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>> conçoit dans son sein obscur la pierre précieuse et trans» parente; le vif diamant s'abreuve de tes plus purs >> rayons, lumière rassemblée, compacte, dont l'éclat »ose ensuite le disputer aux yeux de la beauté dont elle » pare le sein: de toi, le rubis reçoit sa couleur foncée; » de toi, le solide saphir prend l'azur qui le décore; par » toi, l'améthyste se revêt d'ondes pourprées; le topaze » brûle du feu de tes regards; la robe du printemps, » agitée par le vent du sud, n'égale pas la verte éméraude » dont tu nous caches l'origine; mais tous tes rayons com>> binés et épais jouent à travers l'opale blanche, et plu»sieurs s'échappant de sa surface forment une lumière >> vacillante de couleurs répétées que le moindre mouve>>ment fait jaillir à l'œil du spectateur.

» La création inanimée semble recevoir, par ton in>>fluence, le sentiment et la vie : par toi, le ruisseau trans>> parent joue avec éclat sur la prairie; la fougueuse cata>>racte, qui répand l'horreur sur le fleuve bouillonnant, » s'adoucit à ton retour; le désert même et ses routes mé» lancoliques semblent s'égayer; les ruines informes réflé>> chissent ton éclat; et l'abîme salé, apercu du sommet » de quelque promontoire, s'agite et renvoie une lumière >> flottante dans toute la vaste étendue de l'horison. Mais » tout ce que mon esprit transporté pourroit peindre, » l'éclat même de la nature entière, détaillée ou réunie, » n'est rien en comparaison de ta propre beauté; source » féconde de la lumière, de la vie des graces et de la joie » d'ici bas, sans ton émanation divine, tout seroit enséveli » dans la plus triste obscurité. »

(M. de JA UCOURT.)

O

SOLILOQUE.

N appelle soliloque un raisonnement ou un discours que quelqu'un se fait à lui-même.

Papias dit que soliloque est proprement un discours en forme de réponse à une question qu'un homme s'est faite à lui-même.

Les soliloques sont devenus bien communs sur le théâtre moderne: il n'y a rien cependant de si contraire à l'art et à la nature, que d'introduire sur la scène un acteur qui se fait de longs discours pour communiquer ses pensées, ses projets, etc., à ceux qui l'entendent.

Lorsque ces sortes de découvertes sont nécessaires, le poète devroit avoir soin de donner à ses acteurs des confidens à qui ils pussent, quand il le faut, découvrir leurs pensées les plus secrètes; par ce moyen, les spectateurs en seroient instruits d'une manière bien plus naturelle; encore est-ce une ressource dont un poète devroit éviter d'avoir besoin.

L'usage et l'abus des soliloques sont bien détaillés par le duc de Buckingham dans le passage suivant : « Les solilo»ques, dit-il, doivent être rares, extrêmement courts, >> et même ne doivent être employés que dans la passion. » Nos amans, parlant à eux-mêmes, faute d'autres, pren» nent les murailles pour confidens. Cette faute ne seroit » pas encore réparée, quand même ils se confieroient à » leurs amis pour nous dire leurs secrets. »

Nous n'employons en France que le terme de monologue pour exprimer les discours ou les scènes dans lesquelles un acteur s'entretient avec lui-même, le mot de soliloque étant particulièrement consacré à la théologie mystique et affective. Ainsi nous disons, les soliloques de saint Augustin: ce sont des méditations pieuses.

(ANONYME)

CELUI

SOLITAIRE.

ELUI qui vit seul, séparé du commerce, et de la société des autres hommes, qu'il croit dangereuse.

Je suis bien éloigné de vouloir jeter le moindre ridicule sur les religieux, les solitaires, les chartreux; je sais trop que la vie retirée est plus innocenté que celle du grand monde; mais, outre que, dans les premiers siècles de l'église, la persécution faisoit plus de fugitifs que de vrais solitaires, il me semble que, dans nos siècles tranquilles, la véritable vertu est celle qui marche d'un pas ferme à travers les obstacles, et non pas celle qui se sauve en fuyant. De quel mérite est cette sagesse d'une complexion foible, qui ne peut soutenir le grand air, ni vivre parmi les hommes sans contracter la contagion de leurs vices et qui craint de quitter une solitude oisive pour échapper à la corruption? L'honneur et la probité sont-ils d'une étoffe si légère qu'on ne puisse y toucher sans l'endommager? Il faut, en veillant à la pureté de l'ame, ne point altérer ou diminuer sa véritable grandeur, qui se montre dans les traverses et l'agitation du commerce du monde. Un solitaire est à l'égard du reste des hommes comme un être inanimé : ses prières et sa vie contemplative, que personne ne voit, ne sont d'aucune influence pour la société, qui a plus besoin d'exemples de vertus sous ses yeux que dans les forêts.

