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des milliers d'hommes qu'ils sont libres, et les prépare à supporter pour Dieu les jours où ils ne le seront pas. Rien d'austère n'obscurcit les visages; l'idée de l'observance est modérée par celle du repos, et l'idée du repos est embellie par l'image d'une fête. L'encens fume dans le temple, la lumière brille sur l'autel, la musique remplit les voûtes et les cœurs, le prêtre va du peuple à Dieu et de Dieu au peuple; la terre monte, et le ciel descend. Qui ne sortira plus calme? Qui ne rentrera meilleur ?

PUISSANCE DU NOM DE DIEU.

Au milieu des champs, appuyé sur son instrument de travail, le laboureur lève les yeux vers le ciel, et il nomme Dieu à ses enfants par un mouvement simple comme son âme. Le pauvre l'appelle, le mourant l'invoque, le pervers le craint, l'homme de bien le bénit, les rois lui donnent leurs couronnes à porter, les armées le placent en tête de leurs bataillons, la victoire lui rend grâces, la défaite y cherche un secours, les peuples s'arment de lui contre leurs tyrans; il n'est pas un lieu, un temps, une occasion, un sentiment où Dieu ne paraisse et ne soit nommé. L'amour lui-même, si sûr de son charme, si confiant dans son immortalité propre, n'ose pas pourtant se passer de lui, et il vient au pied de ses autels lui demander la confirmation des promesses qu'il a tant de fois jurées. La colère croit n'avoir atteint son expression suprême qu'après avoir maudit cet adorable nom, et le blasphème est un hommage encore d'une foi qui se révèle en s'oubliant.

Que dirai-je du parjure? Voilà un homme qui est en possession d'un secret d'où dépend sa fortune, son honneur; lui seul le connaît sur la terre, lui seul est son juge. Mais la vérité a un complice éternel en Dieu; elle appelle Dieu à son secours, elle met le cœur de l'homme aux prises avec le serment, et celuilà même qui sera capable d'en violer la majesté ne le fera pas sans un tremblement intérieur comme devant l'action la plus lâche et la plus forcenée. Et pourtant qu'y a-t-il dans cette parole: Je le jure? Rien qu'un nom, il est vrai, mais c'est le nom de Dieu. C'est le nom qu'ont adoré tous les peuples, auquel ils ont bâti des temples, consacré des sacerdoces, adressé des prières; c'est le nom le plus grand, le plus saint, le plus efficace, le plus populaire que les lèvres de l'homme aient reçu la grâce de prononcer.

ROME.

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UN SOUVENIR DES CATACOMBES.

Je me promenais, il y a peu de jours, dans la campagne de Rome, proche des catacombes de Saint-Laurent; je me dirigeai vers un cimetière nouveau qu'on a creusé dans ce vieux cimetière, et je fus frappé, à la porte, par une inscription: PLEURE SUR LE MORT, parce qu'il s'est reposé! J'entrai en la méditant; car, que voulait-elle dire? Il ne me fut pas difficile de le comprendre Pleure sur le mort, parce qu'il s'est reposé de bien faire, parce que ses mains ne peuvent plus donner ni ses pieds aller au-devant du malheur, parce que ses entrailles ne sont plus émues par la plainte, et que son esprit, envolé loin des disputes des hommes, ne leur oppose plus l'acte d'une foi humble et patiente. Pleure sur le mort, parce que le temps de la vertu est fini pour lui, parce qu'il n'ajoutera plus à sa couronne." Pleure sur le mort, parce qu'il ne peut plus mourir pour Dieu. Je roulai longtemps dans mon âme ces pensées qui étaient encore entretenues par le voisinage des martyrs et par cette douce basilique élevée dans la campagne au diacre saint Laurent. Je regardai les vieux murs de Rome qui étaient devant moi, se tenant autour du siége apostolique comme ils se tenaient autour des Césars, et je regagnai lentement ma demeure solitaire, heureux de me sentir un moment loin de mon siècle, mais sans désirer d'être né dans un siècle plus tranquille, ayant entendu près de la tombe des saints et des martyrs cet avertissement sublime Pleure sur le mort, parce qu'il s'est reposé.

ROME.

Rome est bâtie à peu près au milieu de la presqu'île italique, plus au midi qu'au nord, et en revanche plus à l'occident qu'à l'orient. Elle est assise sur quelques collines séparées par des ravins plutôt que par des vallées, au bord du Tibre, fleuve jaune et grave qui roule lentement ses eaux entre ses rivages sans verdure. A cinq ou six lieues à l'orient s'étend comme une ligne sombre la chaîne des Apennins; à quatre ou cinq lieues vers l'occident, on aperçoit de quelques points élevés la ligne blanche et brillante de la Méditerranée; au nord s'élève une montagne isolée qu'on appelle le Soracte, et qui se tient là comme un géant

à l'entrée de la plaine; au midi ce sont les collines où se dessinent Castel-Gandolfo, Marino, Frascati et la Colonna. Entre ces quatre horizons, dont aucun ne ressemble à l'autre, et qui luttent de grandeur et de beauté, s'épanouit comme un large nid d'aigle la campagne romaine, reste éteint de plusieurs volcans, solitude vaste et sévère, prairie sans ombre, où les ruisseaux rares creusent le sol et s'y cachent avec leurs saules, où les arbres qui se dressent çà et là sont sans mouvement comme les ruines que l'œil découvre partout, tombeaux, temples, aqueducs, débris majestueux de la nature et du peuple romain, au milieu desquels la Rome chrétienne élève ses saintes images et ses dômes tranquilles. Que le soleil se lève ou qu'il se couche, que l'hiver ou l'été passent là, que les nuages traversent l'espace ou que l'air y prenne une suave transparence, selon les saisons et les heures, tout change, tout s'anime, tout pâlit; une nouveauté sans fin sort de ce fond immobile, semblable à la religion dont l'antiquité s'allie à la jeunesse et qui emprunte au temps je ne sais quel charme dont elle couvre son éternité. La religion est le caractère de cette incroyable nature : les montagnes, les champs, la mer, les ruines, l'air, la terre elle-même, mélange de la cendre des hommes avec la cendre des volcans, tout y est profond, et celui qui, se promenant le long des voies romaines, n'a jamais senti descendre dans son cœur la pensée de l'infini communiquant avec l'homme, ah! celui-là est à plaindre, et Dieu seul est assez grand pour lui donner jamais une idée et une larme.

FIN DU PREMIER VOLUME.

Pages.

Ce que le roy a dit à Messieurs du Parlement le 13 avril
1597, à Paris.....

SAINT-FRANÇOIS DE SALES....

Que la dévotion est convenable à toutes sortes de voca-
tions et professions..

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Le Paradis....

DESCARTES.

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De la méthode dans la recherche de la vérité.

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