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SORCELLERI E.

OPERATION magique, honteuse ou ridicule, attribuée

stupidement par la superstition à l'invocation et au pouvoir des démons.

On n'entendit jamais parler de sortiléges et de maléfices que dans les pays et les temps d'ignorance. C'est pour cela que la sorcellerie régnoit si fort parmi nous dans les treizième et quatorzième siècles. Les enfans de Philippele-Bel, dit M. de Voltaire, firent alors entre eux une association par écrit, et se promirent un secours mutuel contre ceux qui voudroient les faire périr par le moyen de la sorcellerie. On brûla, par arrêt du parlement, une sorcière qui avoit fabriqué avec le diable un acte en faveur de Robert d'Artois. La maladie de Charles VI fut attribuée à un sortilège, et on fit venir un magicien pour le guérir.

On vit à Londres la duchesse de Glocester, accusée d'avoir attenté à la vie d'Henri VI par des sortiléges. Une malheureuse devineresse et un prêtre imbécille ou scélérat, qui se disoit sorcier, furent brûlés vifs pour cette prétendue conspiration. La duchesse fut heureuse de n'être condamnée qu'à faire une amende honorable en chemise, et à une prison perpétuelle. L'esprit de lumière et de philosophie, qui a établi depuis son empire dans cette île florissante, en étoit alors bien éloigné.

La démence des sortilèges fit de nouveaux progrès en France sous Catherine de Médicis ; c'étoit un des fruits de sa patrie transplantés dans ce royaume. On a cette fameuse médaille où cette reine est représentée toute nue entre les constellations d'Aries et Taurus, le nom d'Ebullée Asmodée sur sa tête, ayant un dard dans une main, un cœur dans l'autre, et, dans l'exergue, le nom d'Oxiel. On fit subir la question à Côme Ruggieri, Florentin, accusé d'avoir attenté par des sortilèges à la vie de Charles IX. En 1606, quantité de sorciers furent condamnés dans le ressort du parlement de Bordeaux. Le fameux curé, Gaufrédi, brûlé à Aix en 1611, avoit avoué qu'il étoit sorcier, et les juges l'avoient cru.

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Enfin, ce ne fut qu'à la raison naissante, vers la fin du dix-septième siècle, qu'on dut la déclaration de Louis XIV, qui défendit, en 1672, à tous les tribunaux de son royaume d'admettre les simples accusations de sorcellerie ; et, si depuis il y a eu de temps en temps quelques accusations de maléfices, les juges n'ont condamné les accusés que comme des profanateurs, ou quand il est arrivé que ces gens-là avoient employé le poison.

On demandoit à la Peyrère, auteur des Préadamites, pourquoi l'on parloit tant de sorciers qu'on supplicioit; c'est, disoit-il, parce que le bien de tous ces prétendus sorciers que l'on fait mourir est en partie confisqué au profit des juges.

Personne n'ignore l'histoire de l'esclave affranchi de l'ancienne Rome, qu'on accusoit d'être sorcier, et qui, par cette raison, fut appelé en justice pour y être condamné par le peuple romain. La fertilité d'un petit champ que son maître lui avoit laissé, et qu'il cultivoit avec soin, avoit attiré sur lui l'envie de ses voisins. Sûr de son innocence, sans être alarmé de la citation de l'édile curule qui l'avoit ajourné à l'assemblée du peuple, il s'y présenta accompagné de sa fille; c'étoit une grosse paysanne bien nourrie et bien vêtue : il conduisit à l'assemblée ses bœufs gros et gras, une charrue bien équipée et bien entretenue, et tous ses instrumens de labour en fort bon état. Alors se tournant vers ses juges: Romains, dit-il, voilà mes sortiléges. Les suffrages ne furent point partagés : il fut absous d'une commune voix, et fut vengé de ses ennemis par les éloges qu'il reçut.

(M. de JAUCOURT.)

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SORCIERS ET SORCIÈRES.*.

HOMMES

OMMES et femmes qu'on prétend s'être livrés au démon, et avoir fait un pacte avec lui pour opérer par son secours des prodiges et des maléfices.

Les payens ont reconnu qu'il y avoit des magiciens ou enchanteurs malfaisans, qui, par leur commerce avec les mauvais génies, ne se proposoient que de nuire aux hommes; et les Grecs leur donnoient des noms différens suivant les divers genres de maléfices auxquels ils se livroient. Ils distinguoient l'enchanteur du devin, et celui qui se servoit de poisons de celui qui trompoit les yeux par des prestiges.

Les anciens ne paroissent pas avoir révoqué en doute l'existence des sorciers, ni regardé leurs maléfices comme de simples prestiges. Si l'on ne consultoit que les poètes, on admettroit sans examen cette multitude d'enchantemens opérés par les Circé, les Médée, et autres semblables prodiges, par lesquels ils ont prétendu répandre du merveilleux dans leurs ouvrages; mais il paroît difficile de récuser le témoignage de plusieurs historiens d'ailleurs véridiques, de Tacite, de Suétone, d'Ammien Marcellin, qu'on n'accusera pas d'avoir adopté aveuglément et faute de bon sens ce qu'ils racontent des opérations magiques.. D'ailleurs pourquoi tant de lois sévères de la part du sénat et des empereurs contre les magiciens, si ce n'eussent été que des imposteurs et des charlatans, propres, tout au plus, à duper la multitude, mais incapables de causer aucun mal réel et physique ?

