Page images
PDF
EPUB

Les Perses attestoient le soleil pour vengeur de l'infraction de leurs promesses. Ce même serment prit faveur chez les Grecs et les Romains: temoin ce beau vers d'Homère: Je vous atteste, soleil, vous qui voyez et qui entendez tout. Virgile a imité la même idée dans le quatrième livre de l'Enéide: Soleil, qui éclairez par vos rayons tout ce qui se passe sur la terre, etc.

Les Scythes usoient aussi d'un serment qui avoit je ne sais quoi de noble et de fier, et qui répondoit assez bien au caractère un peu féroce de cette nation. Ils juroient, par l'air et par le cimeterre, les deux principales de leurs divinités ; l'air, comme étant le principe de la vie ; et le cimeterre, comme étant l'une des causes les plus ordinaires de la mort.

Enfin les Grecs et les Romains attestoient leurs dieux qui la plupart leur étoient communs, mais sur-tout les deux divinités qui présidoient plus particulièrement aux sermens que les autres; je veux dire la déesse Fides et le dieu Fidius.

Les contrées, les villes et les particuliers avoient certains sermens dont ils usoient davantage, selon la différence de leur état, de leurs engagemens, de leur goût ou des dispositions de leur cœur ; ainsi les vestales juroient par la déesse à qui elles étoient consacrées.

Les hommes, qui avoient créé des dieux à leur image, leur prêtèrent aussi les mêmes foiblesses, et les crurent comme eux dans la nécessité de donner par des sermens une garantie à leur parole. Tout le monde sait que les dieux juroient par le styx. Jupiter établit des peines très-sévères contre quiconque des dieux oseroit violer un serment si respectable.

Nons avons vu que la bonne foi eut besoin, pour se soutenir, d'emprunter le secours du serment. Il fallut que les sermens à leur tour, pour se conserver dans quelque force, eussent recours à certaines cérémonies extérieures. Les hommes, esclaves de leurs sens, voulurent qu'on les frappât des images sensibles, et à la honte de leur raison; l'appareil fit souvent plus d'impression sur eux que le

par

sernient même.

L'usage le plus ancien, et peut-être le plus naturel et le plus simple, c'étoit de lever la main en faisant serment. Du moins ce fut en cette sorte que se fit le premier serment dont nous ayons connoissance, « J'en leverai la main » devant le Seigneur le Dieu très-haut, » dit Abraham; mais les hommes ne se contentant pas de cette grande simplicité, ceux qui, par leur état, étoient distingués des autres, voulurent, jusque dans cette cérémonie, faire paroître des symboles et des instrumens de leurs dignités ou de leurs professions. Ainsi les rois levèrent leur sceptre ; les généraux d'armées, leurs lances ou leurs pavois; les soldats, leurs épées dont quelquefois aussi ils s'appliquoient la pointe sur la gorge, selon le témoignage de

Marcellin.

On crut encore devoir y faire entrer les choses sacrées. On établit qu'on jureroit dans les temples; on fit plus, on obligea ceux qui juroient à toucher les autels. Souvent aussi en jurant on immoloit des victimes, on faisoit des libations, et l'on joignoit à cela des formules convenables au reste de la pompe. Quelquefois encore pour rendre cet appareil plus terrible, ceux qui s'engageoient par des sermens trempoient leurs mains dans le sang et dans les entrailles des victimes.

Mais, outre ces cérémonies qui étoient communes à presque toutes les nations, il y en avoit de particulières à chaque peuple, toutes différentes, selon la différence de leur religion ou de leurs caractères. On voit dans l'Ecriture qu'Abraham fait toucher sa cuisse par Eliézer dont il exigeoit le serment. Jacob mourant prescrit la même formalité à Joseph. Sur quoi l'historien Josèphe dit simplement que cette coutume étoit générale chez les Hébreux qui, selon les rabbins, juroient de la sorte pour honorer

la circoncision.

Les Scythes accompagnoient leurs sermens de pratiques tout-à-fait conformes à leur génie : lorsque nous voulons, dit l'un d'eux dans Lucien, nous jurer solemnellement une amitié mutuelle, nous nous piquons le bout du doigt, et nous en recevons le sang dans une coupe; chacun y

trempe la pointe de son épée, et, la portant à sa bouche, suce cette liqueur précieuse : c'est parmi nous la plus grande marque qu'on puisse se donner d'un attachement inviolable, et le témoignage le plus infaillible de la résolution où l'on est de répandre l'un pour l'autre jusqu'à la dernière goutte de son sang.

[ocr errors]

Souvent les Grecs, pour confirmer leurs sermens jetoient dans la mer une masse de fer ardente, ils s'obligeoient de garder leur parole jusqu'à ce que cette masse revînt d'elle-même sur l'eau ; c'est ce que pratiquèrent les Phocéens, lorsque, désolés par des actes continuels d'hostilités, ils abandonnèrent leur ville, et s'engagèrent à n'y jamais retourner. Les Romains se contentèrent du plus simple serment. Polybe nous assure que de son temps les sermens ne pouvoient donner de la confiance pour un Grec, au lieu qu'un Romain en étoit, pour ainsi dire, enchaîné. Agésilas cependant pensoit en romain; car, voyant que les barbares ne se faisoient point scrupule d'enfreindre la religion des sermens: « Bon, bon, s'écria-t-il, >> ces infracteurs nous donnent les dieux pour alliés et » pour seconds. >>

