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LA SÉVÉRITÉ se trouve principalement dans la manière

de penser et de juger; elle condamne facilement et n'excuse pas. La rigueur se trouve particulièrement dans la manière de punir; elle n'adoucit pas la peine, et ne pardonne rien.

Les faux dévots n'ont de sévérité que pour autrui; prêts à tout blâmer, ils ne cessent de s'applaudir eux-mêmes. La rigueur ne paroît bonne que dans les occasions où l'exemple seroit de la plus grande conséquence: par-tout ailleurs on doit avoir beaucoup d'égard à la foiblesse humaine.

On est sévère par la manière de penser, et l'on peut l'être pour soi comme pour les autres.

Quelques casuistes affectent de se distinguer par une morale sévère; c'est une mode qu'on suivra jusqu'à ce que le goût en soit usé. La morale trop sévère peut, également comme la morale relâchée, nuire à la régularité des

mœurs.

Le relâchement et la sévérité sont deux extrêmes, dans l'un desquels on donne presque toujours; peu de personnes savent distinguer le juste milieu, qui consiste dans une connoissance exacte et précise de la loi.

L'usage a consacré les mots rigueur et sévérité à de certaines choses particulières. On dit la sévérité des mœurs, la rigueur de la saison. La sevérité des femmes, selon l'auteur des Maximes, est un ajustement et un fard qu'elles ajoutent à leur beauté. Dans ce sens, le mot rigueurs au pluriel répond à celui de sévérité. Il s'emploie fort bien en poésie pour les destins. Brébeuf a dit :

· L'une et l'autre fortune a d'égales rigueurs,
Et l'affront des vaincus est un crime aux vainqueurs.

(M. de JAUCOURT.)

SEX E.

LE SEXE, absolument parlant, ou plutôt le beau sexe,

est l'épithète qu'on donne aux femmes, et qu'on ne peut leur ôter, puisqu'elles font le principal ornement du monde; qu'elles joignent à ce titre mérité tout ce qui est propre à leur état, la pudeur, la retenue, la dou-' ceur, la compassion et les vertus des ames tendres. La musique, la danse, l'art de nuancer les couleurs sur la toile, sont des amusemens qui leur conviennent; mais la culture de leur esprit est encore plus importante et plus essentielle. Que, d'autre part, leur heureuse fécondité perpétue les amours et les graces; que la société leur doive sa politesse et ses goûts les plus délicats; qu'elles fassent les plus chères délices du citoyen paisible; que, par une prudence soumise et une habileté modeste, adroite et sans art, elles excitent à la vertu, raniment le sentiment du bonheur, et adoucissent tous les travaux de la vie humaine telle est la gloire, tel est le pouvoir du beau sexe.

Quelle puissance sur la terre est capable d'opérer le rapprochement des esprits aigris et divisés, si ce n'est celle des femmes telles que je viens de les dépeindre ? Pourquoi la nature a-t-elle uni dans leurs ames, à la foiblesse amie de la paix, cette douceur, émule et compagne de la parfaite bonté, et ces charmes d'esprit et de langage qui leur ouvrent les ames les plus farouches? N'est-ce pas pour adoucir et calmer les passions qui précipitent les hommes les uns par les autres dans une ruine commune ? Où trouver ailleurs que parmi les femmes des êtres désintéressés, dont la voix tendre et séduisante puisse nous ramener à l'union et à l'humanité ? lorsque nos passions nous font oublier des devoirs si

sacrés ?

(ANONYME.)

LES

ES juifs de Césarée pilloient, commettoient toutes sortes de brigandages, et l'on donnoit le nom de sicaires aux plus cruels d'entre eux, à cause qu'ils portoient de courtes épées comme celles des Perses, et courbées comme le poignard que les Romains nomment sica. Ils se mêloient ordinairement dans les jours de fêtes avec le peuple qui se rendoit à Jérusalam par dévotion, et en tuoient plusieurs au retour. Ils attaquoient les villages de ceux qu'ils haïssoient, les pilloient et y mettoient le feu. De là le nom de sicaires que l'on donne aujourd'hui aux coupe-jarets, aux assassins et aux brigands.

