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Il y a là trois vipères qui couvent un serpent
Destiné à incendier le monde entier.

Et si mes chères petites bêtes viennent à bien,
Il faudra les nourrir avec une nourriture délicate:

Ce n'est pas avec du lait de femme qu'ils seront nourris,
Mais avec le sang royal des innocents;

Ce sera avec le sang royal des innocents, avant d'aller à l'église pour recevoir le baptême.

Je savais tuer l'enfant dans un coin du porche,

Au moment d'être baptisé, et le prêtre déjà habillé... —

Or ça, Jeanne, à présent que vous êtes condamnée,

Que faut-il faire pour qu'ils ne produisent pas ?

Les mettre au milieu d'un champ, faire du feu tout au tour,

La terre s'entr'ouvrira pour les engloutir!

Mais je vous prie de faire un feu d'enfer,

Car s'il s'en échappe un seul, il incendiera le firmament!

Si j'étais restée encore une année en vie, J'aurais renversé ce monde !...

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NOTES ET VARIANTES.

Comme l'indique le vers suivant, plusieurs fois répété :

Arsa eta Jannedik, brema pa 'z oc'h barnet,

Or ça, Jeanne, à présent que vous êtes condamnée,

il s'agit très-probablement ici d'une condamnation au bûcher, sur soupçon de sorcellerie, cas très-commun aux quinzième et seizième siècles. Cette ballade est très-répandue dans le pays de Lannion, où j'en ai recueilli plusieurs versions qui toutes concordent assez pour ne pas présenter de différences importantes. Je noterai seulement les suivantes :

Le chef de la famille (ann ozac'h iann), après la conversation curieuse qu'il a eue avec sa fille, en traversant le champ de seigle, dit dans une autre version :

Arsa eta, Janedik, poent eo monet d'ar ger,
Ha laret, a wir galon, adieu d'ar pardoniou,
Me wel arru awell, glao, dared ha kurunou!

Or ça donc, Jeanne, il est temps de retourner à la maison,
Et de dire, de bon cœur, adieu aux pardons,

Je vois venir vent, pluie, éclairs et tonnerres !

Puis, devant le procureur fiscal (les chanteurs disent iskar) il s'exprime ainsi :

Me 'm cuz maget ur bugel a oar gwalla ann ed,
Me ho ped, tud ar justiz. da dont d'hi c'homerret.
Me am euz gret ma dever, grit ho hini, mar karet,
Mar karet e profitfet, ha kement 'zo er bet.

J'ai nourri une enfant qui sait gåter le blé;
Je vous prie, gens de la justice, de venir la prendre.
J'ai fait mon devoir, faites le vôtre, si vous voulez :
Profitez, si vous voulez, vous et tous ceux qui sont au monde!

Le procureur fiscal fait venir la jeune fille devant lui, et lui dit :

Demad d'ac'h, plac'hik iaouank, oalet a dric'houec'h vloa,
Gant piou oc'h euz disket ar zorseraj kenta?

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Ma oa gant ur paotr denved a oa en ti ma zad;

Wit beza ur paotr denved, hennes 'oa disket mad.
Am c'hasse gant-han bepnoz da welet ar zabbad,
Allas! me a oa iaouauk, hag am euz profitad!

Pa iz kenta da Baris da deski ar gallek... etc.

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Bonjour à vous, jeune fille âgée de dix-huit ans,
De qui avez-vous appris premièrement la sorcellerie ?
D'un pâtre de moutons qui était chez mon père ;

Et pour être pâtre, celui-là était bien instruit.

Il m'emmenait toutes les nuits au sabbat ;

Hélas! j'étais jeune, et j'y ai profité.

Quand j'allai d'abord à Paris pour apprendre le français... etc.

Rapprocher cette ballade de celle contenue dans le Barzaz-Breiz (6a édi^ tion), p. 135, sous le titre de Héloise et Abeilard.

AR PLAC'HIK HAG INE HI MAMM

AR PLAC'HIK HAG INE

HI MAMM.

GWES KENTA.

I

Ur plac'hik euz a baroz Blan,
'Deuz goulennet gwelet hi mamm;
Gwelet hi mamm ha komz oud-hi,
Gant ar c'heuz braz hi doa d'ez-hi.
Monet 'ra da gaout ar person,
Wit konta d'ez-han hi rezon:

- Ia, ma merc'h, komz gant-hi 'refet, Mar gret 'vel ma vo d'ac'h laret:

Epad ter-noz, a-c'houde koan, Iefet d'ann iliz ho unan;

Kass ganac'h tri davanjer d'eï, Da lakad war 'r bez da bedi.

II

Pa well allumi goulou-glaz,
Bars ann tu-deo d'ann aoter-vraz,
Ez ia bars ar govezion,
Kelennet mad gant ar person,
Nag ewit gwelet ann anaoun,
Oc'h ober tro 'r procession.

Assedet oant 'tre ter vandenn,
Re-du ha re-c'hriz ha re-wenn.
Touez ar re-du ez oa hi mamm,
Oh! Doue, pebeuz da estlamm!
P'ho doa gret ann dro en antier,
Ez ia da gaout hi davanjer;

Ez ia da gaout hi davanjer,
Hag hen laka 'tre nao c'hartier.

En noz warlerc'h, p'oa debret koan, 'Z ia arre d'ann iliz hi hunan;

Kass an ei davanger gant-hi, Da lakad war 'r bez, da bedi.

LA JEUNE FILLE ET L'AME

DE SA MÈRE.

PREMIÈRE VERSION.

I

Une jeune fille de la commune de Blan (1)
A demandé à revoir sa mère (après sa mort);
A revoir sa mère et à lui parler,
Tant elle la regrettait.

Elle va trouver le curé

Pour lui conter son cas:

Oui, ma fille, vous lui parlerez,
Si vous faites comme on vous dira:

Pendant trois nuits, après votre souper,
Vous irez à l'église, seule,

Et vous emporterez trois tabliers à votre mère,
Pour mettre sur sa tombe, pour prier,

II

Quand elle voit allumer une lumière bleue,
Du coté droit du grand autel,

Elle entre dans un confessionnal,

D'après la recommandation du curé,

Pour de là voir les âmes

Faisant la procession.

Elles étaient partagées en trois groupes,
Des noires, des grises et des blanches.

Parmi les noires était sa mère;

Oh! Dieu que sa frayeur fut grande !

Quand elles (les âmes) eurent fini leur procession, Elle (sa mère) va a son tablier;

Elle va au tablier

Et le met en neuf morceaux.

La nuit suivante, après souper,

Elle se rend encore seule à l'église ;

Elle emporte un second tablier,
Pour mettre sur la tombe pour prier.

(1) Je ne connais pas de commune de ce nom en Bretagne.

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