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que ces messieurs qui dorment, cela accommoderait bien ceux qui écoutent.

27. Un gentilhomme aborda un jour Monsieur de Vaines en ces termes: "Est-il vrai, Monsieur, que dans une maison où l'on a eu la bonté de me trouver de l'esprit, vous avez dit que je n'en avais point ?" "Il n'y a pas un seul mot de vrai dans tout cela," répondit Monsieur de Vaines;" je n'ai jamais été dans une maison, où l'on vous trouvât de l'esprit ; et jamais je n'ai dit que vous n'en eussiez point."

28. Fréderic II., roi de Prusse, aperçut de sa fenétre plusieurs personnes qui lisaient une affiche avec une sorte d'empressement: "Va voir ce que c'est," dit-il à un de ses pages. Bientôt il apprend que c'est une satyre contre sa personne. "On l'a attachée trop haut," dit le monarque, "il faut aller la mettre plus bas, afin qu'ils puissent mieux la lire."

29. Le même prince voyant un de ses soldats balafré, lui demanda: "Dans quel cabaret vous a-t-on équipé de la sorte ?" "Dans celui où Votre Majesté a payé l'écot à Colin," répondit le soldat. Le roi, qui y avait été battu, trouva la réplique excellente.

30. Un capitaine, faisant la revue d'une compagnie formée depuis peu, s'aperçut que les soldats étaient presque tous blessés, et dit, en adressant la parole à un sous-officier: "Voilà de bons soldats; mais ceux qui les ont marqués de la sorte étaient encore meilleurs." "Je vous demande pardon, mon capitaine," répliqua l'un d'eux;" car, s'ils nous ont blessés, nous les avons tués."

31. Fox avait emprunté à différents juifs des sommes considérables; et il se flattait que la succession d'un de ses oncles paierait toutes ses dettes. Cet oncle se maria, et eut un fils. Lorsque Fox en fut instruit, il dit: "C'est le Messie que cet enfant; il vient au monde pour la ruine des juifs."

32. La République de Gènes ayant mécontenté

Louis XIV., le doge fut forcé de venir en France accompagné de quatre sénateurs, pour faire des excuses au roi. Le doge vit Versailles dans tout son éclat : et comme on lui demandait ce qui l'y frappait le plus, “ c'est de m'y voir," répondit-il.

33. Voltaire, passant par Soissons, reçut les députés de l'Académie de cette ville. Ceux-ci, pour vanter leur société, lui dirent quelle était la fille aînée de l'Académie Française. "Oui," répondit-il, "fille aînée, fille sage, fille honnête, fille qui n'a jamais fait parler d'elle."

34. Le Marquis de Villette, représentant du peuple, invita à un repas somptueux, avec des dames charmantes, un officier brutal, qui l'avait appelé en duel. Après le dîner il lui dit: "Croyez-vous, Monsieur, qu'on s'expose volontiers à perdre tout cela, et cent vingt mille livres de rente ? Prouvez-moi que vous avez le même sacrifice à faire, et nous nous battrons.

35. Un marchand, poursuivi en justice pour avoir falsifié son tabac, se tira d'affaire en prouvant que dans celui qu'il fabriquait, il n'entrait pas une seule feuille de tabac.

Un autre, accusé de frélater son vin, fut également absous, en prouvant que dans celui qu'il vendait, il n'y avait pas une seule goutte de jus de raisin.

36. On sait que les armes de l'empire d'Allemagne sont un aigle à deux têtes, et celles de la ci-devant république de Venise, un lion volant. Un empereur d'Allemagne demandant à un ambassadeur de Venise, "De quel pays venaient les lions qui volent;" l'ambassadeur, sans hésiter, répliqua: "Ils viennent du pays où les aigles ont deux têtes."

37. Un prélat, qui dans la suite fut fait Cardinal, alla voir un jour le Poussin, célèbre peintre Français, qui était à Rome. Après une conversation prolongée assez avant dans la nuit, le prélat prit congé ; et le

Poussin lui éclaira, en descendant l'escalier, jusqu'à sa voiture. Le prélat, sensible à l'attention du peintre, ne put s'empêcher de lui dire : "Je vous plains, Monsieur, de n'avoir pas même un domestique!" "Et moi, Monseigneur," repartit le Poussin, "je vous plains beaucoup plus d'en avoir un aussi grand nombre."

38. Un secrétaire, qui comme le Poussin avait la maxime qu'avec beaucoup de domestiques l'on n'en est souvent que plus mal servi, battit un jour assez rudement le sien. Le seigneur dont il gérait les affaires, le prit sur le fait, et lui fit les plus vifs reproches. "Comment! Monseigneur, vous me blâmez de ce que je le bats? Savez-vous bien que, quoique je n'aie que ce domestique, je suis aussi mal servi que vous qui en avez trente ?"

39. Un chevalier étant venu voir un chanoine, fut surpris de la simplicité de ses appartements, et lui demanda pourquoi il ne faisait point tapisser ses chambres. Le chanoine, lui montrant deux pauvres dont il prenait soin, répondit: "J'aime mieux revêtir ces pauvres que mes murailles."

