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SECOURIR, AIDER.

C'EST donner du secours. On dit secourir dans le danger

et dans le besoin; et l'on dit aider dans la peine et dans le travail. Le premier part d'un sentiment d'humanité et de compassion; le second, d'un mouvement de générosité. On va au secours d'un homme qui se noie, et à l'aide d'un homme qui est trop chargé.

Il est grand de secourir le malheureux et d'aider le foible.

Il faut implorer le secours du ciel; nous devons du secours aux pauvres; il ne faut, pour donner du secours, que voir dans le malheur d'un autre celui auquel nous sommes exposés.

(ANONYME.)

SECRET.

Le secre LE E secret est une chose que nous avons confiée à quelqu'un ou qu'on nous a confiée, dans l'intention et sous la condition de n'être pas révélée, soit directement, soit indirectement.

Les Romains firent une divinité du secret; les Pythagoriciens, une vertu, et nous en faisons un devoir dont l'observation tient à l'honneur et à la probité; c'est d'ail leurs une qualité essentielle à la bonne conduite de tout honnête homme, et sans laquelle tous les talens n'ont aucun prix, et deviennent pour ainsi dire inutiles. Si l'on ne doit pas dire imprudemment son secret, moins encore doit-on révéler celui d'autrui, parce que c'est une perfidie si on le fait avec réflexion, ou du moins une faute inexcusable s'il nous échappe par étourderie. Il convient même d'étendre cette fidélité jusque vis-à-vis de celui qui y manque à notre égard.

Ce n'est pas tout; il faut se méfier de soi-même dans la vie. On peut surprendre nos secrets dans des momens de foiblesse, ou dans la chaleur de la haine, ou dans l'emportement du plaisir. On confie son secret dans l'amitié, mais il s'échappe dans l'amour; on doit se méfier également des hommes curieux et adroits; ils vous feront mille questions épineuses dont vous aurez de la peine à vous débarrasser autrement que par un détour ou par un silence obstiné, et ce silence même leur suffit quelquefois pour deviner votre secret.

M. de JAUCOURT.)

Ne vous laissez arracher votre secret ni par le vin ni par la colère.

Quinte-Curce rapporte que les Perses eurent toujours le plus grand mépris pour celui qui avoit violé les lois du secret; car ils pensoient qu'un homme, quelque dépourvu qu'il fût de vertus, pouvoit au moins éviter les défauts; s'il lui étoit impossible de bien parler, il lui étoit facile au moins de ne point parler du tout.

et que

Puisqu'ils regardoient le secret comme une chose si

aisée, l'indiscrétion leur paroissoit sans doute non une perfidie, mais une légèreté. Ils voyoient dans l'indiscret un homme qui laisse échapper ce qu'il ne peut retenir, qui, sans être intimidé par des menaces, ou séduit par des promesses, cède uniquement au plaisir de parler. A la distance où nous sommes des Perses, il ne nous est pas aisé de savoir s'ils possédoient eux-mêmes éminemment cette vertu dont ils faisoient un si grand cas.

De nos jours, on n'estime pas plus les indiscrets que chez les anciens; mais on ne leur témoigne pas le même mépris et la même haine. Il est si peu ordinaire parmi nous de garder le secret, qu'on peut croire que les Perses se sont beaucoup trompés, lorsqu'ils ont jugé qu'il étoit si facile de se taire. Il semble en effet qu'un secret est quelque chose de subtil et de volatil qui s'échappe de nos ames au moindre mouvement qui les agite; et le desir de le communiquer, une passion qui fermente avec violence, et toujours prête à étouffer le cœur qui voudroit retenir un

secret.

Un spéculateur, du fond de sa retraite, peut prouver qu'il est facile d'être secret, et se croit en conséquence autorisé à accorder sa confiance. L'homme du monde voit que cela est très-rare, et il cherche plutôt pourquoi une vertu si facile et si importante à la société manque à tous les hommes.

C'est la vanité de faire voir qu'on n'a pas craint de nous accorder de la confiance qui nous porte sur-tout à la trahir; car, quelqu'absurde qu'il paroisse d'avoir reçu un secret, au moment où on le viole, on consent à se montrer un homme sans vertu pour se montrer un homme important; on aime mieux étaler avec orgueil le cas que les autres font de nous, que de jouir dans le secret de sa conscience d'une fidélité qui ne peut être connue et louée que de celui à qui on l'a promise.

On

C'est très-souvent dans la première ardeur de la bienveillance ou de l'amour que se divulguent les secrets. veut prouver par un si important sacrifice qu'on est tendre ou sincère; mais ce motif, quoique puissant en lui-même, ne marche pas sans la vanité, puisque tout homme desire d'être souverainement estimé de ceux qu'il aime, avec

qui il vit, avec qui il passe ses momens de plaisir, ou chez qui il va se reposer des soins et des affaires.

