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Mais ces plumes brillantes, qui surpassent en éclat les plus belles fleurs, se flétrissent aussi comme el'es, et tombent chaque année. Le paon, comme s'il sentait la honte de sa perte, craint de se faire voir dans cet état humiliant, et cherche les retraites les plus sombres pour s'y cacher à tous les yeux, jusqu'à ce qu'un nouveau printemps, lui rendant sa parure accoutumée, le ramène sur la scène pour y jouir des hommages dus à sa beauté; car on prétend qu'il en jouit en effet; qu'il est sensible à l'admiration; que le vrai moyen de l'engager à étaler ses belles plumes, c'est de lui donner des regards d'attention et des louanges; qu'au contraire, lorsqu'on paraît le regarder froidement et sans beaucoup d'intérêt, il replie tous ses trésors et les cache à qui ne sait point les admirer.

LA FAUVETTE.

Le triste hiver, saison de mort, est le temps du sommeil, ou plutôt de la torpeur de la nature; les insectes sans vie, les reptiles sans mouvement, les végétaux sans verdure et sans accroissement, tous les habitants de l'air détruits ou relégués, ceux des eaux renfermés dans des prisons de glace, et la plupart des animaux terrestres confinés dans les cavernes, les antres et les terriers, tout nous présente les images de la langueur et de la dépopulation; mais le retour des oiseaux au printemps est le premier signal et la douce annonce du réveil de la nature vivante, et les feuillages renaissants, et les bocages revêtus de leur nouvelle parure, sembleraient moins frais et moins touchants sans les nouveaux hôtes qui viennent les animer.

De ces hôtes des bois, les fauvettes sont les plus nombreuses comme les plus aimables; vives, agiles, légères et sans cesse remuantes, tous leurs mouvements ont l'air du sentiment, tous leurs accents le ton de la joie. Ces jolis oiseaux arrivent au moment où les arbres développent leurs feuilles, et commencent à laisser épanouir leurs fleurs; ils se dispersent dans toute l'étendue de nos campagnes : les uns viennent habiter nos jardins; d'autres préfèrent les avenues et les bosquets; plusieurs espèces s'enfoncent dans les grands bois, et quelques-unes se cachent au milieu des roseaux. Ainsi les fauvettes remplissent tous les lieux de la terre, et les animent par les mouvements et les accents de leur tendre gaîté.

La fauvette à tête noire est de toutes les fauvettes celle qui a le chant le plus agréable et le plus continu; il tient un peu de celui du rossignol, et l'on en jouit plus longtemps; car plusieurs semaines après que ce chantre du printemps s'est tu, l'on entend les bois résonner partout du chant de ces fauvettes; leur voix est facile, pure et légère, et leur chant s'exprime par une suite de modulations peu étendues, mais agréables, flexibles et nuancées; ce chant semble tenir de la fraîcheur des lieux où il se fait entendre; il en peint la tranquillité, il en exprime même le bonheur; car les cœurs sensibles n'entendent pas sans une douce émotion les accents inspirés par la nature aux êtres qu'elle rend heureux,

MIRABEAU.

Gabriel-Honoré de Riquetti, comte de Mirabeau, le plus grand orateur de la révolution française, né le 9 mars 1749 aux environs de Nemours, mort en 1791, est l'un des hommes les plus extraordinaires du XVIIIe siècle. Doué de la plus précoce et de la plus vaste intelligence, << enfant monstrueux au physique comme au moral, » c'est un mot de son père, « péroreur à perte de vue dès l'âge de neuf ans, il faisait dire de lui à l'un de ses oncles « ou c'est le plus habile persifleur de l'univers, ou ce sera le plus grand sujet de l'Europe, pour être général de terre ou de mer, ou ministre, ou chancelier, ou pape, ou tout ce qu'il voudra. » Cette appréciation n'avait rien d'exagéré; Mirabeau pouvait choisir entre les carrières les plus diverses et y prétendre au premier rang; mais sa nature emportée et fougueuse l'empêcha de se fixer; il se jeta dans une vie de désordres et de hasards, et son père, qui était d'une sévérité extrême, obtint contre lui une lettre de cachet. Quoiqu'il fût marié et père de famille, il le fit enfermer d'abord au château d'If et ensuite au fort de Joux. Après diverses aventures plus ou moins scandaleuses, dont nous n'avons point à nous occuper ici, Mirabeau se réfugia en Hollande, et y publia des livres qui firent grand bruit. Le gouvernement français, à qui ces livres faisaient ombrage, demanda son extradition, et le fit enfermer au donjon de Vincennes ; il y resta prisonnier pendant quarante-deux mois. Lorsqu'il eut recouvré la liberté, il fit plusieurs voyages en Allemagne et en Angleterre, et revint définitivement se fixer en France en 1787. Au milieu des agitations de sa vie aventureuse. Mirabeau publia une quantité de livres et de brochures dans lesquelles il soulevait les plus importantes questions politiques, économiques et sociales, et dont les plus remarquables sont : l'Essai sur le despotisme; - les Lettres de ca

