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EXAMEN

DES

POEMES CONTENUS

EN CETTE SECONDE PARTIE.

EXAMEN

DES

POEMES CONTENUS

EN CETTE SECONDE PARTIE.

LE CID.

E Poëme a tant d'avantages du coflé du Sujet, & des penfées brillantes dont il eft femé, que la plupart de fes Auditeurs n'ont pas voulu voir les defauts de fa conduite, & ont laiffé enlever leurs fuffrages au plaifir que leur a donné fa reprefentation. Bien que ce foit celuy de tous mes Ouvrages Réguliers où je me fuis permis le plus de licence, il paffe encor pour le plus beau auprès de ceux qui ne s'attachent pas à

la derniére févérité des Régles, & depuis cinquante ans qu'il tient la place fur nos Théatres, l'Histoire, ny l'effort de l'imagination n'y ont rien fait voir qui en aye effacé l'éclat. Auffi a-t'il les deux grandes conditions que demande Aristote aux Tragédies parfaites, & dont l'affemblage fe rencontre fi rarement chez les Anciens ny chez les Modernes. Il les affemble mefme plus fortement, & plus noblement que les espéces que pofe ce Philofophe. Une Maitreffe que fon devoir force à pourfuivre la mort de fon Amant, qu'elle tremble d'obtenir, a les paffions plus vives & plus allumées, que tout ce qui peut fe paffer entre un mary & fa femme, une mére & fon fils, un frère & fa fœur ; & la haute vertu dans un naturel fenfible à ces paffions, qu'elle dompte fans les affoiblir, & à qui elle laiffe toute leur force pour en triompher plus glorieufement, a quelque chofe de plus touchant, de plus élevé, & de plus aimable, que cette médiocre bonté, capable d'une foibleffe & mefme d'un crime, où nos Anciens étoient contraints d'arréter le caractére le plus parfait des Rois & des Princes dont ils faifoient leurs Héros, afin que ces taches & ces forfaits défigurant ce qu'ils leur laiffoient de vertu, s'accommodaft au gouft & aux fouhaits de leurs Spectateurs, & fortifiaft l'horreur qu'ils avoient conçeuë de leur domination, & de la Monarchie.

Rodrigue fuit icy fon devoir fans rien relafcher

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