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table, profitons du tems & montez a vec moi. A ces mots, j'ordonnai à deux lacquais, qui m'avoient accompagné, de m'attendre à quatre pas de la porte. Je fuivis le Garçon Chirurgien, & je gagnai à petit bruit la chambre de Julie. Comme elle étoit couchée, & que les rideaux étoient tirés, je pris à la main la bougie de la lanterne foudre & je m'approchai du lit. Je ne donnai pas à Julie le tems de reconnoître mes traits; elle m'entendit plûtôt qu'elle ne me vit: Perfide, lui dis-je, reconnois cet Amant trop crédule, que tu n'as pas eu honte de tromper. Ah! fcélérate je te retrouve enfin. C'eft dont ici le Monaftére où tu as dépofé le fruit de tes impudiques amours.

A ces paroles Julie me parût toute émuë; elle me regarda avec des yeux où la fraïeur étoit peinte, & fans rien. dire; mais un moment après, aïant repris fes efprits. Il n'eft plus tems, me dit-elle, d'un ton affés ferme, d'ufer de déguisement. Je fuis criminelle. Je ne prétends pas pourtant par cet aveu toucher vôtre pitié. Je fais combien j'en fuis indigne. Je ferois même la prémiére à vous porter à me perdre, fi

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la honte du traitement, que vous me feriez fouffrir ne devoit pas rejaillir fur vous. Confervez moi donc l'honneur, puis qu'il eft inféparable du vôtre. Je puis couvrir mon opprobre du manteau de la Religion: fouffrez que j'entre dans un Monaftére au fortir d'ici. J'aurai facilement la liberté d'y faire profeffion, puisque nôtre Mariage n'eft pas confommé; & vous pourrez alors vous unir à une autre Epoufe, plus digne de vous.

Elle me dit une infinité d'autres chofes qui marquoient la fincérité de fon repentir,& qui me furprirent d'autant plus, que je n'attendois rien de fi fage d'une perfonne encore malade, & toute troublée d'une entrevûë, à laquelle elle ne devoit pas être préparée. Je n'ai rien, lui dis-je, à repliquer à vos difcours. J'en pafferai par tout ce que vous fouhaitez. Je veux bien même vous affûrer vôtre dot, avec une penfion honnête. La feule chofe que je vous demande, c'est que vous éxécutiez promptement vôtre promeffe; je tiendrai la mienne. En prononçant ces derniéres paroles, je pris congé d'elle, & lui dis ,un éternel adieu.

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CHAPITRE IV.

Mario fe met à la fuite d'un Prince pour voiager; & de ce qui lui arriva en chemin.

Es conventions que j'avois faites,

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avec Julie furent exactement accomplies; de forte que je me tirai d'un fi mauvais pas, avec un fuccès, qui furpaffoit mon attente. Cependant la fcéne n' voit été nullement de mon goût. D'ailleurs, je ne pouvois ignorer, que bien des perfonnes ne penfoient pas auffi charitablement fur mon compte & fur la vertu de Julie, qu'elles le faifoient paroître. C'en étoit affés pour me faire haïr le féjour de Florence; mais je ne pouvois me réfoudre à m'éloigner d'un Pére, âgé de plus de qua-tre-vingts ans. Sa mort, qui arriva dans ces entrefaites, & qui me mit en poffeffion de tous fes biens leva la difficulté.

Le deffein étoit formé; il ne s'agifloit que de l'éxécution. Elle rut déterminée par l'invitation d'un de mes amis, qui étoit fur le point d'aller voir la plupart des Cours de l'Europe, à la fuite du Prince N.... Il ne ceffoit de m'entretenir de fon voïage futur, &

il

il le faifoit dans des termes fi vifs & fi joïeux, qu'il n'eût pas de peine, à me donner envie d'être de la partie. Cet ami fe nommoit Fabricio, comme j'aurai occafion de parler de lui dans la fuite, je crois devoir dire quelque chofe de fon caractére.

C'étoit un Gentilhomme Florentin d'environ vingt-fept ans, d'un air froid & férieux, mais qui avoit tant d'efprit & de politeffe, que fi fon abord ne prévenoit pas en fa faveur, l'on ne pouvoit converfer avec lui, fans l'aimer. Quoique froid à glacer fes difcours étoient pleins de vivacité & de fel, ce qui plaifoit d'autant plus qu'il n'y avoit rien d'affecté; il avoit du cœur & de l'honneur: au reste fur le fait de la fincérité il étoit un peu Italien. Dès nôtre enfance nous nous étions liés d'une étroite amitié, & le peu d'années, que nous avions paflé fans nous voir, n'avoit rien diminué de nôtre eftime. J'étois ravi de voïager avec lui. Je lui donnai ma parole de l'accompagner, fi je pouvois avoir une place honorable dans ia Maifon du Prince N.... Il me fit admettre au nombre des Gentilshommes de fon Alteile, & fi-tôt que j'en ́

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eûs reçû la nouvelle, je me préparai pour le voiage. J'y apportai tout le fecret poffible, de peur que ines Parens,ou mes amis en aïant connoiffance, ne travaillaffent à y mettre quelques ob ftacles. Le jour du départ étant enfin arrivé, je me mis en route, fans dire adieu à perfonne, & je laiffai avec tout le contentement poffible ma robbe & mes livres de droit, pour ne les jamais revoir.

Quelque diligence que j'euffe fait, je ne pûs joindre le Prince qu'à Milan. Fabricio me préfenta à fon Alteffe, qui me fit un accucil des plus gracieux. Nous féjournâmes dans cette grande Ville. Le Prince y fut logé chès le Gouverneur, qui lui rendit tous les honneurs imaginables.

Je n'entreprendrai pas de donner la defcription de Milan, non plus que celle des autres Villes, où nous paffâmes; je laiffe cette tâche à ceux qui font curieux de donner la relation de leurs voïages. Pour moi, je me borne à décrire mes avantures.

De Milan nous prîmes donc nôtre route par Varaife, afin d'entrer en France par la Suiffe, le Prince aïant des raifons particuliéres pour éviter le Piémont & la Savoie. Nous mar

AYLOR

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