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NAPOLÉON Jer

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L'EMPEREUR NAPOLÉON Ier.

Ce n'est point seulement comme homme de guerre, comme législateur et comme souverain d'un grand empire, que l'empereur Napoléon Her apparait aux yeux de la postérité; c'est aussi comme écrivain, et comme écrivain de premier ordre. Sous ce dernier rapport, sa vie se partage en trois périodes distinctes le temps de sa jeunesse, le temps de sa grandeur et son séjour à Sainte-Hélène.

A l'époque du consulat, ce grand homme qui, suivant ses propres expressions, se voyait déjà dans l'histoire, songea à mettre en sûreté tous les papiers de sa première jeunesse; il les plaça dans un carton sur lequel il écrivit : à remettre au cardinal Fesch, seul. Les pièces qui s'y trouvaient contenues ont été conservées; elles se composent des cahiers de géographie de l'école de Brienne, et, par un singulier jeu du hasard, les derniers mots écrits sur la dernière page de ces cahiers sont ceux-ci :

Sainte-Hélène, petite île de l'Océan.

d'un

- De notes intitulées : Époques de ma vie, où Napoléon a consigné une foule de dates et de faits relatifs à sa première jeunesse; Essai sur l'histoire de la Corse; d'un roman corse; d'une nouvelle empruntée à l'histoire d'Angleterre, le comte d'Essex; d'un conte oriental, les Masques prophètes; - d'un Dialogue sur l'amour, et de quelques autres opuscules traitant de sujets très divers.

Dès l'âge de treize ans, Napoléon s'occupait déjà de littérature et faisait des vers; on connaît de cette époque une fable intitulée le Chien, le Lapin et le Chasseur; plus tard, étant à l'école de Brienne, il composa un poëme sur la Corse, et il rappelait à cette occasion que la poésie était un goût inné dans sa famille.

Devenu consul, puis empereur, Napoléon n'a laissé que des pièces officielles, discours, lettres, proclamations, bulletins, instructions politiques et militaires, car durant cette période il n'écrivait plus que pour les affaires du gouvernement ou de la guerre; mais jusque dans les moindres détails la supériorité de son génie extraordinaire reparaît toujours. Le style est coloré, entraînant, les idées nettes et saisissantes; il touche à tout avec une vue pénétrante et profonde, et, parmi les plus grands hommes, il n'en est aucun qui ait montré une pareille universalité de pensée. Ses bulletins et ses proclamations militaires sont le modèle du genre, et dans les discussions du conseil d'État relatives à la rédaction du Code il se place au premier rang des législateurs.

A Sainte-Hélène une vie nouvelle commença pour Napoléon : ce fut

une vie de lectures, de conversations littéraires, de souvenirs politiques. Dans les mémoires écrits sous sa dictée, dans les causeries recueillies par les compagnons de son exil, il se montre un penseur profond et un véritable métaphysicien, quand il traite des questions religieuses ou philosophiques; - un grand historien militaire, quand il retrace et juge les campagnes d'Annibal, de César, de Turenne, de Frédéric, de Gustave-Adolphe, et ses propres campagnes ; -un grand historien politique et un savant économiste, quand il s'occupe des évé nements, des souverains, des institutions sociales;- un éminent critique littéraire lorsqu'il examine les écrivains de l'antiquité et des temps modernes. Ces grands côtés du génie de Napoléou ne sont point encore appréciés chez nous à leur juste valeur, et, sans aucun doute, plus on s'éloignera de notre temps, plus l'écrivain grandira dans l'admiration de la postérité.

LA DIVINITÉ DE JÉSUS-CHRIST.

Le Christ propose à notre foi une série de mystères. Il commande avec autorité d'y croire, sans donner d'autre raison que cette parole formidable : Je suis Dieu.

Sans doute il faut la foi pour cet article-là, qui est celui duquel dérivent tous les autres. Mais le caractère de la divinité une fois admis, la doctrine chrétienne se présente avec la précision et la clarté de l'algèbre; il faut y admirer l'enchaînement et l'unité d'une 'science.

