le modèle de ce vers touchant, au second Livre de ses Georgiques (v.483.) Mais notre poète ne doit à personne la pensée et l'expression de ce vers délicieux : Je lui voue au désert de nouveaux sacrifices. (7) J'aurai vécu sans soins, et mourrai sans remords. Quelle touchante et sublime philosophie! Est-il une ame honnête qui n'entrât pour moitié dans les voeux que forme l'écrivain, sur-tout s'il étoit donné de partager avec lui la retraite qu'il décrit! On ne peut voir sans attendrissement les adieux que fait à la vie cet homme immortel, ce peintre charmant à qui l'on doit des heures d'une volupté si douce! Et s'il est quelque distraction au sentiment pénible qu'on éprouve à lui voir tracer son inscription funèbre; elle est dans le caractère de cette inscription-là même; elle est dans l'opinion vraie qu'il vécut heureux, et qu'il mourut comme meurt tout homme juste. FABLE V. Le Lion, le Singe et les deux Anes. (Avant La Fontaine). FRANÇAIS. Dans Clement Marot, Fripelipes, Valet de Marot, à Sagon, T. I. pag. 193. LE Lion, pour bien gouverner, Se fit, un beau jour, amener Le Singe, Maître-ès-Arts (1) chez la gent animale. Il faut que tout Prince préfère Le zèle de l'Etat à certain mouvement, C'est l'auteur de tous les défauts (2), Vouloir que de tout point ce sentiment vous quitte, Ce n'est pas chose si petite, Qu'on en vienne à bout en un jour : C'est beaucoup de pouvoir modérer cet amour. N'admettra jamais rien en soi A Donne-moi, repartit le Roi, Les qualifie impertinentes, Et semblables discours qui ne nous coûtent rien. L'amour-propre, au rebours(3), fait qu'au degré suprême On porte ses pareils; car c'est un bon moyen De s'élever aussi soi-même. De tout ce que dessus (4) j'argumente très-bien, Cabale, et certain art de se faire valoir, Mieux su des ignorants, que des gens de savoir. L'autre jour, suivant à la trace Deux Anes quí, prenant tour-à-tour l'encensoir (6), L'homme, L'homme, cet animal si parfait ? Il profane Quiconque est ignorant, d'esprit lourd, idiot: Il traite notre rire et nos discours de braire. Voilà les vrais braillards (7); mais laissons-là ces gens: Il suffit; et quant aux merveilles, Dont votre divin chant vient frapper les oreilles, S'en allèrent dans les Cités L'un l'autre se prôner. Chacun d'eux croyoit faire, En prisant ses pareils, une fort bonne affaire, Prétendant que l'honneur en reviendroit sur lui. J'en connois beaucoup aujourd'hui, Non parmi les Baudets, mais parmi les Puissances J'en dis peut-être plus qu'il ne faut; et suppose Elle avoit souhaité d'apprendre quelque trait Qului fit voir, entre autre chose, X L'amour-propre, donnant du ridicule aux gens. de temps. (Depuis La Fontaine ). FRANÇAIS. Fables en chansons, Liv. VI. fab. 40.- LATINS. Desbillons, Liv. VI. fab. 17. OBSERVATIONS DIVERSES. (1) Le singe maître-ès-arts. Docteur qui est ou doit être capable d'enseigner les autres. (Coste.) (2) C'est l'auteur, etc. Depuis que l'esprit de systême s'est emparé de la morale, comme il l'avoit fait de la physique, on a prétendu assigner à une source commune les vices divers qui affligent l'humanité. L'école Stoïcienne les rapportoit tous à l'ignorance: Du vieux Zénon l'antique confrairie Disoit tout vice être issu d'ânerie. M. de la Rochefoucault en voit le principe général dans l'amourpropre; et La Fontaine, plus peut-être par prévention pour l'auteur de cette doctrine, que par un examen réfléchi, l'a répété dans ses vers. Bénissons la philosophie, si elle nous apprend à dompter nos vices, et à devenir meilleurs; mais n'ayons pour elle que du mépris, si elle ne réussit pas même à découvrir l'origine des maladies auxquelles notre ame est en proie. (3) L'amour-propre, au rebours. Pourquoi au rebours? Le défaut dont il va être parlé est-il en contradiction avec celui que l'on vient de condamner? Non; il n'en est qu'un rafinement; et puis, le poète a-t-il oublié qu'il n'admet qu'une seule famille de vices, différens entre eux par de simples nuances, et non par des caractères précis? Quant à l'expression au rebours, elle étoit bonne au temps de Voiture. Celui-ci au rebours, dit-il dans son Eloge du Duc d'Olivarès. (4) De tout ce que dessus. Style de collége ou de barreau, qui me peut être usité que dans la poésie burlesque. (5) Qu'ici-bas maint talent, etc. Ces trois vers, le dernier surtout, sont dignes de la plus haute poésie. (6) Deux dnes qui prenant tour-à-tour l'encensoir. Un autre poète s'est exercé sur un sujet semblable, à la différence près des personnages choisis dans une Espèce d'égale réputation; ce sont dans la fable de J. B. Rousseau les mêmes idées que dans celle de la Fontaine : mais il y a entre les écrivains une grande différence, c'est que l'un est chez lui, l'autre parle une langue qui luí est étrangère. Certain oison, gibier de basse-cour, De son confrère exaltant le haut grade, que le cygne, animal inutile, Ait si long-temps charmé l'homme imbécille. De tant prôner sa ridicule voix; C'est l'art du chant dans lequel vous primėž. A ce discours, notre Oiseau tout gaillard Et tout d'abord oubliant la mangeaille, |