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Tout orgueilleux d'avoir, par son ramage,

Du poulailler mérité le suffrage.

(7) Braillards. De ce mot braire, qui donne tant d'humeur aa Baudet.

(8) Vous m'entendez, je vous entends:

Il suffit. Cet air de mystère et de demi-confidence, cet hommage rendu à la pénétration de l'Espèce, la morgue doctorale avec laquelle notre Baudet doit prononcer son il suffit, et l'orgueilleuse exclusion qu'il donne par-là aux autres classes d'animaux, tout cela répand sur ce discours une teinte vraiment originale dont Rousseau n'a pas approché.

(9) Vous surpassez Lambert. Excellent musicien dont Boileau parle dans ses satyres :

Molière avec Tartufe y doit jouer son rôle.

Et Lambert, qui plus est, m'a donné sa parole.

(Sat. III. v. 25.)

(10) De s'étre ainsi grattés. Clém. Marot:

Ce Huet et Sagon se jouent

Par escrit, l'un l'autre se louent,

Et semblent (tant ils s'entre-flattent)

Deux vieux Asnes qui s'entre-grattent.

(11) Que le ciel voulut mettre en de plus hauts degrés. Le mot de puisances, au vers précédent, en dit plus que tout ce vers, et le rendoit inutile.

(12) Les simples Excellences,

S'ils osoient, en des Majestés. Excellence, titre affecté aux ambassadeurs. Celui de Majesté ne convicat qu'aux têtes couronnées.

(13) Qui n'étoit pas un fat. Un insensé, le fatuus des Latins.

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(Avant La Fontaine). ORIENTAUX. Pilpay, T. I. p. 392. FRANÇAIS. Marie de France, Ysopet (du Villain qui donna ses Bues (ses Boeufs ) au Lou) dans le manuscrit de la bibliothèque de Saint-Germain-des-Prés, n°. 1830.

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MAIS d'où vient qu'au Renard Esope accorde un point ;
C'est d'exceller en tours pleins de matoiserie (1)?
J'en cherche la raison, et ne la trouve point.
Quand le Loup a besoin de défendre sa vie,
Ou d'attaquer celle d'autrui (2)`,

N'en sait-il pas autant que lui?

Je crois qu'il en sait plus, et j'oserois, peut-être
Avec quelque raison, contredire mon Maître.
Voici pourtant un cas où tout l'honneur échut
A l'hôte des terriers. Un soir il apperçut
La Lune au fond d'un puits: l'orbiculaire image
Lui parut un ample fromage.

Deux seaux alternativement

Puisoient le liquide élément.

Notre Renard pressé par une faim canîne (3),
S'accommode en celui qu'au haut de la machine
L'autre seau tenoit suspendu.

Voilà l'animal descendu

Tiré d'erreur; mais fort en peine,

Et voyant sa perte prochaine.

Car comment remonter, si quelque autre affamé,

De la même image charmé,

Et succédant à sa misère,

Par le même chemin ne le tiroit d'affaire (4)?
Deux jours s'étoient passés sans qu'aucun vînt au puits:
Le temps, qui toujours marche, avoit pendant deux nuits,
Echancré, selon l'ordinaire,

De l'astre au front d'argent la face circulaire (5).
Sire Renard étoit désespéré.
Compère Loup, le gosier altéré,

Passe par-là. L'autre dit : Camarade,
Je vous veux régaler ; voyez-vous cet objet ?
C'est un fromage exquis. Le Dieu Faune (6) l'a fait;
La Vache Io donna le lait (7).
Jupiter, s'il étoit malade,

Reprendroit l'appétit en tâtant d'un tel mets,

J'en ai mangé cette échancrure,

Le reste vous sera suffisante pâture.

Descendez dans un seau que j'ai là mis exprès.
Bien qu'au moins mal qu'il pût il ajustat l'histoire,
Le Loup fut un șot de le croire:

Il descend, et son poids emportant l'autre part,
Reguinde (8) en haut maître Renard.

Ne nous en moquons point : nous nous laissons séduire

Sur aussi peu de fondement;

Et chacun croit fort aisément

Ce qu'il craint, et ce qu'il desire.

(Depuis La Fontaine). FRANÇAIS. Fables en chansons, L. I. LATINS. Desbillons, L. VIII. fab. 23.

fab. 9.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Pleins de matoiserie. Ruse, se retrouve encore dans Molière. Il vient du vieux mot français mate, qui signifie tromperie. (2) Quand le Loup a besoin de défendre sa vie,

Ou d'attaquer celle d'autrui, etc. Cette observation du fabuliste est confirmée par les témoignages des historiens. L'auteur du Dictionnaire d'Histoire naturelle, M. Valmont de Bomare, se plaît à rapporter des traits qui prouvent dans le Loup une sagacité égale à celle du renard. Convenons pourtant qu'il n'a pas le beau rôle dans cette fable; ce qui est une inconséquence.

(3) Faim canine. Très-grande faim, à laquelle sont sujets les chiens et bien d'autres animaux.

(4) Par le même chemin ne le tiroit d'affaire. Un mérite particulier à ces vers, est celui de la difficulté vaincue. Tout autre eût échoué, ou n'eût rien dit. Ici tout s'ordonne, se met à sa place, s'enchaîne sans effort. Le poète dit tout, et le dit bien. (5) De l'astre au front d'argent. Poétique et dans le style d'Homère.

(6) Faune, Divinité champêtre qui présidoit aux pâturages et aux troupeaux. On le représente avec les oreilles, les pieds et la queue de chèvre; quelquefois il a les pieds d'homme.

(7) La vache Io. Io étoit fille d'Inachus; Jupiter qui l'aimoit, la métamorphosa en vache pour la soustraire aux jalouses vengeances de Junon. Le plaisant usage que le poète fait ici de l'érudition, donne à son Renard un air important dont le Loup doit être dupe, et il le sera.

(8) Reguinde. Du mot guinder, exhausser. Il se fault guinder par fenestres, a dit Louise Labé (p. 88.)

FABLE VII.

Le Paysan du Danube.

(Avant La Fontaine). Marc Aurèle (selon La Fontaine, au vers 7 de cette fable). Voyez la note 3.

Il ne faut point juger des gens sur l'apparence. Le conseil en est bon; mais il n'est pas nouveau.

Jadis, l'erreur du Souriceau (1)

Me servit à prouver le discours que j'avance.
J'ai, pour le fonder à présent,

Le bon Socrate, Esope (2) et certain Paysan
Des rives du Danube, homme dont Marc-Aurèle (3)
Nous fait un portrait fort fidèle.

On connoît les premiers: quant à l'autre, voici
Le personnage en raccourci.

Son menton nourrissoit une barbe touffue (4);
Toute sa personne velue

Représentoit un Ours, mais un Ours mal léché
Sous un sourcil épais il avoit l'œil caché,
Le regard de travers, nez tortu, grosse lèvre,
Portoit sayon (5) de poil de chèvre,

Et ceinture de joncs marins.

Cet homme, ainsi bâti, fut député des villes
Que lave le Danube: il n'étoit point d'asyles
Où l'avarice des Romains.

Ne pénétrât alors, et ne portât les mains.
Le Député vint donc, et fit cette harangue :

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