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Rien de plus beau, de plus juste et de plus noble que cette similitude; mais elle est déplacée. «La tragédie admet >> les métaphores, dit Voltaire sur cet endroit même, mais » non pas les similitudes. Pourquoi ? Parce que la méta»phore, quand elle est naturelle, appartient à la passion; » les similitudes n'appartiennent qu'à l'esprit. »

En voici une autre pleine d'agrément, tirée du com→ mencement de la Chartreuse par Gresset, qui l'a placée plus à propos :

Vainement j'abjurois la rime;
L'haleine légère des vents
Emportoit mes foibles sermens:
Aminte, votre goût ranime
Mes accords et ma liberté ;
Entre Uranie et Therpsicore
Je reviens m'amuser encore
Au Pinde que j'avois quitté.
Tel, par sa pente naturelle,
Par une erreur toujours nouvelle,
Quoiqu'il semble changer son cours,
Autour de la flamme infidelle

Le papillon revient toujours.

Les livres prophétiques et sapientiaux de l'Ecriture Sainte, dont le style est vraiment poétique, sont remplis de similitudes très-pittoresques.

«Que nous a servi l'orgueil? de quelle utilité nous a » été la vaine ostentation de nos richesses? Toutes ces >> choses ont passé comme l'ombre, comme un courier » qui se hâte, comme une barque qui traverse un cou»rant, dont, après le passage, on ne trouve aucun ves» tige, non plus que la trace de sa quille sur les flots; ou >> comme un oiseau qui traverse l'air, dont aucune marque n'indique la route, et dont on n'entend que le foible » bruit qu'il fait avec ses ailes pour s'ouvrir un passage » dans l'air ; il l'a traversé par le mouvement de ses ailes, » et on ne trouve ensuite aucune trace de sa route; ou » comme une flèche lancée vers son but; l'air qu'elle a >> divisé s'est aussitôt refermé sur elle, de manière qu'on » ne sait par où elle a passé. (Sap. v. 8-12.) >>

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»

C'est ainsi que la sagesse met dans la bouche des impies,
Tome X.

V

éclairés par la lumière du jour éternel, cinq similitudes consécutives, qui apprécient les faux biens dont l'illusion les avoit séduits.

L'usage de cette figure demande encore plus de discrétion que celui de la métaphore, et les orateurs se la permettent moins que les poètes; toutefois ils ne se l'interdisent pas entièrement, quoiqu'ils l'emploient avec plus de circonspection. En voici quelques exemples:

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Cicéron, plaidant pour Cluentius, dit : «Semblable à » nos corps s'ils n'avoient point d'ame, un état sans loi ne >> peut faire aucun usage des parties qui le composent, et qui en sont comme les nerfs, le sang et les membres. » Lemaître, dans son plaidoyer contre un ravisseur : « La » chasteté, dit-il, ressemble à la nianne du Vieux Testa>>ment; elle ne pouvoit être consumée par le feu, et se >> corrompoit néanmoins, lorsqu'un rayon du soleil l'avoit » échauffée ainsi la chasteté de l'esprit et du cœur ne » peut être exterminée par la violence qui dévore comme >> un feu, mais elle se corrompt par les rayons doux des >> artifices et des promesses. »

Dans l'oraison funèbre de la reine d'Angleterre, Bossuet peint ainsi la constance inébranlable de cette princesse : «Comme une colonne dont la masse solide paroît le plus » ferme appui d'un temple ruineux, lorsque ce grand » édifice qu'elle soutenoit fond sur elle sans l'abattre; >> ainsi la reine se montre le ferme soutien de l'état, Iors» qu'après en avoir long-temps porté le faix, elle n'est même courbée sous sa chute. >>

» pas

Un écrivain moderne, qui a osé mettre dans la balance de la philosophie les matières les plus graves, et dont elle devoit le moins juger, dit dans un endroit : «Rien ne pa>> roît grand sur la terre à qui la contemple d'un point » de vue élevé. Dans une forêt antique, c'est du pied des » cèdres où s'assied le voyageur, que leur faîte semble >> toucher aux cieux : du haut des airs où plane l'aigle, les >> hautes futaies rampent comme la bruyère, et n'offrent aux yeux du roi des airs qu'un tapis de verdure déployé » sur des plaines. Les homines, élevés aux premiers postes, » sont autour du souverain, comme ces nuages d'or qui >> assistent au coucher du soleil, et dont la splendeur

>>

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» s'obscurcit et disparoît à mesure que l'astre s'enfonce » sous l'horison. » Ces similitudes sont tout à la fois nobles, grandes, lumineuses et pleines d'énergie.