Appuyée sur la Bible, cette doctrine explique le mieux les traditions du monde ; elle les éclaircit, et les autres dogmes s'y rapportent étroitement comme les anneaux scellés d'une même chaîne. L'existence du Christ, d'un bout à l'autre, est un tissu merveilleux, j'en conviens, mais le mystère répond à des difficultés qui sont dans toutes les existences. Rejetez-le et le monde est une énigme; acceptez-le, et vous avez une admirable solution de l'histoire de l'homme.

Le christianisme a un avantage sur tous les philosophes et sur toutes les religions; les chrétiens ne se font pas illusion sur la nature des choses. On ne peut leur reprocher ni la subtilité, ni le charlatanisme des idéologues qui ont cru résoudre la grande énigme des questions théologiques avec de vaines dissertations sur les grands objets. Insensés dont la folie ressemble à eelle d'un enfant qui veut toucher le ciel avec la main, ou qui demande la lune pour son jouet ou sa curiosité!

LA DIVINITÉ DE JÉSUS-CHRIST.

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Le christianisme dit avec simplicité : « Nul homme n'a vu << Dieu si ce n'est Dieu. » Dieu a révélé ce qu'il était ; sa révélation est un mystère que la raison ni l'esprit ne peuvent concevoir. Mais puisque Dieu a parlé, il faut y croire; cela est d'un grand bon sens.

L'Evangile possède une vertu secrète, je ne sais quoi d'efficace, une chaleur qui agit sur l'entendement et qui charme le cœur; on éprouve à le méditer ce qu'on éprouve à contempler le ciel. L'Évangile n'est pas un livre, c'est un être vivant avec une action, une puissance qui envahit tout ce qui s'oppose à son extension. Le voici sur cette table, ce livre par excellence (et ici l'Empereur le toucha avec respect), je ne me lasse pas de le lire, et tous les jours avec le même plaisir.

Le Christ ne varie pas, il n'hésite jamais dans son enseignement, et la moindre affirmation de lui est marquée d'un cachet de simplicité et de profondeur qui captive l'ignorant et le savant, pour peu qu'ils y prêtent leur attention.

Nulle part on ne trouve cette série de belles idées, de belles maximes morales, qui défilent comme les bataillons de la milice céleste, et qui produisent dans notre âme le même sentiment que l'on éprouve à considérer l'étendue infinie du ciel resplendissant par une belle nuit d'été, et l'éclat des astres.

Non-seulement notre esprit est préoccupé, mais il est dominé par cette lecture, et jamais l'âme ne court le risque de s'égarer avec ce livre.

Une fois maître de notre esprit, l'Évangile captive notre cœur. Dieu même est notre ami, notre père, et vraiment notre Dieu. Une mère n'a pas plus soin de l'enfant qu'elle allaite. L'âme, séduite par la beauté de l'Évangile, ne s'appartient plus, Dieu s'en empare tout à fait, il en dirige les pensées et les facultés; elle est à lui.

Quelle preuve de la divinité du Christ! Avec un empire aussi absolu il n'a qu'un seul but, l'amélioration spirituelle des individus, la pureté de la conscience, l'union à ce qui est vrai, la sainteté de l'âme!

Enfin, et c'est mon dernier argument, il n'y a pas de Dieu dans le ciel si un homme a pu concevoir et exécuter avec un plein succès le dessein gigantesque de dérober pour lui le culte suprême, en usurpant le nom de Dieu. Jésus est le seul qui l'ait osé. Il est le seul qui ait affirmé imperturbablement et dit clairement, en parlant de lui-même : « Je suis Dieu. » Ce qui est bien différent de cette affirmation : « Je suis un dieu,» ou de

cette autre « Il y a des dieux. » L'histoire ne mentionne aucun autre individu qui se soit qualifié lui-même de ce titre de Dieu dans le sens absolu. La Fable n'établit nulle part que Jupiter et les autres dieux se soient jamais divinisés. C'eût été de leur part le comble de l'orgueil et une monstruosité, une extravagance absurde. C'est la postérité, ce sont les héritiers des premiers despotes qui les ont déifiés. Tous les hommes étant d'une même race, Alexandre a pu se dire le fils de Jupiter. Mais toute la Grèce a souri de cette supercherie; et de même, l'apothéose des empereurs n'a jamais été une chose sérieuse ponr les Romains. Moïse, Mahomet et Confucius se sont donnés simplement pour des agents de la Divinité. La déesse Egérie de Numa n'a jamais été que la personnification d'une inspiration puisée dans la solitude des bois. Les dieux Brama, Vischnou, de l'Inde, sont une invention psychologique.

