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A cette nou

deux heures à vivre. velle il rentra en lui-même; il démanda un Prêtre; il fit de très-humbles excufes à Lucie de la violence. qu'il lui avoit faite; & pour réparation il lui donna fa Caffette avec un billet de vingt mille florins fur un Bourgeois de Bafle. Le Prêtre étant arrivé, il fe confessa; il reçût l'absolution, & expira un moment aprés. Son Corps a été dépofé dans l'Eglife du lieu, jufqu'à ce que l'on fache ce que fes Parens en voudront faire. A l'égard de vôtre fille elle eft revenuë chès vous avec la Caffette & le billet qui lui ont été. légués; & c'est eette bonne nouvelle que nous fom

mes venus vous annoncer.

Le Païfan aïant fini de parler, le Pére de Lucie leva les yeux au Ciel, & remercia Dieu de tout fon cœur de la protection vifible, qu'il avoit donnée à fa fille dans cette occafion; il fit préfent enfuite aux Païfans de tout l'argent qu'il avoit fur lui, pour païer la bonne nouvelle qu'ils étoient venus lui annoncer; & aïant pris congé du Prince il retourna chès lui.

Cette avanture, nous fit faire dans

le:

On

fe moment bien des réfléxions. ne pût s'empêcher de reconnoître la main de Dieu dans cette mort fi imprévue du Marquis, & fa providence divine dans la délivrance de Lucie. Nous en conclûmes que le crime & la vertu trouvent tôt ou tard leur récompense.

Nous nous repofâmes dans la même Auberge, jufqu'au lendemain que le Prince nous donna ordre à Fabricio & à moi, de prendre les devans, afin que nous pûffions arriver à Paris quelque tems avant lui, pour lui louer un Hôtel, & le faire garnir de toutes les chofes néceffaires.

CHAPITRE VII.

Avantures arrivées à Mario dans son vayage de Bafle à Paris.

J

Ufques dans la Lorraine il ne nous arriva rien de particulier; nous l'avions prefque toute traverfée, lorfqu'un foir la nuit nous furprit dans une Forêt, & aflés loin d'un Village où nous devions aller cou

cher

cher.

Les ténébres devinrent à la fin fi grandes, que s'il y eut eu plus d'un chemin fraïé nous aurions couru rifque de nous égarer; mais comme il n'y avoit qu'une grande route nous marchions avec confiance. Cepen dant aïant defcendu dans un petit Vallon, où le chemin paroiffoit fe partager en deux, nous nous trouvâmes dans un grand embarras, ne fachant lequel des deux nous devions prendre.

Tandis que nous confultions, le Valet de Fabricio apperçût du côté gauche une lumiére, qui n'étoit pas fort éloignée; nous prîmes le parti d'y aller, pour nous faire remettre fur la voie. Nous en étions à peine à une portée de fufil, que nous entendîmes un grand bruit de gens qui fe réjouiffoient. Nous fimes halte pour tenir confeil fi nous avancerions ou non. Je me doutois quelle forte de gens ce pouvoit être; car depuis que nous étions entrés dans la Lorraine nous n'avions entendu parler que des Brigandages d'une quarantaine de Voleurs, que l'on avoit nommés la Bande joieufe. Fabricio néanmoins plus expérimenté que moi dans les voïa

ges,

ges, nous dit que ce n'étoit autre chofe qu'une Noce de Parfans; & que nous ne pouvions nous difpenfer d'approcher pour prendre langue, à moins que de nous expofer à battre les bois toute la nuit.

La réfolution étant prife d'avancer, je demandai, que châcun regardât fi fes piftolets étoient en état; ce qui étant fait, nous mîmes nos chevaux, au pas, & nous marchâmes tous fur une même ligne. Nous étions prêts d'arriver à la maifon, lors qu'une fille qui avoit entendu le bruit de nos chevaux, s'avança au devant de nous & nous parla en ces termes : Mes chers Meffieurs, vous étes perdus, .fi Vous ne vous en retournez. C'est ici la retraite ordinaire de la Bande joieufe. Ils font actuellement trente fix à table à fe divertir. Profitez du tems pour vous fauver, mais fauvez moi avec vous; car je fuis une de ces pauvres filles qu'ils ont enlevées à leurs parens, & qui font ici exposées à leur brutalité. Il n'étoit pas tems de s'arrêter à difcourir, de crainte d'interrompre ces braves gens dans leurs plaifirs. Mon Valet de chambre fit monter cette fille derrière lui

&

& fuivant au galop la route qu'elle nous montra, nous nous éloignâmes bien vîte de ce coupe-gorge.

mourantes.

Nous étions prêts à fortir de la Forêt, lorfque nous entendîmes des cris bien différens des prémiers; c'étoient des gémiffemens de perfonnes Comme nôtre Libératriçe nous avoit dit en chemin, que les Voleurs avoient fait ce jour-là une bonne capture, il n'y avoit point à douter que ce ne fuffent les Voiageurs volés, qui rendoient dans ce lieu les derniers foupirs. Fabricio étoit d'avis que nous continuaffions nôtre route, fans nous arrêter. La pitié me fit penfer antremenr; je mis pié à terre; fon Valet de chambre en fit de même, auffi bien que mon. Lacquais, & nous pénétrâmes tous trois dans le bois, tandis que les trois autres gardoient nos chevaux.

Nous arrivâmes, avec bien de la peine, au travers des broflailles à l'endroit d'où. partoient les gémislemens, & nous y rencontrâmes une Dame, & un jeune enfant, tout nuds, attachés par les bras au même arbre. Nous les déliâmes & les emmenâmes avec nous. Je pris la Dame

der

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