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l'admiration de tous les siècles. Reconnoissez Eschyle, le créateur de la tragédie, et voyez dans Sophocle et dans Euripide, ses émules et ses contemporains, les véritables patriarches de l'art dramatique et les modèles désespérans de tout ce qu'il a produit de plus intéressant et de plus sublime. Aristophane les suit, et laisse dans l'ombre Eupolis et Épicharme, qui lui ont indiqué les premiers traits de la Muse comique mais un regard satirique et licencieux donne à ce poète une physionomie sévère, et vos yeux aiment mieux se fixer sur Ménandre, qui sut donner à ses personnages et à leurs discours les grâces de l'esprit et le coloris de la décence.

Voyez ensuite ces trois élèves de la nature qui marchent de front, et qui, dans leurs productions charmantes, ont su réunir tout ce que la poésie pastorale a de plus naïf et de plus aimable, Théocrite, Bion et Moschus, modulant à l'envi et les primitives beautés de la nature, et la touchante simplicité des sentimens qu'elle inspire. Heureux de s'être rencontrés dans les mêmes pensées, la gloire ne les a point séparés; et le sort unit encore sous la même couronne, comme sous la même enveloppe, les ouvrages qu'ils composèrent sous le même ciel et sous la même inspiration.

Peintres inimitables des sentimens et de la candeur des premiers âges, ingénieux créa

teurs de cette riante mythologie qui donne aux insensibles beautés de la nature le charme de la vie, recevez le nouvel hommage de tous les talens et de tous les arts, qui se parent encore de vos fictions et s'enrichissent de votre héritage. Soyez fiers de vos succès : votre séduction entraînera le monde, tant qu'on y recherchera les plaisirs de l'esprit.

Des triomphes plus importans signalent la glorieuse contrée sur laquelle vous avez les yeux. L'art de persuader et de bien dire y trouve des maîtres qui sont les enfans de leur propre génie, et l'éloquence, dès ses premiers essais, y voit naître de sublimes orateurs, comme la liberté et l'amour de la gloire y font naître des héros. Celui que vous remarquez d'abord, est ce Périclès que son esprit et ses talens élevèrent aux premières dignités de sa patrie. Heureux pays, dont la célébrité se rattache aux premières lois qu'avoit dictées Solon! Mais quels hommes le précèdent, le suivent et l'accompagnent? Lysias, Isocrate, Hypéride, Eschine, Phocion et Démosthène. . . Démosthène que les Grecs eussent mis au rang des demi-dieux, si l'éloquence n'eût pas choisi son trône sur la terre.

La Muse de l'histoire vous présente à son tour les hommes illustres auxquels elle confia son burin, et qui depuis ont servi de modèles à tous les autres. Vous les voyez, selon l'ordre

des temps, graver sur d'immortelles tablettes les événemens qui font la gloire de leur nation, et le nom des héros dont le monde devoit chérir la mémoire. C'est d'abord Hérodote, le premier des historiens, et qui, à beaucoup d'égards, en est resté le meilleur; ensuite Thucydide, qui sut imprimer à son style la noble et grave simplicité de son caractère; puis Xénophon, le premier des écrivains qui aperçut l'intime union de la morale avec l'histoire, qui consacra son talent au desir de rendre les hommes plus vertueux, et que sa touchante et douce éloquence fit surnommer l'Abeille attique. Polybe et Diodore de Sicile viennent long-temps après eux; mais la beauté de leurs talens mérite qu'on les rapproche de ceux dont le burin a illustré l'histoire de l'ancienne Grèce.

Quel éclat et que d'ornemens les beaux arts de la peinture et de la sculpture ajoutent à la mythologie et à l'histoire ! C'est du génie des plus célèbres écrivains que semble naître le talent des plus célèbres artistes. Par un prodige qui contrarie le système de la perfectibilité de l'esprit humain, des hommes du premier mérite s'élèvent à une hauteur que leurs imitateurs n'ont jamais pu atteindre; et vous voyez marcher de front, avec les héros, les poètes et les orateurs grecs, Apelles et Phidias, Zeuxis et Praxitèle, Alcamène et Polyclète, si célèbres par l'expression qu'ils don

nèrent à la jeunesse et aux grâces; Myron, et Ctésilaüs, dont le talent vit encore dans le Gladiateur mourant; Agésandre, et Polydore, qu'immortalise la sublime douleur de Laocoon, et tant d'autres dont la faux du temps, en épargnant leurs chefs-d'œuvre, n'a laissé d'incertitude que sur leurs noms, sans en laisser sur leur patrie.

Moins accueillies par l'imagination et le goût, mais plus importantes pour la certitude des faits et l'authenticité des archives du monde, la géographie et la chronologie allument le double flambeau qui doit éclairer l'histoire, et vous les voyez entre les mains de Strabon et de Pausanias, de Méton et de Ptolémée. Le tableau descriptif que présente le premier de ees grands hommes, est encore un modèle de précision et d'exactitude; et pour sa gloire, ainsi que pour celle de la France, il étoit réservé à des savans du premier ordre (1) de nous en faire connoître tout le mérite par une excellente traduction.

Aurai-je besoin de vous nommer les autres hommes bien autrement célèbres qui répandent tant de gloire sur la philosophie, et dont les ouvrages, si utiles au développement de l'esprit humain, ont eu tant d'influence, tant de partisans et tant de commentateurs ! C'est Aristote... c'est Platon! génies supé

(1) MM. Gossellin, du Theil et Coray,

rieurs et dont la renommée égale à peine la fécondité. Ce sont Antisthène et Aristippe, Épicure et Timée de Locres, Leucippe et Théophraste, presque tous disciples de Socrate, le plus probe et le plus illustre d'entre les philosophes; qui n'écrivit rien, mais dont la noble et vertueuse éloquence anima les écrits de Platon, et qui n'eut d'autre ambition que celle de conduire les hommes à la vertu par la route de la sagesse et de la vérité.

Illustres dans plus d'un genre, vous voyez encore ce même Aristote, ce même Platon, à la tête des philologues et des géomètres. C'est à celui-ci qu'on doit le principe de l'analyse géométrique; c'est à l'autre qu'on doit cette Rhétorique et cette Poétique qui font encore l'admiration de tous les hommes de goût, etcet étonnant tableau de l'histoire naturelle, le premier et le plus beau monument que l'esprit de l'homme ait élevé à la gloire de l'auteur même de la nature. C'est dans leurs productions et dans celles des poètes leurs compatriotes, que Longin trouva les matériaux qui devoient composer son immortel Traité du sublime, le protocole du bon goût, et qui en présente à-la-fois et la leçon et le modèle.

Quels noms ont plus illustré les hautes. sciences que ceux des Euclide, des Ératosthène et des Archimède! Votre amour pour la supériorité du génie, dans la hiérarchie des connoissances humaines, eût desiré de les

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