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PERFECTION DE DIEU.

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services du jour que vous vous serez donnés à un maître si bienfaisant.

Et vous, ne viendrez-vous pas à ce triste monument, vous, dis-je, qu'il a bien voulu mettre au rang de ses amis? Tous ensemble, en quelque degré de sa confiance qu'il vous ait reçus, environnez ce tombeau, versez des larmes avec des prières ; et, admirant dans un si grand prince une amitié si commode et un commerce si doux, conservez le souvenir d'un héros dont la bonté avait égalé le courage. Ainsi puisse-t-il toujours vous être un cher entretien! ainsi puissiez-vous profiter de ses vertus, et que sa mort, que vous déplorez, vous serve à la fois de consolation et d'exemple!

Pour moi, s'il m'est permis, après tous les autres, de venir rendre les derniers devoirs à ce tombeau, ô prince, le digne sujet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire; votre image y sera tracée, non point avec cette audace qui promettait la victoire, non, je ne veux rien voir en vous de ce que la mort y efface; vous aurez dans cette image des traits immortels : je vous y verrai tel que vous étiez à ce dernier jour, sous la main de Dieu, lorsque sa gloire sembla commencer à vous apparaître. C'est là que je vous verrai plus triomphant qu'à Fribourg et à Rocroy; et, ravi d'un si beau triomphe, je dirai en actions de grâces ces belles paroles du bien-aimé disciple : « La véritable victoire, celle qui met sous nos pieds le monde entier, c'est notre foi. »

Jouissez, prince, de cette victoire; jouissez-en éternellement par l'immortelle vertu de ce sacrifice. Agréez ces derniers efforts d'une voix qui vous fut connue. Vous mettrez fin à tous ces discours. Au lieu de déplorer la mort des autres, grand prince, dorénavant je veux apprendre de vous à rendre la mienne sainte : heureux si, averti par ces cheveux blancs du compte que je dois rendre de mon administration, je réserve au troupeau que je dois nourrir de la parole de vie les restes d'une voix qui tombe et d'une ardeur qui s'éteint!

PERFECTION DE DIEU.

Dieu est une intelligence qui ne peut ni rien ignorer, ni douter de rien, ni rien apprendre, ni perdre, ni acquérir aucune perfection, car tout cela tient du non-être. Or Dieu est celui qui EST, celui qui est par essence. Comment donc peut-on

penser que celui qui est ne soit pas, ou que l'idée qui comprend tout l'être ne soit pas réelle; ou que, pendant qu'on voit que l'imparfait est, on puisse dire, on puisse penser, en entendant ce qu'on pensc, que le parfait ne soit pas ? Ce qui est parfait est heureux, car il connaît sa perfection, puisque connaître sa perfection est une partie trop essentielle de la pefection pour manquer à l'être parfait. O Dieu! vous êtes bienheureux. O Dieu! je me réjouis de votre éternelle félicité. Toute l'Ecriture nous prêche que l'homme qui espère en vous est heureux : à plus forte raison êtes-vous heureux vous-même, ô Dieu en qui on espère! Aussi saint Paul vous appelle-t-il expressément bienheureux Je vous annonce ces choses selon le glorieux Evangile du Dieu bienheureux. Et encore : C'est ce que nous montrera en son temps celui qui est bienheureux et le seul puissant, roi des rois et seigneur des seigneurs, qui seul possède l'immortalité et habite une lumière inaccessible, à qui appartient la gloire et un empire éternel. O Dieu bienheureux! je vous adore dans votre bonheur. Soyez loué à jamais de me faire connaître et savoir que vous êtes éternellement et immuablement bienheureux.

ÉTERNITÉ ET IMMENSITÉ DE DIEU.