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chet; les Prisons d'Etat; - le Mémoire sur la situation de l'Europe en 1786;-la Dénonciation de l'agiotage;-la Monarchie prussienne; les Lettres sur l'administration de M. Necker; la Réponse aux alarmes des bons citoyens, etc. Ces divers écrits, où l'auteur agitait la plupart des idées de la révolution, produisirent une impression profonde; et quand il fut élu député à l'Assemblée constituante, il se trouvait désigné par l'opinion publique pour y occuper la première place. Son influence ou plutôt sa domination fut souveraine dans cette assemblée célèbre, et l'on peut dire, pour résumer en quelques mots son rôle politique, qu'il essaya de concilier le maintien de la monarchie et le respect de la royauté avec les principes de la liberté et de l'égalité modernes, et de prévenir, par de sages réformes et la suppression de ce qu'on appelle justement les abus de l'ancien régime, le mouvement qui devait aboutir au renversement de l'ancienne société. Malheureusement, Mirabeau n'était point désintéressé dans l'appui qu'il prêtait à la monarchie; il faisait payer ses dettes par Louis XVI, et recevait une pension de 6,000 livres par mois, sans compter quatre billets, de 250,000 livres chacun, qui avaient été déposés en mains tierces, mais dont il ne toucha rien, car il mourut avant les échéances.

Quoi qu'il en soit de cette triste vénalité, Mirabeau à force de talent et d'éloquence était parvenu à contenir les partis dans les limites de la constitution, et à arrêter la monarchie sur la pente qui l'entraînait à sa ruine; aurait-il réussi à la sauver? nous ne le pensons pas; et il avait lui-même le pressentiment de sa chute lorsqu'il prononçait peu d'instants avant sa mort ces paroles mémorables : « J'emporte dans mon cœur le deuil de la monarchie, dont les débris vont être la proie des factieux. >>

Mirabeau avait défendu la prérogative royale au sujet du droit de paix et de guerre contre Lameth, Robespierre et Barnave. Cette défense le fit accuser de complicité avec la cour; le peuple de Paris menaçait de le pendre. On criait de toutes parts à la trahison; Mirabeau se rendit à l'assemblée et prononça un discours resté célèbre, auquel nous empruntons le fragment suivant :

On répand depuis huit jours que la section de l'Assemblée nationale qui veut le concours de la volonté royale dans l'exercice du droit de la paix et de la guerre est parricide de la liberté publique; on répand les bruits de perfidie, de corruption; on invoque les vengeances populaires pour soutenir la tyrannie des opinions. On dirait qu'on ne peut, sans crime, avoir deux avis dans une des questions les plus délicates et les plus difficiles de l'organisation sociale. C'est une étrange manie, c'est un déplorable aveuglement, que celui qui anime ainsi les uns contre les autres des hommes qu'un même but, un sentiment indestructible devraient, au milieu des débats les plus acharnés, toujours

rapprocher, toujours réunir; des hommes qui substituent ainsi l'irascibilité de l'amour-propre au culte de la patrie, et se livrent les uns les autres aux préventions populaires.