Si des fausses religions nous passons à la véritable, nous trouverons qu'elle établit solidement l'existence des sorciers ou magiciens, soit par des faits incontestables, soit par les règles de conduite qu'elle prescrit à ses sectateurs. Les magiciens de Pharaon opérèrent des prodiges qu'on

n'attribuera jamais aux seules forces de la nature, et qui n'étoient pas non plus l'effet de la divinité, puisqu'ils avoient pour but d'en combattre les miracles. Je n'ignore pas que ces prodiges sont réduits par quelques modernes au rang des prestiges; mais, outre que ce n'est pas le sentiment le plus suivi, conçoit-on bien clairement qu'il soit du ressort de la nature de fasciner les yeux de tout un peuple, de le tromper long-temps par de simples apparences, de lui faire croire que des spectres d'air ou de fumée sont des animaux et des reptiles qui se meuvent ? Si ce n'eussent été que des tours de charlatan, qui eût empêché Moïse, si instruit de la science des Egyptiens, d'en découvrir l'artifice à Pharaon, à sa cour, à son peuple, et, en les détrompant ainsi, de confirmer ses propres miracles? Pourquoi eût-il été obligé de recourir à de plus grandes merveilles que celles qu'il avoit opérées jusque-là, et que les magiciens ne purent enfin imiter? Prestiges pour prestiges, la production des moucherons fantastiques ne leur eût pas dû coûter davantage que celle des serpens ou des grenouilles imaginaires. Dans le livre de Job, Satan demande à Dieu que ce saint homme soit frappé dans tous ses biens; et Dieu les lui livre, en lui défendant seulement d'attenter à sa vie ; ses troupeaux sont enlevés, ses enfans ensévelis sous les ruines d'une maison; lui-même enfin se trouve couvert d'ulcères depuis la plante des pieds jusqu'au sommet de la tête. L'histoire de l'évocation de l'ombre de Samuel faite par la Pythonisse, et rapportée au vingt-huitième chapitre du second livre des Rois; ce que l'Écriture dit ailleurs des faux prophètes d'Achab, et de l'oracle de Eéelzébuth à Acaron; tous ces traits réunis prouvent qu'il y avoit des magiciens et des sorciers, c'est-à-dire des hommes qui avoient commerce avec les démons.

On n'infère pas moins clairement la même vérité des ordres réitérés que Dieu donne contre les magiciens et 'contre ceux qui les consultent : vous ferez mourir, dit-il, ceux qui font des maléfices. Même arrêt de mort contre ceux qui consultoient les magiciens et les devins. Qu'il n'y ait personne parmi vous, dit-il encore à son peuple, qui

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fasse des maléfices, qui soit enchanteur, ou qui consulte ceux qui ont des pythons ou esprits, et les devins, ou qui interroge les morts sur des choses cachées: précautions et sévérités qui eussent été injustes et ridicules contre de simples charlatans, et qui supposent nécessairement un commerce réel entre certains hommes et les démons.

La loi nouvelle n'est pas moins précise sur ce point que l'ancienne; tant d'énergumènes guéris par Jésus-Christ et ses apôtres, Simon et Elymas, tous deux magiciens, la Pythie dont il est parlé dans les Actes des Apôtres, enfin tant de faits relatifs à la magie, attestés par les pères ou par les écrivains ecclésiastiques les plus respectables, les décisions des conciles, les ordonnances de nos rois, et entre autres de Charles VIII en 1490, de Charles IX en 1560, et de Louis XIV en 1682. Les jurisconsultes et les théologiens s'accordent aussi à admettre l'existence des sorciers; et, sans citer sur ce point nos théologiens, nous nous contenterons de remarquer que les hommes les plus célèbres que l'Angleterre ait produits depuis un siècle c'est-à-dire MM. Barrov, Tillotson, Stillingfléet, Jenkin, Prideaux, Clarke, Loke, Vossius, etc., ce dernier surtout, remarquent que ceux qui ne sauroient se persuader que les esprits entretiennent aucun commerce avec les hommes, ou n'ont lu les saintes Écritures que fort négligemment, ou, quoiqu'ils se déguisent, en méprisent l'autorité.

En effet, dans cette matière, tout dépend de ce point décisif Dès qu'on admet les faits énoncés dans les écritures, on admet aussi d'autres faits semblables qui arrivent de temps en temps, faits extraordinaires, surnaturels, mais dont le surnaturel est accompagné de caractères qui dénotent que Dieu n'en est pas l'auteur, et qu'ils arrivent par l'intervention du démon. Mais comme, après une pareille autorité, il seroit insensé de ne pas croire que quelquefois les démons entretiennent avec les hommes de ces commerces qu'on nomme magie, il seroit imprudent de se livrer à une imagination vive et tout à la fois foible, qui ne voit par-tout que maléfices, que lutins, que fantômes et que sorciers. Ajouter foi trop légèrement à tout ce qu'on

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