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la régularité des extraits, dont on eft refolu de s'abftenir, pour n'avoir aucunement Pair de Fournilifte On fera conftant dans la publication de ces Lettres, & le public peut s'attendre qu'il en paroitra une tous les Lundis de chaque Semaine. Au reste, le file de ces Lettres ne fera pas toujoursTM le même, parce que c'est une fociede quatre perfonnes qui ont en-trepris cet Ouvrage periodique.

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LE

NOUVELLISTE

DU

PARNASSE

PREMIERE LETTRE.

A.

Ous me demandez, Monfieur, des nouvelles du Parnaffe. Vous croïez apparemment que j'y fais mon féjour: je vous affure cependant que

je n'ai jamais dormi fur le double Mont. Il eft vrai que j'y ai des amis, qui m'apprennent exactement ce qui s'y paffe. C'eft avec leur fecours que je vais tâcher de fatisfaire votre curiofité. J'aurai mêine l'honneur de vous écrire toutes les femaines, & de vous informer

*Nec in bicipiti me fomniaffe Parnaffo memini. Perf.

Tome I.

A

de tous les nouveaux fruits que produit cette Montagne féconde, & de tous les évenemens qui pourront fervir à l'Hif toire de ce païs-là.

Il regne depuis peu fur le Parnaffe une guerre civile qu'Apollon a bien de la peine à éteindre. Une Secte de Profateurs, ingénieufe & hardie, s'efforce aujourd'hui d'abbaiffer tous les Verfificateurs, qui jufqu'ici ont tenu le premier rang à la Cour; car vous fçavez qu'il n'eft pas feulement le Dieu des Vers, mais qu'il eft le Dieu de toutes les Sciences & de tous les beaux Arts, & que toute forte d'ouvrages d'efprit a cours fur le Parnaffe: Or les Profateurs prétendent aujourd'hui y exercer le métier de la Poëfie, auffi bien que les Verfificateurs, & veulent fur-tout s'emparer du Cothurne. On dit que c'eft pour y parvenir que plufieurs affectent d'emploier dans tous leurs ouvrages, de quelque genre qu'ils foient, une profe figurée & cadancée, qu'à la mefure & à la rime, près, vous prendriez pour de mauvais

'Vers..

Apollon qui détefte la fole prétention de ces Profateurs, tâche par toutes fortes de moïens, de réprimer leur poëtique orgueil. Mais comme c'est un Dieu bon & fage, qui ménage tout le monde, &

tolere tout, il fe contente d'en rire ca cent façons différentes. C'eft fur ce ton qu'il fit joiier cet Eté dernier, une Comédie en un Acte, intitulée : La Tragédie en profe, ou La Tragédie extravagante, imprimée chez Chaubert; mais il ne fut pas content de la Piéce, qu'il trouva froide à la reprefentation, quoiqu'on l'eût alluré qu'elle étoit affez agréablement tcrite. Il n'avoit pas non plus été fort fatisfait quelque tems auparavant d'en fameux Poëte, qui, dans une Preface *; avoit réfuté avec plus d'agrément que de force, l'opinion de la Secte moderne, & avoit donné lieu à une replique affez bonne. Il s'avifa ces jours paffés d'ordonner qu'on joüât une Tragédie entiere de Racine, mise en profe. Déja.la Secte des Verfificateurs murmuroit contre Apollon, qui préparoit ainsi, felon eux, un triomphe à leurs ennemis. Mais ceux-ci s'apperçurent bientôt que c'étoit un tour que ce Dieu leur jouoit pour fe divertir à leurs dépens. La Tragédie leur parut fi ennuïeufe à eux-mêmes,qu'ils ne purent l'entendre jufqu'à la fin. Cependant la profe étoit claire, élegante, & même d'un goût poëtique. On avoit confervé toutes les expreffions de Racine, & on s'étoit contenté de rompre la *Préface de l'Oedipe de M. deVoltaire.

mefure, & de fuprimer la rime. Les Pro fateurs, confus de ce mauvais fuccès, voulurent avoir leur revanche, & prierent Apollon de faire jouer la Mort de Pompée en profe. Ils alléguerent que les vers de Racine étoient fi parfaits, qu'il ne pouvoient être rompus & réduits e profe, fans quelque déchet; mais que les vers de tous les autres Poëtes n'étoient pas de cette nature, fans excepter même ceux du grand Corneille. Cet effai ne réüffit pas mieux que l'autre. Le mérite fuperieur de la verfification dans la Tragédie fe fit fur-tout fentir, lorsque Corneille, au lieu de ces deux vers,

O larmes, ô regrets, ô qu'il eft doux de plaindre

Le fort d'un ennemi quand il n'eft plus à craindre!

s'exprima ainsi en bonne profe,

O larmes, ô regrets, ô qu'il eft agréable de
plaindre
Le fort d'un ennemi quand on ne le craint plus!

Pour dernier effai, Apollon fit faire une Tragédie toute neuve en profe, afin de fatisfaire les Profateurs, qui prétendoient que la mauvaife réüffite des deux premiers effais venoit de la comparaifon qu'on faifoit des vers connus, aufquels on étoit accoutumé, avec ces mêmes vers brifés, & réduits au langage naturel. C

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