Comment donc un Juif, dont l'existenee historique est plus avérée que toutes celles des temps où il a vécu, lui seul, fils d'un charpentier, se donne-t-il tout d'abord pour Dieu même, pour l'être par excellence, pour le créateur des êtres? Il s'arroge toutes sortes d'adorations. Il bâtit son culte de ses mains, non avec des pierres, mais avec des hommes. On s'extasie sur les conquêtes d'Alexandre. Eh bien! voici un conquérant qui confisque à son profit, qui unit, qui incorpore à lui-même, non pas une nation, mais l'espèce humaine. Quel miracle! L'âme humaine, avec toutes ses facultés, devient une annexe de l'existence du Christ.

Et comment? Par un prodige qui surpasse tout prodige. Il veut l'amour des hommes, c'est-à-dire ce qu'il y a de plus difficile au monde d'obtenir : ce qu'un sage demande vainement à quelques amis, un père à ses enfants, une épouse à son époux, un frère à son frère, en un mot, le cœur : c'est là ce qu'il veut pour lui; il l'exige absolument, et il réussit tout de suite. J'en conclus sa divinité.

Le Christ parle, et désormais les générations lui appartiennent par des liens plus étroits, plus intimes que ceux du sang, par une union plus intime, plus sacrée, plus impérieuse que quelque union que ce soit. Il allume la flamme d'un amour qui fait mourir l'amour de soi, qui prévaut sur tout autre amour. A ce miracle de sa volonté, comment ne pas reconnaître le Verbe, créateur du monde?

Les fondateurs de religions n'ont pas même eu l'idée de cet

AU ROI D'ANGLETERRE.

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amour mystique qui est l'essence du christianisme, sous le beau nom de charité.

C'est qu'ils n'avaient garde de se lancer contre un écueil; c'est que, dans une opération semblable, se faire aimer, l'homme porte en lui-même le sentiment profond de son impuissance.

Aussi le plus grand miracle du Christ, sans contredit, c'est le règne de la charité.

Lui seul, il est parvenu à élever le cœur des hommes jusqu'à l'invisible, jusqu'au sacrifice du temps; lui seul, en créant cette immolation, a créé un lien entre le ciel et la terre.

Tous ceux qui croient sincèrement en lui ressentent cet amour admirable, surnaturel, supérieur, phénomène inexplicable, impossible à la raison, et aux forces de l'homme, feu sacré donné à la terre par ce nouveau Prométhée, dont le temps, ce grand destructeur, ne peut ni user la force, ni limiter la durée... Moi, Napoléon, c'est ce que j'admire davantage, parce que j'y ai pensé souvent, et c'est ce qui me prouve absolument la divinité du Christ.

PROCLAMATION DU GÉNÉRAL EN CHEF A L'OUVERTURE
DE LA CAMPAGNE D'ITALIE.

Soldats, vous êtes nus, mal nourris; le gouvernement vous doit beaucoup, il ne peut rien vous donner. Votre patience, le courage que vous montrez au milieu de ces rochers, sont admirables; mais ils ne vous procurent aucune gloire, aucun éclat ne rejaillit sur vous. Je veux vous conduire dans les plus feriles plaines du monde. De riches provinces, de grandes villes tseront en votre pouvoir vous y trouverez honneur, gloire et richesses. Soldats d'Italie, manqueriez-vous de courage ou de constance?

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Paris, le 12 nivôse an XIII (2 janvier 1805).

Monsieur mon Frère, appelé au trône de France par la Providence et par les suffrages du Sénat, du peuple et de l'armée,

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