de poésie, de peinture, de force, de pathétique et de rhythme : Depuis cet acte de sa rage, Tout effrayé, Dès qu'il fait nuit, il voit l'image Qui, du doigt montrant la blessure De son beau sein, Appelle avec un long murmure Il n'y a qu'une oreille faite au rhythme de la poésie, et capable de sentir son effet, qui puisse apprécier l'énergie de ce petit vers tout effrayé, qui vient subitement s'interposer entre deux autres de mesure plus longue. Comme la romance doit être écrite d'un style simple, touchant, et d'un goût un peu antique, l'air doit répondre au caractère des paroles; point d'ornemens, rien de maniéré, une mélodie douce, naturelle, champêtre, et qui produise son effet par elle-même, indépendamment de la manière de la chanter. Il n'est pas nécessaire que le chant soit piquant; il suffit qu'il soit naïf, qu'il n'offusque point la parole, qu'il la fasse bien entendre, et qu'il n'exige pas une grande étendue de voix. Une romance, bien faite, n'ayant rien de saillant, n'affecte pas d'abord; mais chaque couplet ajoute quelque chose à l'effet des précédens; l'intérêt augmente insensiblement, et quelquefois on se trouve attendri jusqu'aux larmes, sans pouvoir dire où est le charme qui a produit cet effet. C'est une expérience certaine que tout accompagnement d'instrument affoiblit cette impression. Il ne faut, pour le chant de la romance, qu'une voix juste, nette, qui prononce bien, et qui chante simplement. (J. J. ROUSSEAU.) LE RONDEAU est un petit poème d'un caractère ingénu, badin et naif; ce qui fait dire à Despréaux: Le rondeau, né gaulois, a la naïveté. ४ Ce petit poème a peut-être bien autant de difficulté que le sonnet; on y est plus borné pour les rimes, et on est plus assujéti au joug du refrain; d'ailleurs, cette naïveté qu'exige le rondeau n'est pas plus aisée à attraper que le lę style noble et délicat du sonnet. Les vers de huit et dix syllabes sont presque les seuls qui conviennent au rondeau. Les uns préfèrent ceux de huit, et d'autres ceux de dix syllabes; mais c'est le mérite du ron leau qui seul en fait le prix. Son vrai tour a été trouvé par Villon, Marot et Saint-Gelais. Ronsard vint ensuite qui le méconnut; Sarrazin, Lafontaine et madame Deshoulières surent bien l'attraper, mais ils furent les derniers. Les poètes plus modernes méprisent ce petit poème, parce que le naïf en fait le caractère, et que tout le monde aujourd'hui veut avoir de l'esprit qui brille et qui pétille, Je vais citer quelques exemples de ce poème : Ma foi c'est fait de moi, car Isabeau Quoi! treize vers, huit en eau, cinq en eme! En voilà cinq pourtant en un monceau. Si je pouvois encor de mon cerveau Plusieurs lecteurs aimeront sans doute autant ce ron deau-ci de madame Deshoulières, dont le refrain est; Entre deux draps. Entre deux draps de toile belle et bonne, Quand à rêver ainsi l'on s'abandonne, Et la vertu soutient un grand assaut, Le refrain doit être toujours lié avec la pensée qu précède, et en terminer le sens d'une manière naturelle; et il plaît sur-tout quand, représentant les mêmes mots, il présente des idées un peu différentes, comme dans celui-ci, que Malleville, secrétaire du maréchal de Bassompierre fit contre Boisrobert, dans le temps qu'il étoit en faveur auprès du cardinal de Richelieu. Le P. Rapin loue extrêmement ce rondeau dans ses remarques sur la poésie; et il mérite en effet d'être ici placé : Coiffé d'un froc bien raffiné, Ce n'est pas que frère René Qu'il soit docte, qu'il sache écrire, Adam Billaut, connu sous le nom de maître Adam, menuisier de Nevers sa patrie, vivoit sur la fin du règne de Louis XIII. Cet homme singulier, sans lettres et sans études, devint poète dans sa boutique. On l'appeloit de son temps le Virgile au rabot. En effet, ses principaux ouvrages sont : Le Rabot, les Chevilles, le Vilebrequin, et les autres outils de son métier. Enfin, dit M. de Voltaire, on ne peut s'empêcher de citer de lui le rondeau suivant, qui vaut mieux que beaucoup de rondeaux de Benserade; Pour te guérir de cette sciatique, Qui te retient, comme un paralitique, Sur cet avis ne sois point hérétique ; Maître Adam étant venu à Paris pour un procès; au lieu de plaider, fit des vers à la louange du cardinal de Richelieu, dont il obtint une pension. Gaston, frère de Louis XIII, répandit aussi sur lui ses libéralités. Il mourut en 1662. (M. de JAUCOURT.) PIERRE en RONSAR D. TERRE DE RONSARD, né au château de la Poissonnière dans le Vendomois, en 1524, d'une famille noble, fut élevé à Paris, au collège de Navarre. Les sciences ne lui offrant que des épines, il quitta ce collège et devint page du duc d'Orléans, qui le donna à Jacques Stuart, roi d'Ecosse, marié à Magdelaine de France. Ronsard demeura Écosse auprès de ce prince plus de deux ans, et revint ensuite en France, où il fut employé par le duc d'Orléans dans diverses négociations. Il accompagna Lazare Baïf à la diète de Spire. Če savant lui ayant inspiré du goût pour les belles lettres, il apprit le grec sous Dorat, avec le fils de Baïf. On dit que Ronsard étudioit jusqu'à deux heures après minuit, et qu'en se couchant il réveilloit le jeune Baif qui prenoit sa place. Les muses eurent des charmes infinis à ses yeux; il les cultiva, et avec un tel succès, qu'on l'appela le prince des poètes de son temps. Henri II, François II, Charles IX et Henri III, le comblèrent de bienfaits et de faveurs. Ronsard ayant mérité le premier prix des jeux floraux, on regarda la récompense qui étoit promise comme au dessous du mérite de l'ouvrage et de la réputation du poète. La ville de Toulouse fit donc faire une Minerve d'argent massif, et d'un prix considérable, qu'elle lui envoya. Le présent fut accompagné d'un décret, qui déclaroit Ronsard le poète français par excellence." Ronsard fit présent, depuis, de sa Minerve à Henri II; et le monarque parut aussi flatté de cet hommage du poète, que le poète auroit pu l'être de le recevoir de son roi. Marie Stuart, reine d'Ecosse, aussi sensible à son mérite que les Toulousains, lui donna un buffet fort riche, où il y avoit un vase en forme de rosier, représentant le MontParnasse, au haut duquel étoit un Pégaze, avec cette inscription: A Ronsard, l'Apollon de la source des Muses. On peut juger, par ces deux traits, de la réputation dent |