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Au reste, je suis loin de me glorifier de cette opinion, elle n'est pas plus nouvelle que celle qui m'a amené à l'émettre ; elle rentre dans ce système sur la génération, non moins singulier aussi, lequel attribue le premier germe, non pas créateur mais reproductif de l'homme, à un ver. J'ai dû en faire l'observation, pour prouver aux censeurs et détracteurs, aux louangeurs et admirateurs de la race actuelle, et à ceux de la race qui vient de finir, que, sous aucun rapport soit physique, soit intellectuel, nous ne dégénérons point, ni ne nous perfectionnons beaucoup, puisque le principe matériel de notre existence est toujours le même ; puisque dans presque tous les genres, en bien comme en mal, nous fesons et disons ce qu' 'ont fait et dit nos devanciers. Aussi les amateurs et les inventeurs de nouveautés doivent-ils être tout-à-la-fois et bien étonnés et bien fâchés, quand par hasard ils ouvrent les écrits des anciens, de se voir, au moins devant leur propre conscience, obligés d'avouer qu'ils ne sont que des copistes, des

échos (1), et souvent même de faibles ou

infidèles échos.

N'importe, si on veut les en croire,

(1) Au moins devant leur propre conscience, disje, parceque c'est l'unique juge devant lequel on soit forcé d'être de bonne foi, de faire restitution complète de tout ce qu'on s'attribue ou qu'on se laisse attribuer dans le public, qui vous regarde comme l'auteur, quand vous n'êtes que le simple et quelquefois furtif éditeur. C'est ainsi, pár exemple, que l'éditeur du nouveau calendrier (lequél, igrominieusement appelé le Calendrier Républicain, par son renvoi aux calandes grecques, avec les honneurs de la guerre, est redevenu comme il l'était réellement, l'ancien calendrier) s'est, avec une louable résignation, laissé attri buer successivement le mérite et la honte de l'invention, quand il savait bien, quand il ne pouvait pas ignorer que l'un et et l'autre appartenaient entièrement à l'Egypte, ce berceau de toutes les institutions grandes et vraiment philosophiques, où plusieurs des savans de l'expédition égyptienne, ignorant cette petite circonstance ( on peut être très-savant dans diverses parties et ne pas savoir de quel calendrier se servaient autrefois les Egyptiens, si on n'est pas astronome ou chronolo giste. ). Ces savans, dis-je, ont été fort étonnés d'y retrouver leur nouvelle manière de divisér l'année

désormais rien n'est impossible, et l'heureux Mital, qui a vu tant de merveilles, n'a plus d'objections à redouter de notre part, puisque nous avons prodige pour prodige à lui offrir même plus heureux que lui, nous

:

n'aurons pas besoin d'aller au loin chercher de quoi alimenter la curiosité et abuser de la crédulité des bonnes gens, si, dès qu'une merveille aura été imaginée et publiée, ou retrouvée et répétée, il faut croire à son existence, quelque convaincu qu'on soit de son impossibilité, d'après les lois immuables auxquelles la nature est assujétie.

Mais pendant que le vulgaire avide de nouveautés, avide de chimères dont il aime à se repaître, lassera l'intrépidité et l'im

en douze mois de trente jours avec cinq jours complémentaires, dies appendices, pour me servic de l'expression des auteurs qui en parlent, et en la retrouvant ils se sont écriés dans un mouvement d'admiration, tout à l'avantage du réformateur français: La vérité est une ; les génies se rencontrent malgré les distances d'âges et de contrées ; et où se rencontrent les génies, est la vérité!!!

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pudence des conteurs, quel homme de bon sens, pour peu qu'il ait d'instruction, pourra, sans perdre patience, lire ou s'entendre répéter, comme cela arrive chaque jour, tout ce que les auteurs ont rapporté de faits, tout ce qu'ils ont dit de plus affirmatif sur les déformations, soit permanentes de certaines races d'hommes formant des espèces particulières, soit accidentelles de certains individus formant ce qu'on appelle des monstres; sur les phénomènes extraordinaires qui ont accompagné la génération dans chacun de ses actes particuliers; sur les sympathies, les antipathies (1), sur l'abstinence, etc., etc.; enfin,

(1) Il y aurait mille et plus d'une histoires à rapporter au sujet de ces sympathics et antipathies extraordinaires, lesquelles, quand elles ne sont pas affectées, sont de véritables ydiosyncrasies : je me contenterai de la suivante, qui, je crois apprête un peu à rire: Deux officiers du premier grade dans les carabiniers, et parconséquent hommes remarquables au moins par leur taille, ne pouvaient, sans se trouver mal , supporter la vue, l'un, des pièces de gibier avec leur tête

il n'est pas une seule circonstance physiologique qui n'ait donné lieu à quelques miracles plus forts, plus inexplicables, moins motivés et presqu'aussi authentiques que ceux de l'ancien et du nouveau Testament, que ceux opérés par Moïse, par la verge d'Aaron, par Wisnou, Mahomet, St. Paris, etc.

Ainsi on nous parle de races d'hommes à un seul eil, sans nez, sans lèvre supérieure

Pautre, des pièces de gibier sans tête. Ils arrivèrent tous les deux chez un personnage marquant, où ils furent retenus à un grand dîner; on avertit l'officier de cuisine, de la bizarrerie de ces messieurs, pour qu'il eût à s'accommoder au goût de chacun d'eux, qu'on plaça aux deux bouts de la table, pour que l'un ne vît ce qui devait se trouver devant l'autre ; mai malheureusement le servant se trompa, et aussitô on vit ces deux grands corps tomber simultanément en syncope à l'aspect du lapin ou du levreau qui faisait face à chacun d'eux : l'on peut juger de l'étonnement de ceux qui, ne connaissant pas la cause de ce double accident, en furent instruits, et des plaisanteries de ceux qui la connaissaient d'avance.

Tom. I.

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