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surtout n'attache-t-on pas un blâme, une honte, une tache, à l'infraction des conventions ainsi faites? Pourquoi, loin de l'applaudir, ne siffle-t-on pas outrageusement le braconnier qui se vante de ses prouesses? Pourquoi n'ajoute-t-on pas une flétrissure morale à la condamnation portée contre lui par les tribunaux? et pourquoi n'inflige-t-on pas cette flétrissure aux simples habitudes du braconnage, échappât-il toujours à la vindicte de la loi, et surtout s'il est exercé, comme trop souvent, par des gens vivant dans l'aisance, qui n'ont pas l'excuse de la misère et de la faim? Pourquoi, finalement, dans les choses de la chasse, ne connaît-on pas le droit et le devoir? Demander aux chasseurs qu'ils soient raisonnables et qu'ils soient honnêtes, est-ce trop leur demander?

A vous.

DANS LES HIGHLANDS DE L'ÉCOSSE.

(1858)

Voici l'un des vingt mille proverbes de l'Espagne : « Si tout le monde te dit que tu es un âne, brais. Tout le monde m'avait dit qu'en voyant les Lowlands (Basses-Terres), dès longtemps envahies, conquises par la civilisation et les mœurs de l'Angleterre, je n'avais pas vu la véritable Écosse; qu'il fallait, pour la trouver comme elle fut, comme elle sera longtemps encore, monter dans les Highlands (Hautes-Terres); que là seulement l'homme et la nature ont échappé à la conquête anglaise et se montrent encore l'un et l'autre dans leur forme primitive, dans leur liberté séculaire, dans leur rude et sauvage beauté. Alors je me suis mis à braire, c'est-à-dire à croire tout le monde sur parole, et à souhaiter ardemment de suivre le conseil unanime qui m'était donné. Maintenant il m'est permis de dire comme Athalie « J'ai voulu voir, j'ai vu. »

Une aimable invitation de séjour et de chasse, dans un château des montagnes de l'InvernessShire, me donnait l'occasion désirée. Parti d'entre Seine-et-Marne, j'ai traversé rapidement la Somme, la Manche, la Tamise, la Trent, la Tyne et la Tweed, enfin, dont les bords me sont à présent si connus, et que je salue à chaque retour comme la frontière d'une seconde patrie. J'ai revu la vieille ville de Berwick, qui a gardé quelques pans de ses murs et de ses tours pour attester combien de fois elle fut attaquée, défendue, prise et reprise au temps des guerres continuelles entre l'Angleterre et l'Écosse, aujourd'hui sœurs, mieux encore, amies inséparables, et seulement émules dans les lettres, l'industrie, l'agriculture, comme dans les voyages et les combats. J'ai revu les bons et chers amis de D.-Castle; puis l'Athènes du Royaume-Uni, la belle et savante Édimbourg. Mais ailleurs, déjà, j'ai consacré aux amis un souvenir d'affectueuse reconnaissance, à la splendide capitale un souvenir d'admiration. C'est, après Édimbourg, après ses fertiles campagnes, qui doivent leur richesse moins à la nature qu'à la science très-avancée de l'agriculteur, que j'entrais enfin dans un pays nouveau pour moi.

Montant toujours droit au nord, j'ai traversé Stirling, dont le vieux château, dressé sur un roc, est si plein des souvenirs de l'histoire écossaise; puis la jolie ville de Perth, qu'a illustrée dans le monde

entier, sous un titre presque semblable, l'un des plus intéressants ouvrages du grand romancier d'Abbotsford; puis, à Dunkeld, s'est ouvert le dernier wagon du dernier rail-way. Là est le finis terræ des chemins de fer, du moins dans l'intérieur du pays, car ils étendent encore leurs longs bras autour de l'Écosse, sur les rivages des deux mers. Au delà de Dunkeld, en effet, la nature défie l'homme; elle lui dit, comme à l'Océan le doigt de Jéhova: «Tu n'iras pas plus loin. » C'est qu'au delà de Dunkeld, où les Highlands commencent, l'homme devient trop rare, trop disséminé, trop faible enfin dans son isolement, pour entreprendre ces luttes gigantesques avec la nature qui lui font percer les Alpes, ou jeter un tunnel sur un bras de mer, comme un pont, par dessus les mâts des vaisseaux. On retrouve avec surprise, pour continuer le voyage, une espèce de curiosité archéologique, l'ancienne diligence anglaise, avec ses vingt places d'impériale découverte, que se disputent les gentlemen, et même les noblemen, groupés autour d'une montagne de bagages, avec ses quatre places d'intérieur, qu'on abandonne aux ouvriers, aux domestiques et souvent aux chiens. L'on retrouve du même coup le sabot pour la descente, le trot à la montée, le galop dans le plat chemin, et le dîner d'auberge à table d'hôte. On est enfin rajeuni de trente ans.

Mais il est juste de s'arrêter un moment à Dun

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