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d'innamorati et de fox-hunters; puis.... - Qu'on avait forcé la bête, sans doute? - Pardon; le dénoûment est bien moins banal et bien plus heureux. Après avoir promené tout le jour à sa queue tant de bêtes et tant de gens, le renard avait fini par dépister la meute, échappant ainsi à cette mort cruelle et presque inévitable dont le menaçaient plus de quarante mâchoires acharnées. C'était là le plus beau triomphe des chasseurs, d'avoir couru beaucoup sans rien prendre; car, chez nos voisins d'outre-mer, le renard est une marchandise aussi rare que précieuse; on en conserve la race avec autant de soin que nous en mettons chez nous à la détruire. Quelle bonne fortune donc de pouvoir dire, après quatre ou cinq heures de course échevelée : « Bon! ce renard pourra servir une autre fois! »

UN BADINAGE PRÈS DE MEXICO.

Dans tous mes récits de chasses faites à l'étranger, de Cadix à Saint-Pétersbourg en passant par Londres, Vienne et Berlin, j'ai toujours choisi de préférence, non pas les meilleures chasses, mais les plus originales, les plus particulières aux pays que j'ai visités, et partant les plus inconnues dans le nôtre. D'une autre part, j'ai tâché, chemin faisant, d'assaisonner ces récits de quelques innocentes malices sur les lieux, les choses et les hommes, de façon que l'on ne sentît pas uniquement, dans ce long trajet, l'odeur d'une traînée de poudre et de sang, et qu'il m'eût été permis de donner pour second titre au livre : Etudes de mœurs. Ces deux motifs n'ont également empêché de raconter des chasses en France; car, chasseur ou moraliste, que pouvais-je apprendre à mes lecteurs? Et d'ailleurs, depuis le roi Phœbus et le

1. Gaston de Foix III, mort en 1391. Son livre est intitulé : Phœbus des déduiz de la chasse des bêtes sauvaiges et des

vénérable Jacques du Fouilloux, veneur de Charles IX, jusqu'à MM. Elzéar Blaze, Deyeux, Lavallée, jusqu'à mon excellent et spirituel ami Adolphe d'Houdetot, assez d'autres, mieux que je ne l'eusse fait, ont décrit nos chasses françaises. Donc je me récuse et m'abstiens.

Cependant, et sans sortir de France, on peut entendre conter des chasses faites en d'autres pays, et l'on peut les redire à son tour. Ceci rentre dans ma spécialité, mot affreux, mais utile, et je vais user du droit qu'il me donne.

Un jour des derniers du mois d'août, j'avais été emmené par un camarade qui allait, avec d'autres, braconner sur les étangs de Saclé, entre Palaiseau et Versailles. Je ne dis pas chasser, quoiqu'ils fussent nantis de permissions en règle et parfaitement à l'abri des procès-verbaux, parce que, sous prétexte de tirer des halbrans qui étaient déjà partis et des bécassines qui n'étaient point encore venues, nous avions, en rôdant sur les bords des étangs, assassiné quelques perdreaux avant l'ouverture officielle de la chasse. Parmi mes trois compagnons, l'un était Parisien pur sang, et ses plus lointaines excursions ne l'avaient jamais conduit au delà de la Somme ou de la

oyseaux de proye. On croit que du style emphatique ou plutôt amphigourique de ce livre étrange est venue l'expression faire du Phœbus.

Loire crédule à l'avenant. Les deux autres étaient sortis de France, celui-ci pour faire son tour de Suisse et d'Italie, celui-là pour passer les mers, ce qui le rendait bien autrement respectable aux yeux du fils de Paris. Le marin était long, roide, maigre, d'une pâleur livide et d'un calme plat, enfin ressemblant de tout point au saint suaire; tandis que l'autre voyageur, gros, gras, court, trapu, joufflu et ventru, eût représenté Falstaff au naturel. Les voilà donc désignés sans avoir besoin de leurs noms propres.

Sur le coup de midi, fatigués de la marche et du soleil, mes trois gars s'étaient mis à l'ombre de la haute chaussée des étangs, autour d'un pâté flanqué de quelques bouteilles. Je vins les rejoindre, en sifflant mon chien, qui rapportait un perdreau ramassé dans la vase. Tandis que je lui essuyais les yeux et le museau avec ses longues oreilles (pour un chien

L'oreille est un torchon donné par la nature),

le touriste Falstaff commença les plus touchantes lamentations sur l'abomination de la désolation, non dans Sion, mais dans le pays où nous chassions. « Voyez un peu ! disait-il avec amertume, en étendant les bras vers la nappe d'eau que le soleil frappait de ses rayons caniculaires pour gagner quatre sous, cette ladre de liste civile a mis en

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