M. de JAUCOURT.)

Les temps rapides et innocens, d'où les poètes fabu

E

leux ont tiré leur âge d'or, ont fait place au siècle de fer. Les premiers hommes goûtoient le nectar de la vie, nous en épuisons aujourd'hui la lie. Les esprits languissans n'ont plus cet accord et cette harmonie qui fait l'ame du bonheur; les passions ont franchi leurs barrières; la raison, à demi-éteinte, impuissante ou corrompue, ne s'oppose point à cet affreux désordre; la colère convulsive se répand en fureur, ou pâle et sombre elle engendre la vengeance. La basse envie sèche de la joie d'autrui; joie qu'elle hait, parce qu'il n'en fut jamais pour elle. La crainte découragée se fait mille fantômes effrayans qui lui ravissent toutes les ressources. L'amour même est l'amertume de l'ame; il n'est plus qu'une angoisse triste et languissante au fond du cœur ; ou bien guidé par un sordide intérêt, il ne sent plus ce noble desir qui jamais ne se rassasie, et qui, s'oubliant lui-même, met tout son bonheur à rendre heureux l'objet de sa flamme. L'espérance flotte sans raison. La douleur, impatiente de la vie, se change en délire, passe les heures à pleurer, ou dans un silence d'accablement. Tous ces maux divers, et mille autres combinés de plusieurs d'entre eux, provenant d'une vue toujours incertaine et changeante du bien et du mal, tourmentent l'esprit et l'agitent sans cesse. Tel est le principe de la vile partialité; nous voyons d'abord avec froideur et indifférence l'avantage de notre semblable; le dégoût et la haine succèdent et s'enveloppent de ruses, de lâches tromperies et de basses violences : tout sentiment sociable et réciproque s'éteint et se change en inhumanité qui pétrifie le cœur, et la nature déconcertée semble se venger d'avoir perdu son cours.

Jadis le ciel s'en vengea par un déluge: un ébranlement universel sépara la voûte qui retenoit les eaux du firmament. Elles fondirent avec impétuosité; tout retentit du bruit de leur chute; l'Océan n'eut plus de rivage tout fut Océan, et les vagues agitées se rouloient avec

fureur au dessus des plus hautes montagnes, qui s'étoient formées des débris du globe.

Les saisons, irritées depuis, ont tyrannisé l'univers confondu. L'hiver piquant l'a couvert de neiges abondantes; les chaleurs impures de l'été ont corrompu l'air. Avant ce temps, un printemps continuel régnoit sur l'année entière, les fleurs et les fruits ornoient à l'envi les mêmes branches de leurs couleurs variées; l'air étoit pur et dans un calme perpétuel. Maintenant notre vie est le jouet des élémens qui passent du temps serein à l'obscurité, du chaud au froid, du sec à l'humide, concentrant une chaleur maligne, qui, sans cesse, affoiblit nos corps, et tranche le cours de nos jours par une fin prématurée.

L'ignorance étoit si profonde dans les neuf, dix et onzième siècles, qu'à peine les rois, les princes, les seigneurs, encore moins le peuple, savoient lire; ils connoissoient leurs possessions par l'usage, et n'avoient garde de les soutenir par des titres, parce qu'ils ignoroient la pratique de l'écriture; c'est ce qui faisoit que les mariages d'alors étoient si souvent déclarés nuls. Comme ces traités de mariage se concluoient aux portes des églises, et ne subsistoient que dans la mémoire de ceux qui y avoient été présens, on ne pouvoit se souvenir ni des alliances ni des degrés de parenté et les parens se marioient sans avoir de dispense. De là tant de prétextes ouverts au dégoût et à la politique pour se séparer d'une femme légitime de là vient aussi le crédit que prirent alors les clercs ou ecclésiastiques dans les affaires, parce qu'ils étoient les seuls qui eussent reçu quelque instruction. Dans tous les siècles, ce sont les habiles qui dominent sur les ignorans.

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(M. de JAUCOURT.)

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