Leur façon est, humaine, sociale,

(1) scavence en 1516 et 1528, science, savoir, expérience. Cf. Ducange vo Savirum et Scientialis.

(2) cf. l'anglais Sanguine, ardent, vif, confiant.

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Sauant (1) sa court, tresbien mondanisant,
Et leurs habits, de gorre speciale. (2)

Telz estes vous, ô peuple reluisant,
Peuple de Gaule, aussi blanc comme laict,
Gent tant courtoise, et tant propre et duisant.
François faitiz, francz, fors, fermes, au fait
Fins, frais, de fer, feroces, sans frayeur,
Telz sont voz noms, concordans à l'effect. (3)
Peuple hardi, de perilz essayeur,

Illustre sang, Troyenne nation,

Non espargnant son sang ne sa sueur.

Neueux d'Hector, enfans de Francion,
Qui sur les borts du grand fleuue Dunoe
Fonda Sicambre, et y feit mansion.

Vostre haut los, en parfond honneur noue,
Vostre nom cler vole iusques aux cieux,
Mydi vous craint, Septentrion vous loue.
Tout Occident, tous Orientaux lieux,
Indes, Persans, Scythes, et Parthes scaiuent
Que vous estes les bien vouluz des Dieux.
Voz clers penons en Asie se lieuent:
Les Turqz ont peur de vostre bruit et fame,
Et voz fiertez redoutent et eschieuent. (4)

Grece ha fiance en l'ardant Auriflame,
Qui d'iceux Turqz les yeux esblouira,
C'est tout l'espoir qu'elle attent et reclame.
Vostre hauteur de ce l'esiouira

Dedens brief temps: car i'en voy les apprestz,
Dont vnchacun vostre nom benira.

(1) Scavant (c.-à-d. sachant) dans les autres éditions. (2) de parure, de richesse.

(3) Allitération digne de Molinet.

(4) A propos d'une nouvelle et vaine promesse de croisade.

Mais cependant, à fin d'estre plus fraiz,
Reposez vous, reprenez voz haleines,
Et de labeur soyez vn peu soustraits.

Refocillez voz membres et voz veines, Impossible est que tousiours are puist tendre: Car ses forces en seroient trop veines.

Entredeux faut à volupté entendre,

Et y vaquer à l'exemple de Mars,

Qui s'accointoit de Venus blanche et tendre, Et mettoit ius, escuz, et braquemars.

FIN.

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