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intitulé: les Amours d'Ariftée & de TéLafie. Il faut que vous en ayez été trèsfatisfait, puifqu'après une lecture non. interrompue, le fond vous en a paru touchant, les perfonnages foutenus, les caracteres de vertu & de vice bien contrastez, les récits d'une jufte longueur & placez ingénieufement, les furprifes douces, enfin le ftile éloigné de la pédanterie de certains Romans. philofophiques. Ce jugement. qui en général eft affez vrai, ne m'empêchexa pas de vous faire remarquer quelques petits défauts qui m'ont frappé; cette critique n'eft pas d'un mauvais augure pour ce, Roman; on ne cenfure ordinairement en détail, que ceux d'un mérite reconnu. Je n'aime pas qu'Aristée, après avoir intercepté par hafard la confidence que fait Telafie de fon penchant pour lui vienne dire prefque dans le moment à la maî

treffe, qu'il a tout entendu. Comment excufer Ariftée d'imprudence & d'indifcretion? A moins qu'on ne dife que ces deux amans ne font point initiez dans l'art d'aimer ; ce qui paroît vrai-femblable, puifque l'un profite fi mal d'une utile découverte, & que l'autre fouffre paisiblement un compliment fi peu mefuré. Ne trouvez-vous pas encore que la multiplicité d'avantures fait trop fouvent difparoître Ariftée & Telafie ? Je fçai que le même défaut fe trouve dans Zaïde; mais ce trait de reffemblance n'étoit pas neceffaire. 11 femble que les Ac-teurs fe foient donné le mot pour conter chacun leur hiftoire, & l'on fent que l'Auteur craignant, fans confulter fes forces, de ne pouvoir donner une juste étenduë à la fable de fon Roman ya fupplée par d'ingénieux épifodes. Ce manque d'unité prouve fenfiblement que c'est ici l'ouvrage d'un jeune homme, à qui il en a moins couté de donner l'effor à une imagination vive & féconde, que de s'affujettir à des régles gênantes.

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Il me femble que l'Auteur a pouffé quelquefois trop lon l'attention as obferver la vrai-femblance. Aimez

vous ces combats où l'on fe jette des tifons & des planches? De pareilles circonftances paroiffent inutiles & peu heroïques; ce qu'on pourroit dire pour juftifier l'Auteur, c'eft que dans un accès de fureur on fait armes de tout, furor arma miniftrat. Voilà pré, cifément le cas où se trouvent ces nou veaux combattans. Des critiques févé+ res ont encore blâmé le récit que le Prêtre Softrate fait de fes avantures, dans le tems qu'Ariftée & Télafie font menacez du plus grand danger, ils foûtiennent qu'on auroit dû amener ce récit dans toute autre occafion. La fureur de Peon contre fa femme leur paroit peu fondée, tout le crime de celle-ci étant de préférer le féjour d'u ne ville à une autre ; il falloit imaginer un prétexte plus plaufible. Je ne voudrois pas que l'Auteur, féduit par une comparaifon fublime en elle-même ; mais qui fuppofe l'invention de la poudre à canon, en eût orné fon Ro man, auquel il donne un air d'antiquité; il eft vrai que l'Ecrivain parie lui-même ; mais confiderez que pour donner à ces fortes de fictions les couleurs du vrai femblable, les Héros & F'Auteur doivent paroître contempo,

rains. Il n'y a qu'à rire de ce que cer-
taines perfonnes trouvent mauvais
qu'Ariftée, cet amant fi delicat, épou
fe enfin Télafie, après être tombée
plufieurs fois entre les mains des Cor--
faires, peu accoutumez à refpecter leurs
captives. L'Auteur a fenti toute la
force de cette objection; auffi a-t-il
fait naître la néceffité de condamner
Télafie à une chafte épreuve, qui ne :
laiffe aucun doute fur la conservation a
de fa vertu, puifque cette cérémonie
étoit confacrée par la Religion, motif:
bien propre à calmer la tendre inquié-
tude d'un amant vertueux. Cette fi-
Яion embellie, dans ce Roman, n'est
qu'effleurée dans les Amours de Leucip-
pe& Clitophon, d'Achille Tatius. C'est
prefque le feul endroit imité de l'Au-
teur Grec; ainfi on a eu tort d'avan
cer que
le nouveau Roman eft une
copie de l'ancien.. Malgré cette criti-
que il fe fait lire avec plaifir, parce
que réellement il a des beautez, beau-
coup de poësie & point d'orne-
mens postiches ; la diction en eft nette
& naturelle.

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Puifque j'ai commencé à vous par
Jer d'un Roman, permettez-moi de
vous entretenir de deux autres qui

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viennent de paroître depuis peu. L'un eft intitulé: Anecdotes Grecques, ou Avantures fecretes d'Aridée, tirées d'un manufcrit Grec. Cet Aridée dont il s'agit, eft fils naturel de Philippe, Roi de Macédoine, pere d'Alexandre le Grand. Quinte Curce. dans le dernier livre de fon hiftoire, dit que ce Prince monta fur le trône après la mort d'Alexandre, mais qu'il en defcendit auffi-tôt.Il feroit inutile de vous avertir que ces prétendues Anecdotes ne font point tirées d'un manufcrit Grec. Parce que l'Auteur du Temple du Gnide a fuppofé que fon Roman étoit un manuscrit Grec, trouvé dans le tombeau d'un Evêque, l'Hiftorien d'Aridée a cru qu'il y auroit beaucoup d'efprit à feindre que fes Anecdotes avoient été compofées par un efclave François qui fçavoit le Grec. Ce qu'il ya de vrai, c'eft que le Temple de Gnide, a été conftruit fur les bords de la Garonne, & que les Anecdotes font des fonges romanefques, nés fur les bords de la Seine. Voilà tout le myf tere, avec cette différence, que l'Ecrivain Gafcon a pris foin de ne rien mettre qui jurât avec le caractere de fa fiction & que le faifeur d'Ance

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