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voulez, ou plutôt si vous pouvez examiner paisiblement avec moi ce que c'est, passez à la lettre L.

DÉVOT.

L'Évangile au chrétien ne dit en aucun lieu :
Sois dévot; elle dit : Sois doux, simple, équitable;
Car d'un dévot souvent au chrétien véritable
La distance est deux fois plus longue, à mon avis,
Que du pôle antarctique au détroit de Davis.
BOILEAU, sat. x1.

Il est bon de remarquer dans nos questions, que Boileau est le seul poëte qui ait jamais fait Évangile féminin. On ne dit point la sainte Évangile, mais le saint Évangile. Ces inadvertances échappent aux meilleurs écrivains; il n'y a que des pédans qui en triomphent. Il est aisé de mettre à la place:

L'Évangile au chrétien ne dit en aucun lieu :

Sois dévot; mais il dit : Sois doux, simple, équitable.

A l'égard de Davis, il n'y a point de détroit de Davis, mais un détroit de David. Les Anglais mettent un s au génitif, et c'est la source de la méprise. Car au temps de Boileau personne en France n'apprenait l'anglais, qui est aujourd'hui l'objet de l'étude des gens de lettres. C'est un habi

* Ce détroit, entre l'île de James et la côte occidentale du Groënland, prend son nom de Jean Davis, Anglais, qui le découvrit en 1585.

tant du mont Krapack qui a inspiré aux Français le goût de cette langue, et qui leur ayant fait connaître la philosophie et la poésie anglaise, a été pour cela persécuté par des Welches.

Venons à présent au mot dévot; il signifie dévoué; et dans le sens rigoureux du terme, cette qualification ne devrait appartenir qu'aux moines et aux religieuses qui font des voeux. Mais comme il n'est pas plus parlé de vœux que de dévots dans l'Évangile, ce titre ne doit en effet appartenir à personne. Tout le monde doit être également juste. Un homme qui se dit dévot ressemble à un roturier qui se dit marquis; il s'arroge une qualité qu'il n'a pas. Il croit valoir mieux que son prochain. On pardonne cette sottise à des femmes; leur faiblesse et leur frivolité les rendent excusables : les pauvres créatures passent d'un amant à un directeur avec une bonne foi; mais on ne pardonne pas aux fripons qui les dirigent, qui abusent de leur ignorance, qui fondent le trône de leur orgueil sur la crédulité du sexe. Ils se forment un petit sérail mystique, composé de sept ou huit vieilles beautés, subjuguées par le poids de leur désœuvrement; et presque toujours ces sujettes payent des tributs à leur nouveau maître. Point de jeune femme sans amant, point de vieille dévote sans un directeur. Oh! que les Orientaux sont plus sensés que nous! Jamais un bacha n'a

⚫dit: Nous soupâmes hier avec l'aga des janissaires qui est l'amant de ma sœur, et le vicaire de la mosquée, qui est le directeur de ma femme.

DICTIONNAIRE.

La méthode des dictionnaires, inconnue à l'antiquité, est d'une utilité qu'on ne peut contester; et l'Encyclopédie, imaginée par MM. d'Alembert et Diderot, achevée par eux et par leurs associés avec tant de succès malgré ses défauts, en est un assez bon témoignage. Ce qu'on y trouve à l'article DICTIONNAIRE doit suffire; il est fait de main de maître.

Je ne veux parler ici que d'une nouvelle espèce de dictionnaires historiques qui renferment des mensonges et des satires par ordre alphabétique : tel est le Dictionnaire historique, littéraire et critique, contenant une idée abrégée de la vie des hommes illustres en tout genre, et imprimé en 1758, en six volumes in-8°, sans nom d'auteur 1.

Les compilateurs de cet ouvrage commencent par déclarer qu'il a été entrepris «< sur les avis de « l'auteur de la Gazette ecclésiastique, écrivain redoutable, disent-ils, dont la flèche, déja comparée à celle de Jonathas, n'est jamais retournée

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** L'auteur, ou plutôt les auteurs de cette compilation sont les oratoriens Guibaud et Valla, et surtout l'abbé Barral, qui publia l'ouvrage. (L. D. B.)

« en arrière, et est toujours teinte du sang des <«< morts, du carnage des plus vaillans : » A sanguine interfectorum, ab adipe fortium sagitta Jonathæ nunquam rediit retrorsum 1.

On conviendra sans peine que Jonathas, fils de Saul, tué à la bataille de Gelboé, a un rapport immédiat avec un convulsionnaire de Paris qui barbouillait les Nouvelles ecclésiastiques dans un grenier en 1758.

L'auteur de cette préface y parle du grand Colbert. On croit d'abord que c'est du ministre d'état qui a rendu de si grands services à la France; point du tout, c'est d'un évêque de Montpellier. Il se plaint qu'un autre dictionnaire n'ait pas assez loué le célèbre abbé d'Asfeld, l'illustre Boursier, le fameux Gennes, l'immortel Laborde, et qu'on n'ait pas dit assez d'injures à l'archevêque de Sens, Languet, et à un nommé Fillot, tous gens connus, à ce qu'il prétend, des colonnes d'Hercule à la mer Glaciale. Il promet qu'il sera « vif, fort et piquant, par principe de religion; qu'il rendra << son visage plus ferme que le visage de ses en<< nemis, et son front plus dur que leur front, «< selon la parole d'Ézéchiel. »

Il déclare qu'il a mis à contribution tous les journaux et tous les ana, et il finit par espérer que le ciel répandra ses bénédictions sur son travail. 1* Rois, liv. 11, ch. 1, v. 22. (L. D. B.)

Dans ces espèces de dictionnaires, qui ne sont que des ouvrages de parti, on trouve rarement ce qu'on cherche, et souvent ce qu'on ne cherche pas. Au mot Adonis, par exemple, on apprend que Vénus fut amoureuse de lui; mais pas un mot du culte d'Adonis, ou Adonaï chez les Phéniciens; rien sur ces fêtes si antiques et si célèbres, sur les lamentations suivies de réjouissances qui étaient des allégories manifestes, ainsi que les fêtes de Cérès, celles d'Isis, et tous les mystères de l'antiquité. Mais en récompense on trouve la religieuse Adkichomia qui traduisit en vers les Psaumes de David au seizième siècle, et Adkichomius, qui était apparemment son parent, et qui fit la Vie de Jésus-Christ en bas-allemand.

On peut bien penser que tous ceux de la faction dont était le rédacteur sont accablés de louanges, et les autres d'injures. L'auteur, ou la petite horde d'auteurs qui ont broché ce vocabulaire d'inepties, dit de Nicolas Boindin, procureur-général des trésoriers de France, de l'académie des belles lettres, qu'il était poëte et athée.

Ce magistrat n'a pourtant jamais fait imprimer de vers, et n'a rien écrit sur la métaphysique ni sur la religion.

Il ajoute que Boindin sera mis par la postérité au rang des Vanini, des Spinosa et des Hobbes. Il ignore que Hobbes n'a jamais professé l'athéisme,

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