Je ne veux point changer d'état. Le Prince Grec au Loup va proposer l'affaire : Qu'une jeune et belle Bergère Au lieu de Loup, homme de bien. En est-il, dit le Loup? Pour moi, je n'en vois guère. Toi qui parles, qu'es-tu? N'auriez-vous pas sans moi Pour un mot, quelquefois, vous vous étranglez tous; Il vaut mieux être un Loup qu'un homme; Ulysse fit à tous une même semonce : Chacun d'eux fit même réponse, Autant le grand que le petit. La liberté, les bois, suivre leur appétit, Ils étoient esclaves d'eux-mêmes. Prince, j'aurois voulu vous choisir un sujet Si ce choix eût été facile: Les Compagnons d'Ulysse enfin se sont offerts: Votre censure et votre haine. (Depuis La Fontaine). FRANÇAIS. Les Animaux raisonnables, comédie en un acte, représentée en 1718 au Théâtre de la Foire. Voyez le Recueil des pièces de théâtre, T. III. Fables en chansons, Liv. V. fab. 19. Ulysse et les Syrènes (dans un Recueil de vers choisis, 1 vol. in-12, Paris, Josse, 1693). OBSERVATIONS DIVERSES. (1) L'unique objet, nous semble trop exclusif. (2) Le Héros. Louis, dauphin, fils du roi Louis XIV, celui à qui notre poète a dédié la première partie de ses fables. Il avoit eu pour instituteurs Bossuet, le savant Huet, évêque d'Avranches, et le duc de Montausier, qui ne développèrent point dans leur élève l'héroïsme guerrier dont La Fontaine lui fait honneur. Cependant il prit Philisbourg en 1788, et M. de La Monnoie l'en complimenta par une assez belle ode (T. I. p. 48). Mais ce sont là toutes fictions poétiques. Il eût été bon et juste, ce qui vaut mieux que d'être un conquérant. (3) Lui qu'un mois a rendu maître et vainqueur du Rhin. C'est cette brillante expédition que Boileau, mieux que l'histoire, a immortalisée dans sa fameuse épître du passage du Rhin. . (4) La fille du Dieu du jour. Circé, fille d'Apollon, de qui elle tenoit cet art des enchantemens qui soumettoit à son empire toute lanature. d'une Taupe. (5) Exemplum ut Talpa. De la taille, par exemple, Erasme n'a point parlé de ce proverbe ; ce qui nous étque de la part d'un écrivain si exact et si savant. Boileau, dans sa Dissertation sur Joconde : « Que si Homère a été justement blâmé dans son Odyssée, qui est pourtant un ouvrage tout comique, comme l'a remarqué Aristote; si, dis-je, il a été repris par de fort habiles critiques, pour avoir mêlé dans cet ouvrage l'histoire des compagnons d'Ulysse changés en Pourceaux, comme étant indignes de la majesté de son sujet, etc.» (T. II. p. 178.) (6) Prit un autre poison peu différent du sien. On devine sans peine quel est cet autre poison que La Fontaine semble craindre d'appeler par son nom. (7) Et te dis tout net et tout plat. Expression triviale. (8) Et redevien. «Plusieurs poètes très-estimés retranchent l's à la seconde personne de l'impératif. Racine : Cours, ordonne et revien. (Phèdre, act. II. sc. 3.) Vaugelas opine en faveur de cette terminaison. (Beauzée.) (9) C'étoient leurs délices. Tous les exemplaires portent : c'étoit leurs délices; c'est une faute ; mais elle étoit commune du temps de La Fontaine. (10) Au'los. Clém. Marot: 1 Car bien peu sert la poésie gente, Et avant Marot, Eust. Deschamps : (Epitre 2.) Cils (celui-là) aura loz, doulz regart, etc. (Poés. manusc. fol. 149. col. 4.) Dans tous ces exemples, loz est le laus des Latins, louange. Un littérateur célèbre explique par la métempsycose la fable des Compagnons d'Ulysse. Leur changement en Pourceaux signifie que les ames des hommes imprudens et vicieux sont obligées d'animer les corps des animaux les plus immondes. (Le marquis d'Argens, Lettres Chinoises. Lettr. 69. sur la métempsycose.) FABLE I I. Le Chat et les deux Moineaux. A MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE. (Avant La Fontaine). FRANÇAIS. Furetière, fab. 34. UN Chat contemporain (1), d'un fort jeune moineau, Fut logé près de lui dès l'âge du berceau. La cage et le panier avoient mêmes Pénates (2). Maître Chat excusoit ces jeux: Entre amis il ne faut jamais qu'on s'abandonne Comme ils se connoissoient tous deux dès leur bas âge, Quand un Moineau du voisinage S'en vint les visiter, et se fit compagnon Du Du pétulant Pierrot, et du sage Raton. Entre les deux oiseaux il arriva querelle : Et Raton de prendre parti. Cet inconnu, dit-il, nous la vient donner belle, Le Moineau du voisin viendra manger le nôtre! Quelle morale puis-je inférer de ce fait? J'en crois voir quelques traits; mais leur ombre m'abuse. (1) Contemporain. L'idée du poète n'est pas que ces animaux vécussent dans le même temps, mais dans la même habitation. Il falloit commensal, au lieu de contemporain. (2) La cage et le panier avoient mêmes Pénates. On ne peut pas dire qu'une cage et un panier eussent des Dieux domestiques. (3) D'armer de pointes sa férule. Comme certains pédans accou tumés à faire plier sons la férule magistrale le corps, la volonté et jusques à la raison de leurs élèves; et ces mêmes hommes, despotes de colléges, on les a vu des premiers crier à la liberté. (4) Incontinent. Ce mot a vieilli. Ménage ne l'aimoit pas. ( Rem. sur Malherbe, p. 569.) On en verroit pourtant encore quelques exemples, même dans les meilleurs écrivains de ce siècle. Voltaire; «< Comment nos membres obéissent-ils incontinent à notre vo lonté ? » (Poème sur le désastre de Lisbonne, note i.) Tome II. Ꮓ |