Quand il est question de découvrir des secrets il faut bien distinguer entre les nôtres et ceux d'autrui, entre ceux qui ne peuvent compromettre que notre sort et notre bonheur, et ceux qui peuvent compromettre le bonheur des personnes qui nous ont honorés de leur confiance. En général, c'est une folie de dire les nôtres même; mais cette folie ne peut nuire qu'à nous; révéler les secrets qui nous ont été confiés, c'est perfidie et folie tout à la fois.

Il est bien vrai qu'il y a eu des fanatiques d'amitié assez peu raisonnables pour soutenir, et peut-être pour croire qu'un ami a droit à tout ce qui est au pouvoir de son ami, et que, par conséquent, c'est un manque d'affection d'excepter un seul secret de cette confiance sans bornes ; ils se fondent sur le raisonnement de Montaigne qui prononce que dire un secret à un ami, ce n'est pas manquer à la confiance, parce qu'un homme et son ami, n'étant réellement que la même personne, ce n'est pas augmenter le nombre de ceux qui le savent.

Un raisonnement si vain et si trompeur pourroit - il faire illusion à quelqu'un ? C'est ce qu'on auroit peine à croire. Mais, comme un pareil sophisme pourroit séduire des esprits qui n'auroient cependant que des intentions honnêtes, il est bon d'observer qu'entre amis il n'y a de vrai→ ment commun que ce qu'un chacun possède de son propre droit, et qu'on peut altérer ou détruire sans faire de tort qu'à soi-même. Sans cette distinction, la confiance s'étendra à l'infini; la seconde personne pourra dire le secret à une troisième sur le même principe qu'il lui a été confié par la première, et la troisième pourra le faire passer à un autre, et ainsi il circulera dans un monde d'amis jusqu'aux personnes même à qui on avoit voulu d'abord le cacher.

Le secret est quelque chose de si embarrassant et de si dangereux, qu'après celui qui est obligé de se confier, je n'en vois pas de plus malheureux que celui à qui on se confie.

Les règles que l'on peut proposer sur ce sujet important, et dont on peut croire qu'il seroit dangereux de s'écarter sans un long et mûr examen, se bornent donc à ne jamais

demander un secret, et, quand on nous l'offre, à ne pas nous en charger légérement et sans bien des restrictions ; enfin, quand on l'accepte, à le regarder comme un dépôt de la plus haute conséquence, aussi important pour la Société que sacré pour la vérité, et qu'on ne doit pas violer pour de légers intérêts, ou à la première apparence d'une obligation contraire.

le

On appelle secrets en médecine des remèdes dont on tient la préparation secrète, pour en relever l'efficacité et le prix, et qui sont communément proposés comme infaillibles par les charlatans.

On croiroit que la plupart des hommes, très - sensés d'ailleurs, doivent avoir pen de confiance pour ces prétendus secrets dans les maladies reconnues incurables par tous les médecins ; mais telle est la force de l'amour de la vie, qu'on s'abuse et qu'on se fait illusion à cet égard; ou plutôt telle est l'impudence de ces gens à secrets, qu'ils profitent de votre crédulité pour annoncer avec assurance qu'ils vous guériront; ils ont beau tromper, on y revient toujours, et l'on ne cesse de les mettre en vogue, par la facilité avec laquelle on se livre à leurs impostures.

Cette folie est aussi ancienne que le monde et ne finira qu'avec lui. Quoique ces prétendus secrets ne se trouvent le plus souvent, par l'examen, qu'une drogue fort con→ nue, mal préparée, et quelquefois un poison lent, néanmoins on donne sa confiance à ceux qui les possèdent, et on la croit bien placée quand ils vous ont dit, avec un ton imposant, de n'être pas plus inquiet de votre guérison qu'ils le sont eux-inêmes.

Si cependant l'on y faisoit quelqu'attention, on verroit que, dans tous les pays, dans tous les siècles, et, sans remonter si haut, dans celui où l'on vit, on a ouï parler successivement de gens qui prétendoient avoir le même secret infaillible que celui que propose ce charlatan auquel on est près de s'abandonner; on se rappelleroit que dans tous les temps ils faisoient les mêmes promesses, qu'elles se sont presque toujours trouvées fausses et illusoires, et que, par l'événement, ces gens-là sont morts dans la misère, ou n'ont été que des fourbes accrédités.

Je n'ignore pas que ceux qui les écoutent, et sur-tout

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