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et tous les mauvais effets qui peuvent en arriver: ainsi la plupart des hommes abrègent leur vie plus par l'effet des maladies de l'esprit que par celles du corps; c'est pourquoi l'on peut dire avec Juvénal que rien n'est plus à desirer pour la santé du corps que la conservation de celle de l'ame.

4° Il faut tâcher, autant qu'il est possible, de vivre dans un air pur et tempéré, parce que rien ne contribue davantage à entretenir la vigueur du corps et de l'esprit. Rien n'affecte plus nos corps que l'air, et rien ne leur nuit davantage que ses impuretés et ses autres mauvaises qualités; comme l'excès ou les variations subites de pesanteur, de légèreté, de chaleur, de froid et d'humidité, qui opèrent, à l'égard de nos solides et de nos fluides, et du cours de nos humeurs en général, des altérations, des changemens de la plus grande conséquence, et qui peuvent avoir les suites les plus funestes.

5o On doit, dans le choix des alimens et de la boisson, préférer toujours ce qui est le plus conforme au tempérament, à l'usage ordinaire, et que l'on a éprouvé n'être pas essentiellement nuisible, parce que la digestion, l'élaboration des humeurs qui en résultent, et leur distribution dans toutes les parties, se font avec plus de facilite et d'égalité. C'est ce qu'on apprend par l'expérience, qui n'a eu pour guide que le sentiment et l'habitude; et c'est cette expérience raisonnée qui doit fournir les règles d'après lesquelles chaque homme sensé doit être le médecin de soi-même, pour se diriger, non pas dans le traitement des maladies, mais dans l'usage des choses qui servent à la conservation de la santé.

6o Rien n'est plus important que d'établir une proportion raisonnable entre la quantité des alimens que l'on prend et celle du mouvement, de l'exercice du corps que l'on est en état de faire, ou que l'on fait réellement, eu égard au degré de forces dont on jouit, parce qu'il faut que la dépense soit égale à la recette pour se préserver de la surabondance ou du défaut d'humeurs.

7° Enfin, on ne sauroit trop s'éloigner de ceux qui conseillent le fréquent usage des remèdes, parce que rien n'est plus contraire à la santé que de causer des

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changemens dans l'économie animale, de troubler les opérations de la nature, lorsqu'elle n'a pas besoin de secours, ou qu'elle peut se suffire à elle-même. C'est d'après cette vérité bien sentie que le célébre médecin Montanus, et, à son imitation, Wepfer et Branner, terminoient toutes leurs consultations, tant pour les malades et les valétudinaires que pour les gens en sante, par la recommandation de se livrer le moins possible aux médecins et à la médecine, parce qu'il y a fort à craindre que l'on ne donne sa confiance à des ignorans, qui n'ont souvent que le titre de docteur pour tout mérite, le nombre de ces gens-là étant fort supérieur à celui des habiles maîtres de l'art, puisque ces derniers sont extrêmement rares, et que les autres sont aussi communs que dangereux; en sorte qu'ils peuvent être regardés, tant qu'ils font les fonctions de médecin, comme des fléaux de l'humanité, de véritables pestes endémiques : ce qui fait douter, avec raison, si cette profession n'est pas plus nuisible qu'utile, non par elle-même, mais par ceux qui l'exercent mal. Ainsi, lorsqu'on jouit de la santé, et qu'il ne s'agit que de la conserver avec la tempérance et la modération, on peut éviter d'avoir besoin de médecin, et de s'exposer à être les victimes de l'ignorance. Lorsque la santé se dérange et qu'on est menacé de maladie, la diète et l'eau, selon le célèbre praticien de Paris, M. Dumoulin, sont les meilleurs remèdes pour prévenir le danger des suites. En général, on a raison de dire que l'on doit éviter de vivre médicinalement, si l'on ne veut pas vivre misérablement. L'école de Salerne, dont les préceptes ne sont pas toujours à mépriser, persuadée que l'on peut très-bien se passer de médecins, renferme, dans un seul distique, les principales règles, avec l'observation desquelles on peut se servir de médecin à soi-même, surtout si l'on n'est pas à portée d'en avoir de bons, ce qui est pis que d'en manquer entièrement. Elle s'exprime donc ainsi :

Si tibi deficiant medici, medici tibi fiant

Hæc tria, mens hilaris, requies moderata, diæta.

(ANONYME.)

ESPÈCE

SPÈCE de religieux mahométans, vagabonds et libertins. On regarde les santons comme une secte d'épicuriens qui adoptent entre eux cette maxime: Aujourd'hui est à nous, demain est à lui; qui en jouira? Aussi prennent-ils, pour se sauver, une voie toute opposée à celle des autres religieux turcs, et ne se refusent aucun des plaisirs dont ils peuvent jouir. Ils passent leur vie dans les pélerinages de Jérusalem, de Bagdad, de Damas, du Mont-Carmel et autres lieux qu'ils ont en vénération, parce que leurs prétendus saints y sont enterrés. Mais, dans ces courses, ils ne manquent jamais de détrousser les voyageurs, lorsqu'ils en trouvent l'occasion; aussi craint-on leur rencontre, et ne leur permet-on pas d'approcher des caravanes, si ce n'est pour recevoir l'aumône.