Élevez, Seigneur, ma pensée au-dessus de toute image des sens et de la coutume, pour me faire entendre dans votre éternelle vérité que vous êtes celui qui est, que vous êtes toujours le même sans succession ni changement, et que vous faites le changement et la succession partout où elle est. Vous faites par conséquent tous les mouvements et toutes les circulations dont le temps peut être la mesure. Vous voyez dans votre éternelle intelligence toutes les circulations différentes que vous pouvez faire, et les nommant, pour ainsi dire, toutes par leur nom, vous avez choisi celles qu'il vous a plu pour les faire aller les unes après les autres..... Ainsi la première révolution que vous avez faite du cours du soleil a été la première année, et le premier mouvement que vous avez fait dans la matière a été le premier jour. Le temps a commencé selon ce qu'il vous a plu, et vous en avez fait le commencement tel qu'il vous a plu, comme vous en avez fait la suite et la succession, que vous ne cessez de développer du centre immuable de votre éternité. Vous avez fait le lieu de la même sorte que vous avez fait le temps, Pour vous, ô Dieu de gloire et de majesté! vous n'avez besoin d'aucun lieu :

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vous habitez en vous-même tout entier. Sans autre étendue que celle de vos connaissances, vous savez tout; ou celle de votre puissance, vous pouvez tout; ou' celle de votre être, de votre éternité, vous êtes tout. Vous êtes tout ce qui est nécessairement; et ce qui ne peut pas être, et ce qui n'est pas éternellement comme vous, n'ajoute rien à la perfection et à la plénitude de l'être, que vous possédez seul.

BOURDALOUE.

<< Jamais prédicateur évangélique, dit madame de Sévigné en parlant de Bourdaloue, n'a prêché si hautement et si généreusement les vérités chrétiennes. » Doué d'un organe admirable, d'un geste puissant, d'un regard pénétrant et profond, d'un fonds de raisonnement qui ne laissait aucune place à la contradiction, cet illustre orateur exerça sur la société de son temps la plus grande et la plus salutaire influence. Né à Bourges en 1632, Bourdaloue fit ses études chez les Jésuites et entra dans leur ordre. Il vint, pour la première fois, prêcher à Paris en 1669, et mourut dans cette ville en 1704.

LE MYSTÈRE DE LA CROIX.

Le centenier qui l'observait de près, et qui le vit expirer, protesta hautement qu'il était Dieu et vrai Fils de Dieu. Si ce centenier eût été un disciple du Sauveur, et qu'il eût ainsi raisonné, peut-être son raisonnement et son témoignage pourraient-ils être suspects; mais c'est un infidèle, c'est un païen, qui, de la manière dont il voit mourir Jésus-Christ, conclut sans hésiter qu'il meurt par miracle, et qui de ce miracle tire immédiatement la conséquence qu'il est donc vraiment le Fils de Dieu. Une dernière preuve, mais essentielle, c'est de voir un homme que l'ignominie de sa mort, que la confusion, l'opprobre, l'humiliation infinie de sa mort, élève à toute la gloire que peut prétendre un Dieu : tellement qu'à son scul nom et en vue de sa croix, les plus hautes puissances du monde fléchissent les genoux, et se prosternent pour lui faire hommage de leur grandeur. Voilà ce que Dieu révélait à saint Paul dans un temps, remarque bien importante, dans un temps où tout semblait s'opposer à l'accomplissement de cette prédiction; dans un temps où, selon toutes les vues de la prudence humaine, cette prédiction devait passer pour chimérique; dans un temps, où

le nom de Jésus-Christ était en horreur. Toutefois, ce qu'avait dit l'Apôtre est arrivé; ce qui fut pour les chrétiens de ce temps-là un point de foi a cessé en quelque façon de l'être pour nous, puisque nous sommes témoins de la chose et qu'il ne faut plus captiver nos esprits pour la croire. Les puissances de la terre fléchissent maintenant les genoux devant ce crucifié. Les princes, et les plus grands de nos princes, sont les premiers à nous en donner l'exemple; et il n'a tenu qu'à nous, les voyant en ce saint jour au pied de l'autel adorer Jésus-Christ sur la croix, de nous consoler et de nous dire à nous-mêmes: Voilà ce que m'avait prédit saint Paul; et ce que du temps de saint Paul j'aurais rejeté comme un songe, c'est ce que je vois et de quoi je ne puis douter.

