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Il n'en est pas de même des fables sur lesquelles était fondée la religion des Grecs et des autres anciens païens. Les poëtes, qui étaient leurs prophètes et leurs théologiens, se disaient bien en général instruits par les Muses ou par d'autres divinités, mais ils n'en donnaient aucune preuve : ils n'osaient même marquer les circonstances des faits merveilleux qu'ils racontaient, ni en citer les témoins. Aucun n'a jamais dit qu'il eût vu Jupiter changé en taureau ou en cygne, Neptune secouant la terre de son trident, le chariot du soleil ou de la lune. Ce n'étaient que des contes de vieilles et de nourrices, consacrés par un respect aveugle pour l'antiquité et ornés par les charmes de la poésie, de la musique et de la peinture; et, comme ces fables s'étaient formées en divers pays et en divers temps, elles étaient pleines d'une infinité de contradictions qu'il était impossible d'accorder. Nous voyons la même chose dans les Indes et chez tous les idolâtres modernes : des histoires prodigieuses et semblables aux songes les plus extravagants avancées sans aucune preuve, sans aucune circonstance de temps ni de lieux, sans aucun rapport à ce que l'on peut connaître d'ailleurs d'histoire véritable, sans suite, sans liaison avec le présent.

C'est le caractère propre de la vraie religion d'être également certaine et merveilleuse. Les miracles étaient nécessaires pour témoigner que Dieu parlait et réveiller les hommes, accoutumés à voir les merveilles de la nature sans les admirer Les miracles étaient encore nécessaires afin que la foi fût raisonnable et différente de la crédulité aveugle, qui suit au hasard tout ce qui lui est proposé comme merveilleux. Or la même bonté par laquelle Dieu a fait tant de miracles pour nous rappeler à lui, en s'accommodant à notre faiblesse, l'a porté à les faire à la plus grande lumière du monde, je veux dire dans les temps et les lieux les plus propres à en conserver la mémoire. C'est à la face de toutes les nations, des Grecs, des barbares, des savants, des ignorants, des Juifs, des Romains, des peuples et des princes, que les disciples de Jésus-Christ ont rendu témoignage des merveilles qu'ils avaient vues de leurs yeux, et particulièrement de sa résurrection. Ils ont soutenu ce témoignage sans aucun intérêt et contre toutes les raisons de la prudence humaine, jusqu'au dernier soupir, et l'ont tous scellé de leur sang. Voilà l'établissement du christianisme.

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Fils d'un coutelier de Paris, Rollin, étant enfant, servait la messe, comme enfant de choeur dans l'église des Blancs-Manteaux. Les Bénédictins, qui occupaient cette maison religieuse, furent frappés de son intelligence, et le placèrent comme boursier dans un collége de la capitale. Il fit si bien dans ses études qu'après avoir passé par tous les grades universitaires, il fut nommé recteur de l'Université de Paris en 1694, et principal de l'un des plus importants colléges de cette ville en 1696. Comme professeur, Rollin fit faire aux études classiques les plus grands progrès; comme écrivain, il a posé dans le Traité des études la base des meilleures méthodes; et, comme historien, il a laissé, dans son Histoire romaine et son Histoire ancienne, des ouvrages qui, sous le rapport de l'exactitude scientifique, sont aujourd'hui fort en arrière, mais qu'on lit encore. avec charme, parce qu'on y trouve les sentiments les plus purs et une noble passion pour la justice et la vérité. Rollin, dont la vie tout entière fut consacrée à la jeunesse, a mérité le 'plus glorieux des surnoms, et, comme ses contemporains, nous disons encore aujourd'hui le bon Rollin. Né en 1661, il mourut en 1741.

L'ÉTUDE.

