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malgré de si grands exemples, celui à qui Plutus fait quelques dons, veut, aussi cupide que Crésus, envahir tous les trésors du dieu

gypte, perd toute son armée en voulant lui faire saccager et détruire un simple temple, et porte ensuite les honteuses passions qu'on reprocheà Alexandre, à un degré tel qu'après avoir exterminé toute sa famille, il force les grands de son empire de se défaire de lui.

Xerxès, l'orgueilleux Xerxès, voulant punir le soleil, faisant châtier la mer, citant les montagnes à son tribunal, et, avec la plus nombreuse armée qui jamais ait été rassemblée, obligé de ceder devant une poignée de républicains déterminés à mourir plutôt que de voir leur patrie asservie. (Tout le monde connaît cette réponse que lui fit Léonidas; lorsque, pour le séduire, il lui faisait offrir l'empire de la Grèce, et devant la fin de sa honteuse carrière au poignard compatissant d'un de ses favoris.

Bajazeth, se faisant appeler le foudre du ciel, faisant trembler la terre, et, bientôt après, servant de marche-pied à son vainqueur Tamerlan se disant le fléau de Dieu. J'aurais pu citer encore Charles le téméraire (ce chef de la maison d'Autriche, dont le délire et les infortunes militaires n'ont pas servi de leçon à ses descendans), et beaucoup d'autres qui motivent ces mots de Lu

des richesses (1). Celui à qui le hasard ou l'audace accorde quelques succès,quelque autorité, croit, aussi orgueilleux que César, qu'il ne lassera jamais la fortune, et veut devenir le plus puissant de tous (2): de même celui à

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cain Virtus et summa potestas non coeunt. (Ph. Lib. 8.) Mais aussi quand le phénomène inverse se présente, combien on doit en être enthousiaste!

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Crescunt divitiæ: tamen

Curte nescio quid semper abest rei.

HOR.

C'est pour prouver jusqu'à quel excès de folie reut porter cette monstrueuse passion, que les anciens ont imaginé la fable de Midas, l'imbécille Midas, à qui la soif de l'or, l'occasion de la satisfaire, font oublier les besoins les plus impérieux; et si on voulait parler de tous les crimes qu'elle a fait commettre, quelle épouvantable série !

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(2) Il est vrai que les exemples de cette dernière folie, et des grandes catastrophes qui en sont la suite, sont devenus de plus en plus rares, à mesure que le système politique s'est perfec

qui la nature laisse entrevoir quelques-uns de ses secrets, tout fier d'une semblable confidence, se regarde comme très-modeste, si, ne prenant que le titre de rival de la nature, il se contente d'abord de se croire l'émule de son maître, et bientôt il veut le régenter, Pour citer des exemples dans ce dernier genre, il me faudrait nommer tous les penseurs, tous les chimistes, tous les physiciens, et même tous les physiologistes. Mais

tionné, que les états policés ont senti la nécessité de balancer mutuellement leur puissance et de se soutenir les uns par les autres. Cependant on peut encore citer le roi de Suède, le fameux Charles XII, l'Alexandre du Nord; plus récemment, Robespierre; et plus récemment encore, le Ministère anglais.

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Mais, ainsi que le prouvent tous ces faits, tôt ou tard, soit justice divine, soit effet de la marche naturelle des choses, la chance tourne et tout change de face; car « en aucune chose l'homme » ne sait s'arrêter au point de son besoin; de » volupté, de richesse, de puissance, il en embrasse plus qu'il n'en peut estreindre ».

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MONTAIGNE.

au lieu de cela, demandons-leur des preuves de ce subtil savoir-faire; et, nous bornant à ce qui regarde la médecine, demandons-leur, en ôtant ce qui est de pure observation, en quoi toutes leurs théories, même toutes leurs découvertes ont avancé la science depuis Hippocrate? Demandons-leur quelles maladies, reconnues pour être incurables par ce grand, ce divin maître ou par les plus célèbres de ses successeurs, sont guéries par nos néologistes? (car je crois qu'on ne peut mieux les définir). L'épilepsie, la goutte, la peste, la rage, le calcul, le cancer, la phthisie, la pulmonie, l'apoplexie, etc., sont-elles des maladies mieux connues, moins horribles, moins meurtrières, depuis la découverte de la circulation du sang (1), de la

pas

(1) Circulation dont je crois la découverte seulement renouvelée par l'infortuné Servet et par Harvée, mais qu'Hippocrate me semble avoir parfaitement connue; autrement il faudrait en conclure que la médecine peut très-bien se faire sans cette connaissance; car qui de nous peut se flatter de la faire mieux que le vieillard de Cos?

circulation de la lymphe, depuis la découverte des gaz, des principes plus déliés, plus imperceptibles encore, puisqu'ils ne sont, comme le principe de la vie, sur lequel on a tant théorisé, saisissables, appréciables, calculables, sensibles que dans leurs effets (1)?

(1) Tels sont le principe magnétique, le principe électrique, le principe galvanique, qui n'est qu'une modification du précédent et auquel, malgré tant ́ et tant d'exemples, bien faits pour donner un peu de circonspection, on a voulu, tout d'un coup et sans examen aucun, faire jouer un si grand rôle, puisqu'un instant on a cru avoir trouvé le moyen de ressusciter les morts. C'est en vain que nous sommes venus les derniers ; nous n'en sommes pas plus raisonnables pour cela. Il est dans la nature de l'homme de se laisser toujours leurrer, décevoir. L'expérience ne s'acquiert qu'à son propre détriment, et encore cela n'arrive-t-il pas toujours; jamais les siècles passés n'en donneront au siècle présent, ni les vieillards aux jeunes gens. Les révolutions judéennes, romaines, portugaises, suédoises, anglaises, etc, n'ont pu prévenir notre révolution, et malheuieusement elle ne sera pas la dernière: de même dans les sciences (Voyez ci-après). Quant au principe de la vie, j'espère qu'on nous prouvera

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