el; qu'on avoit déjà arrêté le Coufin d'Euphrofine; & qu'il n'y avoit plus déformais de fûreté pour moi fur les Terres de la Compagnie. Elle ajoutoit qu'elle m'envoyoit une boëte, où il y avoit quelques piéces d'or, & des pierreries pour environ quatre-vingt mille florins, qui pourroient fervir à me faire vivre agréablement, en attendant que nous puffions nous rejoindre.

Je répondis à Euphrofine pour la remercier de fa générofité; je lui fis tout le détail de l'avanture; je lui promis de lui être fidéle jusqu'au tombeau; je l'affûrai que je m'embarquerois fur le prémier Vaiffeau que je pourrois trouver, & l'exhortai d'en faire de même, afin que nous puffions nous revoir bien-tôt.

Pour fupprimer des circonstances peu intéreffantes, je me borne à dire que je me rendis au bout d'un Mois à Bantam. La prémiére chofe que je fis, lors que j'y fus arrivé, ce fut de m'informer fi l'on n'attendoit point quelques Vaiffeaux, qui duffent retourner en Eurrope. J'appris avec plaifir qu'il arriveroit au prémier jour un vaiffeaux Anglois.

Il parut effectivement quelques jours après mon arrivée; & dans le tems qu'il vendoit fes marchandises, je fis accord avec le Capitaine pour me paffer en Angleterre.

CHAPITRE VIII.

Il apprend la mort de la jeune Veuve; ik s'embarque pour retourner en Europe.

Andis qu'éloigné d'Euphrofine,

The prenois des mesures pour la

je rejoindre, le plûtôt qu'il me feroit poffible; j'appris la nouvelle la plus accablante du monde. Je veux dire la mort de cette adorable Veuve. Elle étoit morte presque fubitement à Ba tavia. Les circonftances mêmes, que l'on en publia, n'augmentérent pas peu mon défespoir. Car quoique beaucoup de perfonnes attribuaflent fa mort aux grands mouvemens qu'elle s'étoit donnés, pour preffer fon départ, d'autres, prétendoient, qu'il y avoit eû de violens foupçons de poi fon; mais que l'on n'avoit pas jugé à propos d'approfondir cette affaire,

par

parce que fes parens étoient puiffans, & pour la plupart dans le Confeil de la Compagnie.

Je fus fi fenfiblement touché de cette funefte nouvelle, que j'en perdis l'ufage des fens; & je m'en trouvai fi trouble que je ne favois plus ce que je fai ois. Plus d'une fois je pris la réfolution de repaffer à Batavia, d'y aller immoler à mon reffentiment tous les Parens d'Euphrofine, & de mourir enfuite après avoir vengé fa mort & mon amour. Ce fut la difficulté de l'éxécution, plutôt que le péril, qui m'arrêta. Je pris donc le parti de m'abandonner à mon défespoir. Je tournois continuellement les yeux du côté du lieu, qui caufoit mes douleurs; & les triftes penfées, dont j'étois agité, me dechiroient tellement le cœur, que dans peu de jours je tombai dans une foibleffe extrême, qui me mit à deux doigts de la mort. Cependant foit que ce fut l'effet de l'amour que l'on a naturellement pour la vie, ou celui des réfléxions que me fit faire le Capitaine Anglois avec qui je m'étois accordé pour mon paffage; j'ouvris enfin les yeux : je fis un effort fur moi-même & je I 4

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confentis à prendre les moïens propres pour me guérir. J'y réüffis; j'étois même abfolument remis, lors que je m'embarquai fur le vaiffeau Anglois où je puis dire à la louange du Capitaine & de fes Officiers, tous gens polis & fpirituels, qu'ils ne négligérent rien, pour combattre ma douleur & pour diffiper ma mélancholie.

Mais celui à qui j'eus les plus grandes obligations, fut le Capitaine. Il ne m'abandonna pas un moment, & fit tout le long de la route tout ce qu'il pût pour me diffiper. Ce que je trouvai encore en lui de furprenant, & qui ne me donna pas une petite preuve de la bonté de fon cœur ; c'eft que dans une legére indifpofition qui me furvînt, il me força de prendre fa chambre, & de coucher dans fon lit.

Ces bons traitemens m'attachérent, à lui fi fortement, que lors que nous fumes arrivés à Londres, je ne pûs le quitter. Je demandai à loger dans fa maifon, où il y avoit un appartement très-commode, qui n'étoit point occupé; il me l'accorda volontiers, & nous menâmes une vie très-gracieuse durant fix femaines, que je demeurai à Londres. J'y euffe fait un plus long.