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douter sans exister. Il sera toujours en leur pouvoir de se retrancher dans un verbiage ridicule, et où il seroit également ridicule d'entreprendre de les forcer.

Quoiqu'on ne donne pas de nos jours dans un pyrrhonisme si universel, et de là si extravagant, puisqu'il va jusqu'à éteindre toutes les lumières de la raison, et à nier l'existence du sentiment intime qui nous pénètre, on peut dire néanmoins qu'on ne s'est jamais plus approché de leur opinion. Certains philosophes de notre temps n'ont excepté du doute universel dans lequel ils ont fait périr toutes leurs connoissances, que cette première règle ou source de vérité qui se tire de notre sentiment intime; ils n'ont pas daigné reconnoître ni admettre d'autres genres de vérité et d'évidence. Ainsi quand on leur demande s'il est évidemment certain qu'il y ait des corps, et que nous en recevions les impressions, ils répondent nettement que. non, et que nous n'avons là-dessus aucune certitude évidente, puisque nous n'avons point ces connoissances par le sentiment intime de notre propre expérience, ni par aucune conséquence nécessaire qui en soit tirée. C'est ce qu'un philosophe anglais n'a point fait de difficulté de publier.

Puisque les conséquences qui s'ensuivent nécessairement de ce principe, savoir que le sentiment intime de notre propre perception est l'unique règle de vérité, sont si bizarres, si ridicules et si absurdes, il faut nécessairement qu'il soit lui-même bizarre, ridicule et absurde, puisqu'il est démontré que les conséquences ne sont qu'une même chose avec le principe.

(ANONYME.)

VERTU

ERTU morale qui a sa source dans l'innocence et le tempérament; vive sans être emportée, sérieuse sans être grave, avec elle habite la paix, avec elle habite la sûreté; heureux celui qui la conserve, et dont toutes les passions sont en harmonie au milieu d'un monde enflammé de vices!

Il faut se munir de bonne heure contre les malignes influences et de son tempérament et du climat que l'on habite, en s'accoutumant à faire toutes les réflexions qui peuvent donner de la sérénité à l'esprit, et le mettre en état de soutenir avec courage les petits maux et les revers de la fortune qui sont communs à tous les hommes. Celui qui possède cette heureuse disposition n'a point l'imagination troublée ni le jugement prévenu; il est toujours le même, soit qu'il se trouve seul ou en compagnie; affable envers tout le monde, il excite les mêmes dispositions dans tous ceux qui l'approchent; le cœur s'épanouit en sa présence; on ne peut qu'avoir de l'estime et de l'amitié pour celui dont on reçoit de si douces influences. J'envisage enfin cet état comme une reconnoissance habituelle envers l'auteur de la nature; la gaieté du printemps, le chant des oiseaux, la verdure des prés, la fraîcheur des bois, raniment la sérénité; la lecture et le commerce d'un tendre ami y répandent de nouveaux charmes; en un mot, c'est le souverain bien de la vie que Zénon a cherché sans le

trouver.

(M. de JAUCOURT.)

TERME

SÉRIEUX.

ERME relatif à l'habitude du corps et au caractère de l'esprit. L'homme sér eux est grave dans son maintien et dans ses discours; il imprime du respect, on se compose comme lui pour en approcher; le sérieux et la gravité conviennent assez aux magistrats. Le sérieux est opposé à l'air ouvert et affable; il dédaigne et repousse le frivole. Il n'y a point d'affaire, si sérieuse qu'elle soit, qui puisse fixer la légéreté de certains hommes. Le sérieux n'admet point non plus la plaisanterie: ce n'est point en plaisantant que je vous parle; ce que je vous dis est sérieux.

Un des caractères les plus généraux, dit M. de Vauvenargues, c'est le sérieux: mais combien de causes différentes n'a-t-il pas, et combien de caractères sont compris dans celui-ci ? On est sérieux par tempérament, par trop ou trop peu de passions, trop ou trop peu d'idées, par timidité, par habitude et par mille autres raisons. L'extérieur distingue tous ces divers caractères aux yeux d'un homme attentif.

Le sérieux d'un esprit tranquille porte un air doux et

screin.

Le sérieux des passions ardentes est sauvage, sombre,

allumé.

Le sérieux d'une ame battue donne un extérieur languissant.

Le sérieux d'un homme stérile paroît froid, lâche et

oisif.

Le sérieux de la gravité prend un air concerté comme elle.

Le sérieux de la distraction porte des dehors singuliers. Le sérieux d'un homme timide n'a presque jainais de maintien.

Personne ne rejette en gros ces vérités: mais, faute de

principes bien liés et bien conçus, la plupart des hommes sont, dans le détail et dans leurs applications particulières, opposés les uns aux autres et à eux-mêmes. Ils font voir la nécessité indispensable de bien manier les principes les plus familiers, et de les mettre tous ensemble sous un point de vue qui en découvre la fécondité et la liaison.

(ANONYME.)

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SERMENT.

E serment est une attestation religieuse de la vérité de quelque affirmation, engagement, promesse, etc. Mais nous ne voulons pas ici considérer le serment en théologien, en jurisconsulte ni en moraliste; nous en voulons parler en simple littérateur et d'une façon très-concise. On trouvera dans les Mémoires des Inscriptions des détails étendus sur le même sujet et dans le même plan; car cette matière, envisagée de cette manière, présente quantité de choses agréables, curieuses et solides; c'est l'Histoire de tous les Peuples.

L'usage des sermens fut ignoré des premiers hommes. La bonne foi régnoit parmi eux, et ils étoient fidèles à exécuter leurs engagemens. Ils vivoient ensemble sans soupçon, sans défiance. Ils se croyoient réciproquement sur leur parole, et ne savoient ce que c'étoit ni de faire des sermens ni de les violer. Dans ces premiers jours du monde naissant, dit Juvénal, les Grecs n'étoient jours prêts à jurer; et, si nous en croyons Boileau,

Le Normand même alors ignoroit le parjure.

pas tou

Mais, sitôt que l'intérêt personnel eut divisé les hommes, ils employèrent, pour se tromper, la fraude et l'artifice. Ils se virent donc réduits à la triste nécessité de se précautionner les uns contre les autres. Les promesses, les protestations étoient des liens trop foibles; on tâcha de leur donner de la force en les marquant du sceau de la religion, et l'on crut que ceux qui ne craignoient pas d'être infidèles, craindroient peut-être d'être impies. La discorde, fille de la nuit, dit Hésiode, enfanta les mensonges, les discours ambigus et captieux, et enfin le serment, si funeste à tout mortel qui le viole. Obligés d'avoir recours à une caution étrangère, les hommes crurent la devoir chercher dans un être plus parfait. Ensuite plongés dans l'idolâtrie, le serment prit autant de formes différentes que la divinité.

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