Et moi aussi, on voulait, il y a peu de jours, me porter en triomphe, et maintenant on crie dans les rues : La grande trahison du comte de Mirabeau..... Je n'avais pas besoin de cette leçon pour savoir qu'il est peu de distance du Capitole à la roche Tarpéienne; mais l'homme qui combat pour la raison, pour la patrie, ne se tient pas si aisément pour vaincu. Celui qui a la conscience d'avoir bien mérité de son pays, et surtout de lui être encore utile; celui que ne rassasie pas une vaine célébrité, et qui dédaigne les succès d'un jour pour la véritable gloire; celui qui veut dire la vérité, qui veut faire le bien public, in-dépendamment des mobiles mouvements de l'opinion populaire, cet homme porte avec lui la récompense de ses services, le charme de ses peines, et le prix de ses dangers; il ne doit attendre sa moisson, sa destinée, la seule qui l'intéresse, la destinée de son nom, que du temps, ce juge incorruptible qui fait justice à tous. Que ceux qui prophétisaient depuis huit jours mon opinion sans la connaître, qui calomnient en ce moment mon discours sans l'avoir compris, m'accusent d'encenser des idoles impuissantes au moment où elles sont renversées, ou d'être le vil stipendié des hommes que je n'ai cessé de combattre ; qu'ils dénoncent comme un ennemi de la révolution celui qui peutêtre n'y a pas été inutile, et qui, cette révolution fùt-elle étrangère à sa gloire, pourrait, là seulement, trouver sa sûreté; qu'i's livrent aux fureurs du peuple trompé celui qui depuis vingt ans combat toutes les oppressions, qui parlait aux Français de liberté, de constitution, de résistance, lorsque ses vils calomniateurs suçaient le lait des cours, et vivaient de tous les préjugés dominants : que m'importe? Ces coups de bas en haut ne m'arrêteront pas dans ma carrière. Je leur dirai : répondez, si vous pouvez; calomniez ensuite tant que vous voudrez.

Je rentre donc dans la lice, armé de mes seuls principes et de la fermeté de ma conscience. Je vais poser à mon tour le véritable point de la difficulté avec toute la netteté dont je suis capable, et je prie tous ceux de mes adversaires qui ne m'entendront pas de m'arrêter, afin que je m'exprime plus clairement, car je suis décidé à déjouer les reproches tant répétés d'évasion, de subtilité, d'entortillage; et s'il ne tient qu'à moi, cette journée dévoilera le secret de nos loyautés respectives.

BERNARDIN DE SAINT-PIERRE.

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Je ne crois pas que des hommes qui doivent servir la cause publique en véritables frères d'armes aient bonne grâce à se combattre en vils gladiateurs, à lutter d'imputations et d'intrigues, et non de lumières et de talents, à chercher dans la ruine et la dépression les uns des autres de coupables succès, des trophées d'un jour, nuisibles à tout et même à la gloire. Mais je vous dirai parmi ceux qui soutiennent ma doctrine vous compterez tous les hommes modérés qui ne croient. pas que la sagesse soit dans les extrêmes, ni que le courage de démolir ne doive jamais faire place à celui de reconstruire; vous compterez la plupart de ces énergiques citoyens qui, au commencement des états généraux (c'est ainsi que s'appelait alors cette convention nationale, encore garrottée dans les langes de la liberté), foulèrent aux pieds tant de préjugés, bravèrent tant de périls, déjouèrent tant de résistances pour passer au sein des communes à qui ce dévouement donna les encouragements et la force qui ont vraiment opéré votre révolution glorieuse; vous y verrez ces tribuns du peuple que la nation comptera longtemps encore, malgré les glapissements de l'envieuse médiocrité, au nombre des libérateurs de la patrie; vous y verrez des hommes dont le nom désarme la calomnic, et dont les libellistes les plus effrénés n'ont pas essayé de ternir la réputation ni d'hommes privés, ni d'hommes publics; des hommes, enfin, qui, sans tache, sans intérêt et sans crainte s'honoreront jusqu'au tombeau de leurs amis et de leurs ennemis.

BERNARDIN DE SAINT-PIERRE.

Au premier rang des écrivains qui depuis Buffon ont contribué chez nous à propager le goût des sciences naturelles se place Bernardin de Saint-Pierre. C'est à lui, nous n'avons pas besoin de le rappeler, que nous devons Paul et Virginie, le plus populaire de tous les romans après Don Quichotte et Robinson Crusoe; mais ce beau livre n'est point son seul titre à la gloire, et ses Etudes, ainsi que ses Harmonies de la Nature, seront toujours lues avec un vif intérêt. Né au Havre en 1737, Bernardin de Saint-Pierre est mort en 1814, et des deux ouvrages que nous venons de nommer, le premier parut en 1784, et le second en 1796. L'auteur, dans ces beaux livres, n'a point cherché à faire une œuvre de science; il a voulu faire passer sous les yeux de ses lecteurs les merveilles de la création et montrer la sagesse et la toute-puissance de Dieu dans la grandeur infinie

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