L'étude supplée à la stérilité de l'esprit et lui fait tirer d'ailleurs ce qui lui manque. Elle étend ses connaissances et ses lumières par des secours étrangers, porte plus loin ses vues, multiplie ses idées, les rend plus variées, plus dist nctes et plus vives. Nous naissons dans les ténèbres de l'ignorance, et la mauvaise éducation y ajoute beaucoup de faux préjugés. L'étude dissipe les premières, et corrige les autres. Elle donne à nos pensées et à nos raisonnements de la justesse et de l'exactitude. Elle nous accoutume à mettre de l'ordre et de l'arrangement dans toutes les matières dout nous avons ou à parler ou à écrire. Elle nous présente pour guides et pour modèles les hommes les plus éclairés et les plus sages de l'antiquité, qu'on peut bien appeler en ce sens, avec Sénèque, les maîtres et les précepteurs du genre humain. En nous prêtant leur discernement et leurs yeux, elle nous fait marcher avec sûreté à la lumière que ces guides choisis portent devant nous.

Mais l'utilité de l'étude ne se borne pas à ce qu'on appelle la science elle donne aussi la capacité pour les affaires et pour les emplois. De plus, l'étude fait acquérir l'amour du travail :

elle en adoucit la peine; elle sert à arrêter et à fixer la légèreté de l'esprit, à vaincre l'aversion pour une vie sédentaire et appliquée et pour tout ce qui assujettit; elle remplit utilement les vides de la journée qui pèsent si fort à tant de personnes ; elle met en état de juger sainement des ouvrages qui paraissent, de lier société avec des gens d'esprit, de prendre part aux entretiens les plus savants, de fournir de son côté à la conversation, où sans cela on demeurerait muet, de la rendre plus utile et plus agréable, en mêlant les faits aux réflexions, et relevant les uns par les autres.

LES DEVOIRS DES ÉCOLIERS.

Quintilien prétend avoir renfermé presque tous les devoirs des écoliers dans cet unique avis qu'il leur donne, d'aimer ceux qui les enseignent comme ils aiment les sciences qu'ils apprennent d'eux, et de les regarder comme des pères dont ils tiennent non la vie du corps, mais l'instruction, qui est comme la vie de l'âme. En effet, ce sentiment de tendresse et de respect suffit pour les rendre dociles pendant leurs études et pleins de reconnaissance pendant tout le temps de leur vie, ce qui me paraît renfermer une grande partie de ce qu'on attend d'eux.

La docilité, qui consiste à se laisser conduire, à bien recevoir les avis des maîtres et à les mettre en pratique, est proprement la vertu des écoliers, comme celle des maîtres est de bien enseigner. L'une ne peut rien sans l'autre ; et, comme il ne suffit pas qu'un laboureur répande la semence, mais qu'il faut que la terre, après avoir ouvert son sein pour la recevoir, la couve pour ainsi dire, l'échauffe, l'entretienne et l'humecte, de même tout le fruit de l'instruction dépend de la parfaite correspondance du maître et du disciple.

La reconnaissance pour ceux qui ont travaillé à notre éducation fait le caractère d'un honnête homme et est la marque d'un bon cœur. « Qui de nous, dit Cicéron, a été instruit avec quelque soin à qui la vue ou même le simple souvenir de ses précepteurs, de ses maîtres et du lieu où il a été nourri ou élevé ne fasse un singulier plaisir ? » Sénèque exhorte les jeunes gens à conserver toujours un grand respect pour les maîtres aux soins desquels ils sont redevables de s'être corrigés de leurs défauts, et d'avoir pris des sentiments d'honneur et de probité. Leur exactitude et leur sévérité déplaisent quelquefois dans

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un âge où l'on est peu en état de juger des obligations qu'on leur a; mais quand les années ont mûri l'esprit et le jugement, on reconnaît que ce qui nous donnait de l'éloignement pour eux, je veux dire les avertissements, les réprimandes, et la sévère exactitude à réprimer les passions d'un âge imprudent et inconsidéré, est précisément ce qui les doit faire estimer et aimer. Aussi voyons-nous que Marc-Aurèle, l'un des plus sages et des plus illustres empereurs qu'ait eus Rome, remerciait les dieux de deux choses surtout de ce qu'il avait eu pour lui-même d'excellents précepteurs, et de ce qu'il en avait trouvé de pareils pour ses enfants.

MASSILLON.