Les similitudes, inénagées avec art et choisies avec goût, font très-bien dans les sermons, discours destinés à instruire, à édifier, à toucher indistinctement les grands et les petits, les pauvres et les riches, les savans et les ignorans. Massillon peut en fournir bien des exemples. En voici un pris du sermon sur l'aumône :

«Les aumônes, qui ont presque toujours coulé en se» cret, arrivent bien plus pures dans le sein de Dieu, que » celles qui, exposées même malgré nous aux yeux des » hommes, ont été grossies et troublées sur leur course >> par les complaisances inévitables de l'amour -propre et >> par les louanges des spectateurs; semblables à ces fleuves » qui ont presque toujours coulé sous la terre, et qui por» tent dans le sein de la mer des eaux vives et pures; au » lieu que ceux qui ont traversé à découvert les plaines et >> les campagnes, n'y portent d'ordinaire que des eaux >> bourbeuses, et traînent toujours après eux les débris, » les cadavres, le limon qu'ils ont amassé sur leur route. >> Voici une autre similitude tout à la fois lumineuse et sublime, tirée du sermon sur la purification :

«La surprise la plus désespérante des pécheurs sera de » voir que, dans le temps même qu'ils croyoient vivre » sans joug et sans Dieu dans ce monde, ils étoient entre » les mains de sa sagesse, qui se servoit de leurs égare» mens mêmes pour l'accomplissement de ses desseins » éternels; qu'en croyant vivre pour eux seuls, ils » n'étoient, entre les mains de Dieu, que des instrumens >> utiles à la sanctification des justes...; en un mot, qu'ils » ont fait beaucoup de bruit dans l'univers, mais » c'étoit Dieu qui se glorifioit par eux, et qu'ils n'ont que » rien fait pour eux-mêmes; semblables au tonnerre qui » donne un grand spectacle à la terre, et fait sentir aux » hommes la grandeur et la puissance de Dieu, mais qui » n'est lui-même qu'un vain son, et ne laisse après lui que » l'infection de la matière dont il étoit le seul ouvrage. »

Le style épistolaire même ne rejette point les similitudes; mais alors il faut trouver comme sous la main les

objets de comparaison, et ne pas élever le ton plus que nele comporte le reste de la lettre. Dans les Lettres Péruviennes, Zilia apprécie ainsi les mœurs des Français: «< Leurs ver»tus, mon cher Aza, n'ont pas plus de réalité que leurs » richesses. Les meubles que je croyois d'or n'en ont que » la superficie; leur véritable substance est de bois; de » même ce qu'ils appellent politesse cache légèrement » leurs défauts sous les dehors de la vertu ; mais, avec un » peu d'attention, on en découvre aussi aisément l'artifice » que celui de leurs fausses richesses. >>

Tout homme sensible aux charmes de la poésie lira toujours avec le plus grand plaisir les similitudes d'Homère, qui sont des tableaux admirables des objets les plus frappans de la nature.

(M. BEAUZEE.)

SIMPLICITÉ.

SIMPLICITÉ, MODESTIE. La simplicité consiste à

montrer ce que l'on est, la modestie à le cacher.

La simplicité tient plus au caractère, la modestie à la réflexion.

La simplicité plaît sans y penser, la modestie cherche à plaire.

La simplicité n'est jamais fausse, la modestie peut l'être. Une vanité connue déplaît moins quand elle se montre avec simplicité', que quand elle cherche à se couvrir du voile de la modestie. (Voyez Modestie.)

ART ORATOIRE.

La simplicité dans l'élocution est une manière de s'exprimer, pure, facile, naturelle, sans ornement, et où l'art ne paroît point: c'est assurément le caractère de Térence. La simplicité d'expression n'ôte rien à la grandeur des pensées, et peut renfermer, sous un air négligé, des beautés vraiment précieuses.

Heureux qui se nourrit du lait de ses brebis,
Et qui de leur toison voit filer ses habits;

Qui ne sait d'autre mer que la Marne ou la Seine,

Et croit que tout finit où finit son domaine.

Voilà une peinture simple et charmante de la tranquillite champêtre, parce que c'est l'expression naïve des choses par leurs effets.

La simplicite'se trouve dans l'ode avec dignité.

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Cette stance de Malherbe, dans son ode à Louis XIII,

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