JEANNE LE GUERN. PREMIERE VERSION. I Voilà trois nuits que je n'ai dormi goutte, Et cette nuit je ne le ferai pas encore, En entendant la Vipère Qui siffle au bord de la rivière. Et elle disait par son sifflement Qu'il n'y a de (bonnes) fiançailles qu'une seule fois : Et qui rompt par caprice, Il est détaché net de Dieu, Comme la branche de l'arbre; Détaché net du paradis, Comme le grain de la paille! II Comme Jeanne Le Guern allait à Guingamp, Pour désavouer le sacrement, Et danser devant une croix d'argent, Elle rencontra un jeune gentilhomme; Elle rencontra un jeune gentilhomme, Mais il était vêtu comme un paysan; Un jeune gentilhomme qui était assez bien, Si ce n'est qu'il avait des pieds de cheval. Jeanne Le Guern, dites-moi, A combien de jeunes gens avez-vous fait promesse ? J'ai promis à dix-huit, Mais je n'ai tenu parole à aucun; Mais je n'ai tenu parole a aucun, Vous serez mon mari, si vous voulez. Il y a dix-huit tailleurs chez moi, A me faire des habits neufs; A me faire des habits neufs, Pour me fiancer demain. Et quand les habits neufs furent faits, Ils ne plaisaient pas à Jeanne Le Guern; Da Janet'r Wern na blijent ket, Endann hi zreid ho deuz mac'het. III Ann Aerouant a lavare, 'N ti ar Wern koz pa arrue: Roët d'in skabel d'azeza, Mar ben-me mab-kaër en ti-ma. Mab-kaër en ti-ma n' vefet ket, Gwennou-daoulagad n'oc'h euz ket; Gwennou-daoulagad n'oc'h euz ket, Ho treid a zo 'vel re kezek! Drouk ha mad gant neb a garo, Mab-kaër en ti-ma me vezo; Pa ve ma zreid 'vel re ur c'hi, Ho merc'h Janedik a zo d'in. Ma merc'h Janedik n'ho po ket, Rag ma c'honje vo red kavet. Gant ul lom goad ma biz-bihan, 'M euz gret kontrad oud-hi d' viken! IV Kriz 'vije 'r galon na oelje, 'N ti ar Wern koz neb a vije, 'Welet 'n dut a eured douget, Hag ar wroeg iaouank o kerzet; Hag ar wroeg iaouank o kerzet, Hi inkane n' hi gouzanv ket. Taolet-hi d'in war lost ma marc'h, He-man hi gouzanvo a-walc'h ! Ac'hane neuze n'oe gwelet, Ken oe oc'h antren er vered. Dre ma tostaë d'ann iliz, Pa dro hi bizaj d'ann aoter, 'N aotro ar person a lare Da Janet 'r Wern eno neuze: Janet ar Wern, d'in-me laret, Ur pec'het bennag 'c'h euz nac'het? Ils ne plaisaient pas à Jeanne Le Guern, Et elle les a foulés aux pieds. Le Démon disait III En arrivant chez le vieux Le Guern: Donnez-moi un escabeau, pour m'asseoir, Si je dois être le gendre dans cette maison. Le gendre dans cette maison vous ne serez point, Car vos yeux n'ont pas de blancs; Vos yeux n'ont pas de blancs, Et vos pieds ressemblent à ceux d'un cheval! Je serai gendre dans cette maison; Et quand mes pieds ressembleraient à ceux d'un chien, Votre fille Jeanne m'appartient! Ma fille Jeanne ne vous appartiendra pas, Car il faudra avoir mon congé. Avec une goutte de sang de mon petit doigt J'ai fait contrat avec elle pour l'éternité! IV Dur eut été le cœur de celui qui n'eut pleuré, Chez le vieux Le Guern, En voyant les gens de la noce portés (sur des chevaux) Et la jeune fiancée allant à pied ; Et la jeune fiancée allant à pied, Sa haquenée ne la supportait pas. Jetez-la moi sur la croupe de mon cheval, Celui-ci la supportera bien! A partir de ce moment on ne la vit plus, Jusqu'au moment d'entrer dans le cimetière. A mesure qu'elle approchait de l'église, Quand elle tourne son visage vers l'autel, Monsieur le curé disait A Jeanne Le Guern, en voyant cela : Me n'am euz n'achet nep pec'het, Med seiz promese am euz gret; Ia, seiz promese, siouaz d'in, Janet ar Wern, d'in-me laret, War he inkane eo pignet, Ervoanik 'r Bail, d'in-me laret, C'hui zelivrfe 'n ine daonet; C'hui zelivrfe 'n ine daonet, O komer Janet 'r Wern da bried? Hag a raï vel ma lavarfet, Lammet m' mantel diwar ma chouk, Ma loski' ra vel ann tan-broud! Ma zeienn eured, ma gwalenn, V Ann aerouant a lavare Euz sonerrienn 'n eured neuze: Sonerrienn 'n eured, d'in laret, C'hoari-gaer 'zo bet er banket? C'hoari-gaer 'r banket n'euz ket bet, Janedik ar Wern 'zo kollet. Je n'ai nié aucun péché, Mais j'ai fait sept promesses; Oui, sept promesses, pour mon malheur, Sans me marier à aucun ! Jeanne Le Guern, dîtes-moi, A qui fites-vous la première promesse? - Le prêtre, à ces mots, Est monté sur sa haquenée; Il est monté sur sa haquenée, -Yves Le Bail, dites-moi, Et ferai ce que vous me direz; Je ferai ce que vous me direz, Je prendrai Jeanne Le Guern pour femme. Qu'elle ne connaissait pas cet homme; Qu'elle ne connaissait pas cet homme, Et qu'elle était avec celui qu'elle aimait. Otez-moi mon manteau de dessus les épaules, Il me brûle comme la braise! Enlevez-moi ma ceinture, Ma ceinture de noces et mon anneau; Ma ceinture de noces et mon anneau, Ils me brûlent comme le feu de l'enfer ! V Le Démon disait Alors aux sonneurs de la noce : Sonneurs de la noce, dites-moi, Y a-t-il eu beau jeu au banquet? Il n'y a pas eu beau jeu au banquet, Car Jeanne Le Guern est perdue! Sonneurs de la noce, dites-moi, Désirez-vous la revoir? |