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A MADAME DE MONTESPAN. vij

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Long-temps favorite du Roi Louis XIV, ce fut elle qui donna le projet d'une Histoire en médailles des principaux événemens du règne de cet illustre Monarque. Elle confia le soin de cette entreprise à quelques Gensde-Lettres qui se rassembloient chez Racine. Ce fut là le fondement de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. On conviendra, disoit à ce sujet Mad. la Comtesse de Caylus, que ce projet, quoiqué conçu par la flatterie, n'est pas celui d'une femme commune, ni d'une maîtresse ordinaire. (Mémoir. sur la Vie de J. Racine, p. 147.) Elle mourut surintendante de la Maison de la Reine, le 28 mai 1707.

(2) L'apologue est un don, etc. Le poète répète ici en beaux vers ce qu'il a dit en prose harmonieuse dans sa préface en tête de l'ouvrage. « C'est quelque chose de si divin, etc.» (Voy. au premier volume de cet ouvrage.) (3) C'est proprement un charme. «Oui, c'en est un sans doute, répond Champfort, mais on ne l'éprouve qu'en lisant La Fontaine, et c'est à lui que le charme a commencé.» (Eloge de La Fontaine.)

(4) O vous qui l'imitez. La transition est heureuse et la louange est délicate. Encore à cette époque, le compliment étoit vrai, Louis XIV menoit l'Europe, et se laissoit mener par ses maîtresses. Tout ce prologue est écrit avec noblesse. Il est scmé de vers tels que La Fon¬ taine seul en a su faire.

(5) Paroles et regards, tout est charme dans vous. Ce vers surtout est la preuve de ce qui vient d'être dit dans la note précédente.

(6) D'un plus grand maître que moi. Ce maître dont il est ici question, et que l'on devine facilement, ne

reconnoissoit alors sur la terrc personne qui l'égalât en gloire et en puissance. Déjà les étrangers ne le connoissoient plus que sous le nom de Louis-le-Grand, que la postérité a étendu à tout son siècle.

(7) Ce mensonge. Ailleurs le même poète dira: L'homme est de glace aux vérités,

Il est de feu pour les mensonges.

(8) Mais je ne veux bâtir des Temples que pour vous. Il n'avoit point encore connu madame de la Sablière, cette digne bienfaitrice, cette excellente amie, à qui sa Muse reconnoissante éleva depuis un Temple qui ne finira qu'avec l'Univers. (Liv. XII. fab. 15.)

LA FONTAINE

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TOUS LES FABULISTES.

LIVRE SEPTIÈME.

FABLE PREMIÈRE.

Les Animaux malades de la Peste.

(Avant La Fontaine). ORIENTAUX. Pilpay, Contes Indiens, T. II. pag. 87 et suiv.- LATINS. Philelphe (le Loup, le Renard et l' Ane) (*). J. Ranlin, moine du XVe, siècle ( Sermon XIV). FRANÇAIS. Fabliaux dans le Castoiement ou Instruction d'un père à son fils), manusc. du XIIIe. siècle, biblioth. de Saint-Germaindes-Près, n°. 1830) (**).

UN mal qui répand la terreur,

Mal que le ciel en sa fureur

Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste, puisqu'il faut l'appeler par son nom,
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisoit aux Animaux la guerre.

(*) Philelphi poetæ clarissimi fabulæ. Venet. Gothic. ouvrage très-rare, qui manque à nos premières bibliothèques.

(**) Voyez sur ces trois fabulistes avant La Fontaine, la note de la page 5, dans les observations.

Tome II.

A

Ils ne mouroient pas tous, mais tous étoient frappes.

On n'en voyoit point d'occupés

A chercher le soutien d'une mourante vie
Nul mets n'excitoit leur envie.
Ni Loups, ni Renards n'épioient
La douce, et l'innocente proie.
Les Tourterelles se fuyoient:

:

Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit: Mes chers amis
Je crois que le ciel a permis

Pour nos péchés cette infortune:

Que le plus coupable de nous

Se sacrifie aux traits du céleste courroux :
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements,

Ne nous flattons donc point; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.

Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,

J'ai dévoré force moutons.

Que m'avoient-ils fait ? Nulle offense: Même il m'est arrivé quelquefois de manger

Le Berger.

Je me dévouerai donc, s'il le faut; mais je pense

Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi, Car on doit souhaiter, selon toute justice,

Que le plus coupable périsse.

Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon Roi :
Vos scrupules font voir trop de délicatesse :

Eh bien! manger Moutons, canaille, sotte espèce,

Est-ce un péché? Non, non: Vous leur fites, Seigneur,
En les croquant, beaucoup d'honneur.

Et quant au Berger, l'on peut dire
Qu'il étoit digne de tous maux,
Etant de ces gens-là qui sur les Animaux
Se font un chimérique empire.
Ainsi dit le Renard, et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir

Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres Puissances,
Les moins pardonnables offenses.

Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples Mâtins,
Au dire de chacun, étoient de petits Saints.
L'Ane vint à son tour, et dit : J'ai souvenance
Qu'en un pré de Moines passant,

La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et je pense,
Quelque diable aussi me poussant,

Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avois nul droit, puisqu'il faut parler net.
A ces mots on cria haro sur le Baudet.

Un Loup, quelque peu Clerc, prouva par sa harangue,
Qu'il falloit dévouer ce maudit animal,

Ce pelé, ce galeux, d'où venoit tout le mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui! Quel crime abominable!
Rien que la mort n'étoit capable

D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.

Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les Jugemens de Cour vous rendront blanc ou noir.

(Depuis La Fontaine ). ITAL. Luig. Grillo, fav. 100.

A a

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