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modes. Les hommes illustres sont trop élevés pour les apercevoir, s'ils ne daignoient pas quelquefois s'en amuser eux-mêmes.

Le ridicule se trouve par-tout; il n'y a pas une de nos actions, de nos pensées, pas un de nos gestes, de nos mouvemens qui n'en soient susceptibles.

(M. de JAUCOURT.)

RIMAILLEUR.

On appelle rimailleur tout auteur, médiocre ou mauvais,

N

qui rime sans génie et sans goût. Ce terme se prend toujours en mauvaise part. Ainsi Rousseau dit dans une de ses épigrammes :

Griphon, rimailleur subalterne,
Vante Siphon le barbouilleur ;
Et Siphon, peintre de taverne
Vante Griphon le rimailleur.

(ANONYME.)

ROI

Le plus beau présent que Dieu puisse faire aux hommes,

E

c'est d'un roi qui aime son peuple, et qui en est aimé; qui se confie en ses voisins, et qui a leur confiance; enfin qui, par sa justice et son humanité, fait envier aux nations étrangères le bonheur qu'ont ses sujets de vivre sous sa puissance.

Les oreilles d'un tel roi s'ouvrent à la plainte; il arrête le bras de l'oppresseur; il renverse la tyrannie. Jamais le murmure ne s'élève contre lui; et, quand les ennemis s'approchent, le danger ne s'approche point: ses sujets forment un rempart d'airain autour de sa personne, et l'armée d'un tyran fuit devant eux comme une plume légère au gré du vent qui l'agite.

<< Favori du ciel, dit le bramine inspiré, toi à qui les >> fils des hommes, tes égaux, ont confié le souverain » pouvoir; toi qu'ils ont chargé du soin de les conduire, >> regarde moins l'éclat du rang que l'importance du dépôt. » La pourpre est ton habillement, un trône ton siége; la » couronne de majesté pare ton front; le sceptre de la >> puissance orne ta main; tu ne brilles sous cet appareil » qu'autant qu'il sert au bien de l'état. »

Quant à l'autorité des rois, c'est à nous de nous y soumettre; et c'est à l'auteur de Télémaque qu'il appartient d'en établir l'étendue et les bornes.

Un roi, dit-il, peut tout sur les peuples; mais les lois peuvent tout sur lui. Il a une puissance absolue pour faire le bien, et les mains liées s'il vouloit faire le mal. Les lois lui confient les peuples comme le plus précieux de tous les dépôts, à condition qu'il sera le père de ses sujets; elles veulent qu'un seul homme serve, par sa sagesse, à la félicité de tant d'hommes, et non pas que tant d'hommes servent, par leur misère et par leur servitude, à flatter l'orgueil et la mollesse d'un seul homme.

Un roi ne doit rien avoir au dessus des autres, excepté ce qui est nécessaire, ou pour le soulager dans ses pénibles fonctions, ou pour imprimer au peuple le respect de celui

qui est né pour soutenir les lois. Il doit être au dehors le défenseur de la patrie, et au dedans le juge des peuples,. pour les rendre bons, sages et heureux.

Il doit les gouverner. suivant les lois de l'état, comme Dieu gouverne le monde selon les lois de la nature. Rarement emploie-t-il sa toute-puissance pour en interrompre et en changer le cours, c'est-à-dire que les dérogations et les nouveautés seront comme des miracles dans l'ordre de la bonne politique.