Or un homme, mes chers auditeurs, dont la croix, selon la belle expression de saint Augustin, a passé du lieu infâme des supplices sur le front des monarques et des empereurs; un homme qui, sans autre secours, sans autres armes, par la vertu seule de la croix, a vaincu l'idolâtrie, a triomphé de la superstition, a détruit le culte des faux dieux, a conquis tout l'univers, au lieu que les plus grands rois de l'univers ont besoin pour les moindres conquêtes de tant de secours; un homme qui, comme le chante l'Église, a trouvé le moyen de régner par où les autres cessent de vivre, c'est-à-dire par le bois qui fut l'instrument de sa mort; et, ce qui est encore plus merveilleux, un homme qui pendant sa vie avait expressément marqué que tout cela s'accomplirait, et que du moment qu'il serait élevé de la terre il attirerait tout à lui, voulant, comme l'observe l'Évangéliste, signifier parlà de quel genre de mort il devait mourir : un tel homme n'est-il pas pas plus qu'homme? N'est-il pas homme et Dieu tout ensemble? Quelle vertu la croix où nous le contemplons n'a-t-elle pas eue pour le faire adorer des peuples ? Combien d'apôtres de son Évangile, combien d'imitateurs de ses vertus, combien de confesseurs, combien de martyrs, combien d'âmes saintes et dévouées à son culte, combien de disciples zélés pour sa gloire ; disons mieux, combien de nations, combien de royaumes, combien d'empires n'a-t-il pas attirés à lui par le charme secret mais tout-puissant de cette croix

LA CÉRÉMONIE DES CENDRes.

L'homme, dit l'Écriture, était dans l'honneur et dans la gloire

LA CÉRÉMONIE DES CENDRes.

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où Dieu l'avait élevé par la création; mais, au milien de sa gloire, l'homme s'était méconnu. Cet oubli de lui même, par une suite nécessaire, l'avait porté jusqu'à l'oubli, et même jusqu'au mépris de Dieu. Que fait l'Église? Pour rétablir en nous ce respect de Dieu, et cette crainte que nous perdons par le péché, et qui doit être le fondement de la pénitence, elle nous engage, ou plutôt elle nous oblige à concevoir du mépris pour nous-mêmes, en nous adressant ces paroles: Souviens-toi, 6 homme, que tu es poussière, et que tu retourneras dans la poussière. Comme si elle nous disait : Pourquoi, homme moriel, vous attribuer sans raison une grandeur chimérique et imaginaire? Souvenez-vous de ce que vous étiez il y a quelques années, quand Dieu, par sa toute puissance, vous tira de la boue et du néant. Souvenez-vous de ce que vous serez dans quelques années, quand ce petit nombre de jours qui vous reste encore sera expiré. Voilà les deux termes où il faut, malgré vous, que votre orgueil se borne.

Raisonnez tant qu'il vous plaira sur ces deux principes; vous n'en tirerez jamais de conséquence, non seulement qui ne vous humilie, mais qui ne vous rappelle à votre devoir, lorsque vous serez assez aveuglé et assez insensé pour vous en écarter. Telle est, encore une fois, Chrétiens, la salutaire et importante leçon que fait l'Église, comme une mère sage, à tous ses enfants.

Examinons plus en détail la manière dont elle y procède, et toutes les circonstances de cette cérémonie des cendres qu'elle observe en ce saint jour. Car il n'y en a pas une qui ne nous instruise, et qui n'aille directement à ces deux fins, de rabattre notre orgueil, et de nous disposer à la pénitence. En effet, c'est pour rabattre notre orgueil qu'elle nous présente des cendres, et qu'elle nous les fait mettre sur la tête. Pourquoi des cendres? Parce que rien, dit saint Ambroise, ne doit mieux nous faire comprendre ce que c'est que la mort, et l'humiliation extrême où nous réduit la mort, que la poussière et la cendre. Oui, ces cendres que nous recevons prosternés aux pieds des ministres du Seigneur, ces cendres dont la bénédiction, selon la pensée de saint Grégoire de Nysse, est aujourd'hui comme le mystère, ou, si vous voulez, comme le sacrement de notre mortalité, et par conséquent de notre humilité, si nous les considérons bien, ont quelque chose de plus touchant que tous les raisonnements du monde, pour nous humilier en qualité d'hommes, et pour nous faire prendre, en qualité de pécheurs, les sentiments d'une parfaite conversion et d'un retour sincère à Dieu. Car elles nous apprennent ce que nous voudrions peut-être ne pas savoir, et

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