Cet illustre orateur chrétien naquit à Hyères en 1663. Il entra dans la congrégation des Oratoriens en 1681; professa la théologie et les belles-lettres dans plusieurs maisons de son ordre, prêcha le carême et l'avent à Versailles en 1699, et en 1717 il prononça devant Louis XV, encore enfant, les sermons célèbres désignés sous le nom de Petit carême. Il mourut en 1742. Personne n'a porté dans la chaire chrétienne une parole à la fois plus douce et plus sévère; personne n'a donné aux grands de la terre de plus hautes leçons de justice et de morale. Son Petit carême est devenu un ouvrage classique et rien n'a manqué à la gloire de ce livre, pas même l'admiration de Voltaire.

INFLUENCE DE SAINT BERNARD SUR SON SIÈCLE; CARACTÈRE DE SON ÉLOQUENCE.

Représentez-vous, mes Frères, ce nouveau précurseur sorti du désert, vêtu pauvrement, la pénitence peinte sur le visage. On le prend pour Elie ou pour quelqu'un des prophètes toute la France court pour entendre sa doctrine; et, touchés des paroles de grâce et de vertu qui sortent de sa bouche, les peuples en foule viennent à lui pour savoir s'ils n'ont plus de ressources pour fléchir la colère du Seigneur.

Alors les ténèbres répandues sur l'abîme commencèrent à se dissiper; la France, comme un autre chaos, se développa peu à peu les cloîtres virent revivre cet esprit primitif, cet héritage précieux qu'ils avaient autrefois reçu de leurs pères. On n'avait jamais entendu avant lui de prophète si autorisé à reprendre les vices; le ciel l'avait, ce semble, établi le censeur des mœurs de

son siècle. Que de différends parmi les princes apaisés par sa sagesse! Que de lettres écrites pour le rétablissement de la discipline et de la piété! Quel style! quelles expressions! quels artifices puissants d'une éloquence toute divine! La France, l'Italie, l'Allemagne, le virent répandre partout le feu divin que JésusChrist est venu apporter sur la terre, et dont il avait embrasé son cœur seul il put suffire aux besoins divers et infinis de l'Eglise.

Sa science ne consistait pas dans un amas de connaissances vaines qu'on acquiert par un dur travail, et qu'on débite sans fruit et sans onction. Il ne cherchait pas à éblouir les esprits par de nouvelles découvertes, ni à se faire honneur de certains approfondissements qui flattent par leur singularité; mais à réformer les cœurs et à rétablir la foi de ses pères sur la ruine des nouveautés profanes. Les livres saints étaient sa plus chère étude : rien ne lui paraissait plus digne de la grandeur de l'esprit humain que l'histoire des merveilles de Dieu dans les livres de Moïse, les beautés de sa loi, les divins transports de ses prophètes, et l'onction des autres écrivains inspirés.

SUR L'AUMÔNE.

D'où vient, je vous prie, cette multitude de pauvres dont vous vous plaignez? Je sais que le malheur des temps peut en augmenter le nombre; mais les guerres, les maladies populaires, les déréglements des saisons que nous éprouvons, ont été de tous les siècles; les calamités que nous voyons ne sont pas nouvelles ; nos pères les ont vues, et ils en ont vu même de plus tristes ; des dissensions civiles, le père armé contre l'enfant, le frère contre le frère; les campagnes ravagées par leurs propres habitants; le royaume en proie à des nations ennemies, personne en sûreté sous son propre toit nous ne voyons pas ces malheurs, mais ont-ils vu ce que nous voyons? tant de misères publiques et cachées ? tant de familles déchues? tant de citoyens, autrefois distingués, aujourd'hui sur la poussière, et confondus avec le plus vil peuple ? les arts devenus presque inutiles? l'image de la faim et de la mort répandue sur les villes et sur les campagnes ? Que dirai-je ? tant de désordres secrets qui éclatent tous les jours, qui sortent de leurs ténèbres, et où précipite le désespoir et l'affreuse nécessité? D'où vient cela, mes Frères, n'est-ce pas d'un luxe qui engloutit tout, et qui était inconnu à nos pères ? de vos dépenses

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