40. On reprochait à l'Empereur Théodore d'être trop doux et trop bon envers ses ennemis. "En vérité," répondit-il, "bien loin de faire mourir les vivants, je voudrais pouvoir ressusciter les morts."

41. On engageait Philippe-le-Bel, roi de France, à punir l'Evêque de Pamiers, qui avait été l'un des principaux auteurs des démêlés de ce prince avec le pape:"Je sais," répondit-il, "que je le peux; mais il est beau de le pouvoir, et de ne pas le faire."

42. Le philosophe Xénocrate ne disait mot, dans une société où la médisance allait son train. Quelqu'un lui demanda pourquoi il ne prenait pas part à l'entretien. C'est," répondit-il, "que je me suis souvent repenti d'avoir parlé, et jamais d'avoir gardé le silence.

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43. Quelqu'un vint avertir Charles-Quint qu'un criminel s'était caché près d'une ville sur sa route, afin de profiter de la circonstance pour demander sa grâce. Il eût mieux valu," répondit l'empereur, "lui dire où je suis, que de me dire où il est."

44. Marc Antoine lut avec beaucoup de plaisir l'épitaphe d'un certain roi de Cypre, qui portait: "Je n'ai jamais puni personne qu'après lui avoir pardonné quatre fois; m'étant souvent repenti d'avoir puni, mais jamais d'avoir fait grâce."

45. Fléchier, évêque de Nîmes, était fils d'un bourgeois peu fortuné. Le maréchal de la Feuillade lui dit un jour: "Avouez que votre père serait bien étonné, de vous voir ce que vous êtes." "Non," lui répondit Fléchier, "car ce n'est pas le fils de mon père, c'est moi qu'on a fait évêque.'

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46. Le roi Louis XIII., ayant pris Suze, voulut aller rendre visite au duc de Savoie, sans l'en prévenir; mais le duc en ayant été averti par un de ses gens, descendit pour aller au-devant du roi, qui lui dit: "J'avais envie de vous surprendre, et d'aller jusques dans votre cabinet." Mais le duc repartit agréablement: "Sire, un grand roi, comme Votre Majesté, ne peut facilement se cacher.'

47. Après avoir gagné la bataille de Senef, le grand Condé étant allé saluer Louis XIV., aperçut ce prince qui l'attendait au haut de l'escalier. Comme la goutte dont il était attaqué, ne lui permettait pas de monter aussi vite qu'il l'eût souhaité, il s'écria: "Sire, je demande pardon à Votre Majesté, si je la fais attendre." Le monarque lui répondit: "Mon cher cousin, ne vous pressez pas; quand on est chargé de lauriers, comme vous l'êtes, on ne saurait marcher bien vite."

48. Fléchier eut part aux bienfaits que le roi répandait sur les gens de lettres. Le monarque, voulant récompenser les talents de ce grand prédicateur, le nomma à un évêché, et lui dit à cette occasion: "Ne

soyez pas surpris si j'ai récompensé si tard votre mérite; je craignais d'être privé du plaisir de vous entendre."

49. Voltaire voyageant un jour en poste, un postillon voulait absolument mettre un cheval de plus à la voiture, disant qu'elle était trop lourde. Le maître de poste, qui savait que c'était Voltaire, dit: "Marche, coquin, l'esprit ne pèse rien."

50. Alphonse-le-Grand, roi d'Arragon, donna un exemple très-admirable de sa sensibilité. Une galère chargée de soldats et de maletots allait périr. Il commanda de les secourir; mais voyant que le danger empêchait qu'on n'éxécutât ses ordres, il se mit lui-même sur une chalouppe, pour voler à leur secours. On lui représenta le péril auquel il s'exposait: "Jaime mieux," dit le prince," partager le sort de ces infortunés, que de me borner à en être spectateur."

51. Dans une inondation du Danube, un faubourg de Vienne était ménacé du danger le plus imminent. Les glaces et les bois que le fleuve chariait, intimidaient ceux qui auraient pu apporter du secours. L'empereur, François I., de Lorraine, mort en 1765, était témoin et du danger et du découragement. Il s'élance dans un bateau, en disant: "Je me flatte, qu'en me voyant marcher le premier, on me suivra." L'exemple de ce prince sensible et bienfaisant touche tout le monde, et les malheureux sont sauvés.

52. Pérille, ami d'Aléxandre, ayant demandé à ce prince quelque argent pour marier une de ses filles, il lui fit donner cinquante talents. Cette somme surpassait de beaucoup l'attente de Pérille; il dit à Aléxandre que dix talents suffisaient. "Je crois que ce serait assez pour toi," répliqua le prince, " mais ce serait trop peu pour moi.'

53. Aristodème fils, comme l'on croit, d'un cuisinier, était en grande faveur auprès du roi Antigone. Un jour qu'il conseillait à ce prince de diminuer ses dé

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