Quelques-uns ne se bornèrent pas à de simples cérémonies, dont les unes étoient convenables et d'autres ridicules; ils en inventèrent de folles et de barbares. Il y avoit un pays dans la Sicile où l'on étoit obligé d'écrire son serment sur de l'écorce, et de le jeter dans l'eau; s'il surnageoit, il passoit pour vrai ; s'il alloit à fond, on le réputoit faux, et le prétendu parjure étoit brûlé. Le scholiaste de Sophocle nous assure que, dans plusieurs endroits de la Grèce, on obligeoit ceux qui juroient de tenir du feu dans la main, ou de marcher les pieds nus sur un fer chaud; superstitions qui se conservèrent long-temps au milieu même du christianisme.

La morale de quelques anciens sur le serment étoit trèssévère. Aucune raison ne pouvoit dégager celui qui avoit contracté cet engagement, non pas même la surprise, ni l'infidélité d'autrui, ni le dommage causé par l'observation. du serment. Ils étoient obligés de l'exécuter à la rigueur;

mais cette règle n'étoit pas universelle, et plusieurs payens s'en affranchirent sans scrupule.

1

Dans toutes les occasions importantes, les anciens se servoient du serment au dehors et au dedans de l'état, c'est-à-dire, soit pour sceller avec les étrangers des alliances, des trèves, des traités de paix; soit au dedans, pour engager tous les citoyens à concourir unanimement au bien de la cause commune.

Les infracteurs des sermens étoient regardés comme des hommes détestables; et les peines établies contre eux n'alloient pas moins qu'à l'infamie et à la mort. Il sembloit pourtant qu'il y eut une sorte d'exception et de privilége en faveur de quelques personnes, comme les orateurs, les poètes et les amans.

Voilà en peu de mots le précis de ce qui concerne les sermens en usage parmi les anciens. Là, comme dans la plupart des institutions humaines, on peut remarquer un mélange surprenant de sagesse et de folie, de vérité et de mensonge : tout ce que la religion a de plus vénérable et de plus auguste, confondu avec tout ce que la superstition a de plus vil et de plus méprisable. Tableau fidèle de l'homme qui se peint dans tous ses ouvrages, et qui n'est lui-même, à le bien prendre, qu'un composé monstrueux de lumières et de ténèbres, de grandeur et de misère.

SERMENT, JUREMENT. Le serment se fait proprement pour confirmer la sincérité d'une promesse; le jurement, pour confirmer la vérité d'un témoignage.

Le mot de serment est plus d'usage pour exprimer l'action de jurer en public et d'une manière solemnelle. Celui de jurement exprime quelquefois de l'emportement entre particuliers. Le serment du prince ne l'engage point contre les lois ni contre les intérêts de son état. Les fréquens sermens ne rendent pas le menteur plus digne d'être cru.

Enfin le mot serment est d'un usage beaucoup plus étendu que celui de jurement, car il se prend au figuré pour toutes sortes de protestations qu'on fait dans le commerce du monde. Balzac dit en ce sens que Jupiter rit également des sermens des amans et des rois.

SERMENT, VOU. Ce ne sont point deux termes synonymes; et la différence qui se trouve entre ces deux actes religieux mérite d'être exposée.

Tout serment, proprement ainsi nommé, se rapporte principalement et directement à quelque homme auquel on le fait. C'est à l'homme qu'on s'engage par là: on prend seulement Dieu à témoin de ce à quoi on s'engage, et l'on se soumet aux effets de sa vengeance si l'on vient à violer la promesse qu'on a faite, supposé que l'engagement par lui-même n'ait rien qui le rendît illicite ou nul s'il eût été contracté sans l'interposition du serment.

Mais le vœu est un engagement où l'on entre directement envers Dieu, et un engagement volontaire par lequel on s'impose à soi-même, de son pur mouvement, la nécessité de faire certaines choses auxquelles, sans cela, on n'auroit pas été tenu au moins précisément et déterminément; si l'on y étoit déjà indispensablement obligé, il n'est pas besoin de s'y engager le vœu ne fait alors que rendre l'obligation plus forte, et la violation du devoir plus criminelle, comme le manque de foi, accompagné de parjure, en devient plus odieux et plus digne de punition même de la part des hommes.

car,

Comme le serment est un lien accessoire, qui suppose toujours la validité de l'engagement auquel on l'ajoute pour rendre les hommes envers qui l'on s'engage plus certains de notre bonne foi, dès-là qu'il ne s'y trouve aucun vice qui rende cet engagement nul ou illicite, cela suffit pour être assuré que Dieu veut bien être pris à témoin de l'accomplissement de la promesse, parce qu'on sait certainement que l'obligation de tenir sa parole est fondée sur une des maxim es les plus évidentes de la loi naturelle dunt it est l'auteur.

Mais, quand il s'agit d'un vocu, par lequel on s'engage directement envers Dieu à certaines choses auxquelles on n'étoit point obligé d'ailleurs, la nature de ces choses n'ayant rien par elle-même qui nous rende certains qu'il veut bien accepter l'engagement, il faut, ou qu'il nous donne à connoître sa volonté par quelque voie extraordinaire, ou que l'on ait là-dessus des présomptions très-rai

« PreviousContinue »