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» de la mort, ils se déshonorent, ils se démentent, ils >>> meurent tous comme les autres. » Sainthibal pouvoit ajouter qu'ordinairement ils passent jusqu'aux minuties de la superstition. L'exemple de Tullus Hostilius est admirable sur ce sujet. Une longue maladie terrassa tellement ce prince, qu'il passa de l'esprit fort à l'esprit superstitieux et propagateur des superstitions.

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On n'a presque jamais vu qu'un homme grave, éloigné des voluptés et des vanités de la terre, se soit amusé à dogmatiser tout haut pour l'impiété, encore qu'une longue? suite de méditations profondes, mais mal conduites, l'eût précipité dans la réjection intérieure de toute religion. Bien loin qu'un tel homme voulût ôter de l'esprit des jeunes gens les doctrines qui les peuvent préserver de la débauche:: bien loin qu'il voulût inspirer ses opinions à ceux qui en pourroient abuser, ou à qui elles pourroient faire perdre les consolations que l'espérance d'une éternité heureuse leur fait sentir, il les fortifieroit là dessus par un esprit de charité et de générosité. Il garde ses sentimens, ou pour lui seul, ou pour des personnes qu'il suppose très-capables de n'en faire pas un mauvais usage. Voilà ce que font les athées de systême, ceux que la débauche et l'esprit hâbleur n'ont point gâtés. Le malheur d'avoir été frappés d'un certain principe, et de l'avoir suivi avec trop de gradation de conséquences, les a menés à une espèce de persuasion. La grace de Dieu peut les éclairer àla vue de la mort : mais sans cela ils persistent dans leur indolence au milieu des maladies et des tempêtes; et s'ils se conforment aux cérémonies mortuaires de l'église, c'est pour épargner à leurs parens les suites fâcheuses de la réjection du rituel.

Ces réflexions me portent à croire que la première classe d'incrédules dont j'ai parlé, ces athées prétendus qui parlent si haut, ne sont point intérieurement persuadés de ce qu'ils disent. Ils n'ont guère examiné; ils ont appris quelques objections; ils en étourdissent le monde; ils parlent par un principe de fanfaronnerie, et ils se démentent dans le péril. Le célèbre Desbarreaux étoit un athée de cette classe. En santé, c'étoit un homme d'un libertinage outré malade, il faisoit des sonnets dévots. C'est ce que M. Boursaut lui reprocha dans une lettre, dont la suscription

étoit

étoit conçue en ces termes : A M. Desbarreaux, qui ne croit en Dieu que lorsqu'il est malade. M. Boursaut, en lui envoyant cette lettre, y joignit la fable du faucon malade, qui prie sa mère d'intercéder pour lui auprès des dieux. La fable se termine par ce trait de morale, que s'il y a quelque chose de plus extravagant que de ne pas croire en Dieu, c'est d'avoir la foiblesse de l'invoquer sans y croire. On suppose que ce fut la reponse de la mère du faucon. Boursaut a raison de dire que c'est une extravagance outrée d'adresser des prières à une divinité qu'on ne croit pas mais il a tort d'imputer cette folie à Desbarreaux. Saint Paul semble supposer qu'une telle bizarrerie ne se trouve point parmi les hommes: comment invoqueroient-ils, dit l'apôtre, celui auquel ils n'ont pas cru? Qu'on se rappelle les principes que j'ai établis ci-dessus. Il arrive tous les jours, je le répète, que ceux qui n'ont rien déterminé positivement, ni sur l'existence, ni sur la non existence de Dieu, lui font des vœux et des prières à la vue d'un grand péril. Tel est l'état de presque tous les incrédules. Ils ne connoissent pas clairement l'existence d'une divinité mais aussi ils ne connoissent pas clairement é;: qu'elle n'existe point. Il est naturel que de telles gens, aux approches de la mort, prennent le parti le plus sage, et que, pour plus grande sûreté, ils se recommandent à la grace et à la miséricorde divine. Ils espèrent quelque chose de leurs prières, en cas qu'il y ait un être qui les entende, qui les puisse exaucer: ils n'ont rien à craindre en cas que cet être n'existe pas. Mais si quelqu'un étoit parvenu à un tel degré de mécréance, qu'il se fût ferme ment persuadé le pur athéisme, et qu'il demeurât dans cette persuasion pendant qu'il seroit malade dangereusement, je ne conçois pas qu'il soit possible qu'il invoquât Dieu au fond de son cœur. N'allons donc pas nous imaginer que Desbarreaux tomba dans l'extravagance qu'on lui impute, d'invoquer Dieu sans croire qu'il y eût un Dieu : disons plutôt que sa coutume de l'invoquer dans ses maladies est une marque, ou qu'au temps de sa santé il ne doutoit point de l'existence de Dieu, ou que tout au plus il mettoit cela en problême, mais en problême dont il embrassoit l'affirmative quand il craignoit de mourir. Tome X.