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(M. de JAUCOURT.)

SOLITUDE.

L'HOMME
'HOMME qui s'aime trop et les gens du grand monde
craignent de se trouver seuls : leur conscience et les pré-
jugés les tyrannisent tour-à-tour; il faut que le fracas
et le tumulte du monde les étourdissent sur leurs propres
sentimens. Mais la solitude est pour le sage la source des
plaisirs les plus vifs: c'est là que, délivré du trouble
et de l'agitation qu'on trouve dans le tumulte et la dis-
sipation, il jouit de lui-même, il goûte la félicité su-
prême, la satisfaction de sentir et de penser.

la mer,

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Les hommes, dit l'empereur Marc-Aurèle, souhaitent des lieux de retraite, à la campagne, sur le rivage de sur les montagnes; cela n'est pardonnable qu'aux ignorans. A toute heure n'est-il pas en ton pouvoir de te retirer au dedans de toi? L'homme n'a nulle part de retraite plus tranquille, ni où il soit avec plus de liberté que dans sa propre ame, sur-tout s'il a au dedans de lui de ces choses précieuses qu'on n'a qu'à regarder pour être dans une parfaite tranquillité; j'appelle tranquillité le bon ordre et la bonne disposition de l'ame. Retiretoi donc souvent dans une si délicieuse retraite, prends-y de nouvelles forces, et tâche de t'y rendre un homme nouveau. Ayes-y toujours sous ta main certaines maximes courtes et principales, qui se présentant à toi, suffiront à dissiper tous tes chagrins, et à te renvoyer en état de ne te fâcher d'aucune des choses que tu vas trouver dans le monde. Car, de quoi te fâcherois-tu? De la malice des hommes ? Souviens-toi que c'est toujours malgré eux qu'ils pèchent, et c'est une partie de la justice que de les supporter. Parmi les vérités et les maximes que tu dois avoir devant les yeux, il ne faut pas oublier ces deux-ci : la première, que les choses ne touchant point d'elles-mêmes notre ame, elles demeurent dehors fort tranquilles ; et le trouble qui nous saisit ne vient que du jugement que nous en portons : Pautre, que tout ce que tu vois va changer dans un

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moment, et que le monde n'est que changement, et la
vie qu'opinion.

Des mortels j'ai vu les chimères;
Sur leurs fortunes mensongères
J'ai vu régner la folle erreur;;
J'ai vu mille peines cruelles
Sous un vain masque de bonheur;
Mille petitesses réelles

Sous une écorce de grandeur,
Mille lâchetés infidelles
Sous un coloris de candeur.
Et j'ai dit au fond de mon cœur:
Heureux qui, dans la paix secrète
D'une libre et sûre retraite,
Vit ignoré, content de peu,
Et qui ne se voit pas sans cesse
Jouet de l'aveugle déesse,

Ou dupe de l'aveugle dieu !

GRESSET.

La religion chrétienne n'ordonne pas de se retirer absolument de la société pour servir Dieu dans l'horreur d'une solitude, parce que le chrétien peut se faire une solitude intérieure au milieu de la multitude, et parce que JésusChrist a dit : Que votre lumière luise devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes cuvres et qu'ils glorifient votre père qui est aux cieux. L'apreté des règles s'applanit par l'accoutumance, et l'imagination de ceux qui croient par dévotion devoir s'y soumettre est plus atrabilaire, plus maladive, qu'elle n'est raisonnable et éclairée. C'est une folie de vouloir tirer gloire de sa cachette. Mais il est à propos de se livrer quelquefois à la solitude, et cette retraite a de grands avantages; elle calme l'esprit, elle assure l'innocence, elle appaise les passions tumultueuses le désordre du monde a fait naître : C'est l'infirmerie des ames, disoit un homme d'esprit.

que

L'état de solitude est opposé à celui de la société. Cet état est celui où l'on conçoit que se trouveroit l'homme s'il vivoit absolument seul, abandonné à lui-même et destitué de tout commerce avec ses semblables. Un tel homme seroit sans doute bien misérable, et se trouveroit sans cesse

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