La sainteté de quelques-uns d'entre eux consiste à faire les imbécilles et les extravagans, afin d'attirer sur eux les yeux du peuple; à regarder le monde fixement, à parler avec orgueil, et à quereller ceux qu'ils rencontrent. Presque tous marchent la tête et les jambes nues, le corps à moitié couvert d'une méchante peau de bête sauvage, avec une ceinture de peau autour des reins, d'ou pend une espèce de gibecière; quelquefois, au lieu de ceinture, ils portent un serpent de cuivre que leurs docteurs leur donnent comme une marque de leur savoir; ils tiennent à la main une espèce de massue.

Les santons des Indes qui passent en Turquie pour le pélerinage de la Mecque et de Jérusalem, demandent l'aumône avec un certain ris méprisant. Ils marchent à pas lents; le peu d'habillement qui les couvre est un tissu de pièces de toutes couleurs mal assorties et mal cousues.

Daudini, dans son Voyage du Mont-Liban, prétend que le titre de santon est un nom générique et commun à plusieurs espèces de religieux turcs, dont les uns s'astreignent par væeu à garder la continence, la pauvreté, etc., et d'autres mènent une vie ordinaire. Il distingue encore les méditatifs, qu'on reconnoît aux plumes qu'ils portent sur la tête; et les extatiques, qui portent des chaînes au cou

et aux bras pour marquer la véhémence de l'esprit qui les anime. Il y en a qui se consacrent au service des hôpitaux; mais, en général, les santons sont charlatans, et se mêlent de vendre au peuple des secrets et des reliques, telles que des cheveux de Mahomet, etc. Presque tous sont mendians; ils font leurs prières dans les rues, y prennent leurs repas, et n'ont souvent point d'autre asyle. Lorsqu'ils n'ont point fait de vœux, si ce genre de vie leur déplaît, il leur suffit, pour y renoncer, de s'habiller comme le peuple; mais la fainéantise et l'oisiveté auxquelles ils sont accoutumés sont de puissans attraits pour les retenir dans leur ancien état, d'autant plus que l'imbécillité des peuples est un fonds assuré pour leur subsistance.

(ANONYME.)

DÉCOUT

SATIÉTÉ.

UT qui suit l'usage immodéré des choses; on a la satiété des alimens, après avoir trop mangé; la satiété du plaisir, après s'y être trop livré; la satiété de l'étude, de la gloire, des affaires : nous usons de tout, et ne savons jouir de rien.

(ANONYME.)

SATYRE.

POÈME dans lequel on attaque directement le vice,

ou quelque ridicule blâmable.

Les satyres, dans leur première origine, n'avoient pour but que le plaisir et la joie; c'étoient des farces de village, un amusement ou un spectacle de gens assemblés pour se délasser de leurs travaux, et pour se réjouir de leurs récoltes ou de leurs vendanges. Des jeux champêtres, des railleries grossières, des postures grotesques, des vers faits sur-le-champ, et récités en dansant, produisirent cette sorte de poésie. C'est d'elle que naquit la tragédie, qui n'eut pas seulement la même origine, mais qui en garda assez long-temps un caractère plus burlesque, pour ainsi dire, que sérieux. Quoique tirée du poème satyrique, elle ne devint grave que longtemps après. Ce fut quand ce changement lui arriva, que ce divertissement des compositions satyriques passa de la campagne sur les théâtres, et fut attaché à la tragédie même, pour en tempérer la gravité qu'on s'étoit enfin avisé de lui donner.

Comme ces spectacles étoient consacrés à l'honneur de Bacchus, le dieu de la Joie, et qu'ils faisoient partie de sa fête, on crut qu'il étoit convenable d'y introduire des satyres, ses compagnons de débauche, et de leur faire jouer un rôle également comique par leur équipage, par leurs actions et par leurs discours. On voulut par ce moyen égayer le théâtre, et donner matière de rire aux spectateurs, dans l'esprit desquels on venoit de répandre la terreur et la tristesse par des représentations tragiques.

Ainsi le nom de satyre demeura attaché, parmi les Grecs, aux pièces de théâtre dont nous venons de parler, et qui d'abord furent entre-mêlées dans les actes des tragédies, non pas tant pour en marquer les intervalles que comme des intermèdes agréables, à quoi les danses et les postures bouffonnes de ces satyres ne contribuerent pas moins que leurs discours de plaisanterie.

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