Les rois ne devroient se fier qu'à ceux qui semblent le moins empressés à leur plaire. Un prince, établi pour gouverner les hommes, doit connoître les hommes; le choix des sujets est la première source du bonheur public, et, pour les choisir, il faut les connoître. Les monarques, par cette raison, ne sauroient trop éprouver ceux qu'ils destinent à les soulager dans les importantes fonctions de la royauté. Comme la religion est le principe de toutes les vertus, et en même temps la base de tout bon gouvernement, il faut qu'ils choisissent des ministres qui la soutiennent encore plus par leurs exemples que par leur autorité. Un ministre qui craint Dieu, et qui n'a point d'autre crainte, bannit l'injustice du royaume dont l'administration: lui est confiée. Les peuples heureux bénissent leprince, premier auteur de leur félicité, par le bon choix qu'il a fait. Un prince éclairé ne se repose pas si entièrement des affaires sur ses ministres, qu'il n'examine par lui-même leur conduite. Ceux qui savent que le prince a l'œil ouvert sur eux, n'osent abuser du pouvoir. Un roi doit sur - tout éloigner de sa personne ceux qui flattent ses passions, qui encensent ses caprices, et qui sont prêts à tout sacrifier pour obtenir sa faveur.

Quelques lauriers que la guerre lui promette, ils sont tôt ou tard funestes à la main qui les cueille.

En vain aux conquérans

L'erreur parmi les rois donne les premiers rangs;
Entre tous les héros ce sont les plus vulgaires;
Chaque siècle est fécond en heureux téméraires..
Mais un roi, vraiment roi, qui, sage en ses projets,
Sache en un calme heureux maintenir ses sujets;
Qui du bonheur public ait cimenté sa gloire,

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Il faut, pour le trouver, courir toute l'histoire.
La terre compte peu de ces rois bienfaisans;
Le ciel à les former se prépare long-temps.
Tel fut cet empereur, sous qui Rome adorée
Vit renaître les jours de Saturne et de Rhée;
Qui rendit de son joug l'univers amoureux;
Qu'on n'alla jamais voir sans revenir heureux;
Qui soupiroit le soir, si sa main fortunée
N'avoit, par ses bienfaits, signalé la journée.
Le cours ne fut pas long d'un empire si doux.

(ANONYME.)

ROMA N.

RÉCIT fictif de diverses aventures merveilleuses ou

vraisemblables de la vie humaine. Le plus beau roman du monde, Télémaque, est un vrai poème, à la mesure et à la rime près.

Je ne rechercherai point l'origine des romans, M. Huet a épuisé ce sujet ; il faut le consulter. On connoît les Amours de Diniace et de Déocillis par Antoine Diogène; c'est le premier des romans grecs. Jamblique a peint les Amours de Rhodanis et de Simonide. Achillès-Tatius a composé le roman de Leucippe et de Clitophon. Enfin, Héliodore, évêque de Trica, dans le quatrième siècle, a raconté les Amours de Théagène et de Chariclée.

Mais si les fictions romanesques furent chez les Grecs les fruits du goût, de la politesse et de l'érudition, ce fut la grossiéreté qui enfanta, dans le onzième siècle, nos premiers romans de chevalerie.

Ils tiroient leur source de l'abus des légendes et de la barbarie qui régnoit alors; cependant ces sortes de fictions se perfectionnèrent insensiblement, et ne tombèrent de mode que quand la galanterie prit une nouvelle face au commencement du dix-septième siècle.

Honoré d'Urfé, dit M. Despréaux, homme de grande naissance, dans le Lyonnais, et très-enclin à l'amour, voulant faire valoir un grand nombre de vers qu'il avoit composés pour ses maîtresses, et rassembler en un corps plusieurs aventures amoureuses qui lui étoient arrivées s'avisa d'une invention très-agréable. Il feignit que, dans le Forez, petit pays contigu à la Limagne d'Auvergne, il y avoit, du temps de nos premiers rois, une troupe de bergers et de bergères qui habitoient sur les bords de la rivière du Lignon, et qui, assez accommodés des biens de la fortune, ne laissoient pas néanmoins, par un simple amusement, et pour le seul plaisir, de mener paître par euxmêmes leurs troupeaux. Tous ces bergers et toutes ces bergères, étant d'un fort grand loisir, l'amour, comme on le peut penser, et comme il le raconte lui-même, no

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