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4.

ture; ces mystères plus obscurs, plus incompréhensibles encore, quoique plus simples, que ceux de la politique, qui cependant mettent toujours en défaut nos publicistes de société. D'où vient cela, sinon de ce que l'homme ne peut jamais, dans aucun genre, mettre des bornes à son insatiable ambition? ambition de tout savoir! ambition de tout posséder! ambition de tout asservir! Curiosité, avidité, soif de dominer, vous êtes toutes la même passion; vous vous ressemblez toutes à l'objet près, et toutes également vous conduisez à la folie celui qui, possédé par vous, ne sait pas vous maîtriser!

Cependant, ainsi que l'a dit le plus philosophe et le plus aimable des poètes :

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avidum domando

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Spiritum, quam

si Lybiam remotis

Gadibus jungas, et uterque

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Pænus serviat uni, „

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De même en fait de science. Pour savoir mieux, contentez-vous de moins savoir: écoutez, suivez ce sage conseil: voyez ce docte Empedocle, de qui on peut dire avec Lucrèce, s'il est vrai qu'il ait fait tout ce qu'on lui attribue,

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Ut vix humanâ videatur stirpe creatus.,,

Voyez-le, jaloux de ne rien ignorer; à tout ce qu'il savait déjà, jaloux d'ajouter la connaissance de la cause, de la nature des volcans, pour courir après cette découverte, se livrer en insensé à une mort certaine (1). Voyez Crésus l'envie démesurée d'accroître des trésors inutilement amoncelés, lui fait perdre tous ceux qu'il possède, et avec eux sa propre existence, dont il doit la conservation inat

(1) Tout le monde sait qu'il est dit qu'Empédocle, cet homme illustre, tout-à-la-fois philosophe, physicien, médecin, poète, historien, etc. avait eu la sagesse de refuser un diadème et la folie de se précipiter dans le volcán du mont Etna. N'était-ce pas le cas de lui dire, comme Festus à l'apôtre Paul: Insanis, Paule; multoe te litteræ ad insaniam ducunt.

J'aurais pu également citer Pline dont on raconte la même chose : Archimède, après maint et maint acte de folie, produit par sa passion pour les mathématiques, s'amusant à la recherche d'un' problême, pendant la prise et le sac de sa ville et terminant enfin par se faire tuer plutôt que de se laisser interrompre, etc.

fendue au seul nom d'un philosophe (1). Voyez César: parvenu à travers les plus grands hasards au plus haut degré de puissance et de gloire qu'il soit possible d'atteindre, maître du plus grand peuple, du peuple souverain de l'univers; comme si le nom de César, ce

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(1) O Solon! ô Solon! s'écrie-t-il, et cet hommage rendu à la philosophie lui sert plus que jamais ses richesses n'avaient fait, si toutefois il pouvait alors regarder comme un bonheur la conservation de ses jours. J'aurais pu citer aussi ce tyran de Samos, célèbre par ses richesses célèbre par sa vaine et infructueuse prodigalité plus célèbre encore par sa triste fin, quoiqu'elle ait été moins déplorable que celle de Crésus puisqu'après la vie la plus heureuse on ne le força pas de prolonger une carrière destinée à l'ignoaninie et à l'infortune, qui cependant est la véritable pierre de touche de l'homme, dans laquelle il peut se montrer plus grand que dans les jours de sa splendeur et de sa félicité; sans laquelle on ne peut affirmer qu'il soit vraiment grand :

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Quò magis in dubiis hominem spectare periclis
Convenit, adversisque in rebus noscere quì sit.
Nam veræ voces tum demùm pectore ab imo
Eliciuntur; et eripitur persona, manet res.
LUC.

nom chéri et adopté par ses successeurs, n'était pas pour lui le plus beau des titres, pour satisfaire entièrement son fol amourpropre, il lui faut une vaine qualification`› et il trouve sa perte dans ce qui devait lui coûter le moins (1).,

(1) "Mais toutes ces belles inclinations furent » altérées et étouffées par cette furieuse passion » ambitieuse, à laquelle César se laissa si fort » emporter, qu'on peut aisément maintenir qu'elle tenait le timon et le gouvernail de toutes ses actions d'un homme libéral elle en rendit » un voleur public, pour fournir à cette profu

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sion; et l'argent lui fit dire ce vilain et très

injuste mot; que si les plus méchans et perdus » hommes du monde lui avaient été fidèles au » service de son agrandissement, il les chérirait » et avancerait de son pouvoir, aussi bien que » les plus gens de bien; l'enivre d'une vanité si > extrême, qu'il osa se vanter en présence de ses » concitoyens, d'avoir rendu cette grande république romaine, un nom sans forme et sans » corps, et dire que ses réponses devaient meshuy

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servir de lois ; et recevoir assis le corps du » sénat venant vers lui, et souffrir qu'on l'adorât » et qu'on lui fît en sa présence des honneurs divins. Somme, ce seul vice, à mon avis, perdit

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Crescit indulgens sibi dirus hydrops.

HOR.

Vérité! immuable vérité, confirmée par l'expérience de tous les siècles. Toujours,

en lui le plus beau et le plus riche naturel qui fut oncques, et a rendu sa mémoire abominable à tous les gens de bien, pour avoir voulu » chercher sa gloire en la ruine de son pays, et subversion de la plus puissante et florissante chose publique que le monde verra jamais.

MONTAIGNE, Ess. liv. II.

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« Au demeurant, César mourut en l'âge de cinquante-six ans, et ne survécut Pompéïus guère plus de quatre ans, n'ayant reçu d'autre » fruit de cette domination qu'il avait si ardem»ment pourchassée toute sa vie. »

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PLUTARQ. Hom. Ill. Vie de J. Cés.

J'aurais pu également citer d'autres fameux conquérans, dont la fin a été des plus malheureuses, et à qui une ambition démesurée avait en quelque sorte tourné la tête; tels, Alexandre, ne trouvant pas la terre assez grande pour y exercer ses ravages, et qui, après avoir triomphé de tout l'univers, se laisse lui-même maîtriser par la cruauté, la superstition dont il s'était joué, la crainte des siens, la débauche, et périt des Suites d'une orgie.

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Cambyses qui, après avoir conquis toute l'E

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