C

L'inclination à la volupté lui faisoit reprendre son premier train, son premier langage, lorsque sa santé étoit revenue. Cela ne prouve point qu'en effet il fût athée : cela prouve seulement, ou qu'il rejetoit presque tous les dogmes particuliers des religions positives, ou que par un principe d'orgueil il craignoit qu'on ne le raillât d'être déchu de sa qualité d'esprit fort, s'il ne continuoit pas à parler en libertin.

(ANALYSE DE BAYLE.)

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Telle est, dit Voltaire, la foiblesse du genre humain, et telle est sa perversité, qu'il vaut mieux sans doute pour lui d'être subjugué par toutes les superstitions possibles, pourvu qu'elles ne soient point meurtrières, que de vivre' sans religion. L'homme a toujours eu besoin d'un frein et, quoiqu'il fût ridicule de sacrifier aux Sylvains, aux Naïades, il étoit bien plus utile d'adorer ces images fantastiques de la divinité, que de se livrer à l'athéisme. Tout état qui n'a pas pour base l'amour de la religion et le respect pour la divinité, doit se détruire par la corruption des mœurs et tous les vices qui en sont la suite.

REPROCHE

REMORDS.

EPROCHE secret de la conscience; il est impossible de l'éteindre lorsqu'on l'a mérité, parce que nous ne pouvons nous en imposer au point de prendre le faux pour le vrai le laid pour le beau, le mauvais pour le bon. On n'étouffe point à volonté la lumière de la raison, ni par conséquent la voix de la conscience. Si l'homme étoit naturellement mauvais, il semble qu'il auroit le remords de la vertu, et non le remords du crime. Celui qui est tourmenté de remords ne peut vivre avec lui-même, il faut qu'il se fuie. C'est là peut-être la raison pour laquelle les méchans sont rarement tranquilles et sédentaires; ils ne restent en place que quand ils méditent le mal; ils errent après l'avoir commis. Que les brigands sont à plaindre! poursuivis par les lois, ils sont obligés de se cacher dans le fond des forêts où ils habitent aves le crime, la terreur et les remords. On n'échappe point au reproche de sa conscience.

(ANONYME.)

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RENOMMÉ E.

LA RENOMMÉE est l'estime éclatante qu'on a acquise dans l'opinion des hommes ; je parle ici de la bonne, et non de la mauvaise renommée, car cette dernière est toujours odieuse; mais l'amour pour la bonne renommée ne doit jamais être découragé, puisqu'il produit d'excellens effets, non seulement en ce qu'il détourne de tout ce qui est bas et indigne d'une ame élevée, mais encore en ce qu'il porte à des actions nobles et généreuses. Le principe en peut être fautif ou défectueux; l'excès en sera vicieux tant qu'on voudrą, mais les conséquences qui en résultent sont tellement utiles au genre humain, qu'il est absurde de le censurer, et de regarder cet amour d'une bonne renommée comme le foible d'une ame vaine et présomptueuse. C'est un des plus forts motifs qui puisse exciter les homines à se surpasser les uns les autres dans les arts et dans les sciences

qu'ils cultivent.

Quelques écrivains moralistes sont également trop rigides et peu judicieux quand ils discréditent ce principe que la nature semble avoir gravé dans le cœur comme un ressort capable de mettre en mouvement ses facultés cachées, et qui se déploie toujours avec force dans les ames vraiment généreuses. Les plus grands hommes, chez les Romains, étoient tous animés de ce beau principe. Cicéron, dont le savoir et l'éloquence sont si connus, en étoit enflammé; et ce fut chez lui le mobile de tous les services qu'il rendit à sa patrie.

Je sais qu'il y a des hommes qui courent après la renommée, au lieu de la faire naître; mais le moyen d'y parvenir solidement, est de tenter une route nouvelle et glorieuse, ou bien de suivre cette même route si elle a déjà été pratiquée sans succès; ainsi, quand la poésie nous peint la renommée couverte d'ailes légères, ce sont là des symboles de la vaine renommée, et non pas de celle qui s'acquiert en faisant de grandes ou de belles choses.

Les poètes ont personnifié la renommée, et en ont fait une divinité qu'ils ont peinte à l'envi par les plus brillantes

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