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X. DE LA PRÉSENTE ÉGLISE GRECQUE.

Si quelque chose peut nous donner une grande idée des mahométans, c'est la liberté qu'ils ont laissée à l'église grecque. Ils ont paru dignes de leurs conquêtes, puisqu'ils n'en ont point abusé. Mais il faut avouer que les Grecs n'ont pas trop mérité la protection que les musulmans leur accordent; voici ce qu'en dit M. Porter, ambassadeur d'Angleterre en Turquie:

« Je voudrais tirer le rideau sur ces disputes << scandaleuses des Grecs et des Romains au sujet « de Bethléem et de la Terre-Sainte, comme ils

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l'appellent. Les procédés iniques, odieux, qu'elles << occasionnent entre eux font la honte du nom «< chrétien. Au milieu de ces débats, l'ambassadeur chargé de protéger la communion romaine, malgré sa dignité éminente, devient véritable<< ment un objet de compassion.

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« Il se lève dans tous les pays de la croyance << romaine des sommes immenses, pour soutenir <«< contre les Grecs des prétentions équivoques à << la possession précaire d'un coin de terre réputée «< sacrée, et pour conserver entre les mains des << moines de leur communion les restes d'une « vieille étable à Bethléem, où l'on a érigé une chapelle, et où, sur l'autorité incertaine d'une << tradition orale, on prétend que naquit le Christ;

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«< de même qu'un tombeau, qui peut être, et plus << vraisemblablement peut n'être pas ce qu'on ap

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pelle son sépulcre : car la situation exacte de ces << deux endroits est aussi peu certaine que la place

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Ce qui rend les Grecs encore plus méprisables aux yeux des Turcs, c'est le miracle qu'ils font tous les ans au temps de Pâques. Le malheureux évêque de Jérusalem s'enferme dans le petit caveau qu'on fait passer pour le tombeau de notre Seigneur Jésus-Christ, avec des paquets de petite bougie; il bat le briquet, allume un de ces petits cierges, et sort de son caveau en criant : « Le feu « du ciel est descendu, et la sainte bougie eșt << allumée. >> Tous les Grecs aussitôt achètent de ces bougies, et l'argent se partage entre le commandant turc et l'évêque.

On peut juger par ce seul trait de l'état déplorable de cette église sous la domination du Turc.

L'église grecque, en Russie, a pris depuis peu une consistance beaucoup plus respectable, depuis que l'impératrice Catherine II l'a délivrée du soin de son temporel; elle lui a ôté quatre cent mille esclaves qu'elle possédait. Elle est payée aujourd'hui du trésor impérial; entièrement soumise au gouvernement, contenue par des lois sages, elle ne peut faire que du bien; elle devient tous les jours savante et utile. Elle a aujourd'hui

DICTIONN. PHILOS. T. IV.

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un prédicateur nommé Platon, qui a fait des ser

mons que l'ancien Platon

avoués.

grec n'aurait pas dés

ÉGLOGUE.

Il semble qu'on ne doive rien ajouter à ce que M. le chevalier de Jaucourt et M. Marmontel ont dit de l'églogue dans le Dictionnaire encyclopédique; il faut, après les avoir lus, lire Théocrite et Virgile, et ne point faire d'églogues. Elles n'ont été jusqu'à présent parmi nous que des madrigaux amoureux, qui auraient beaucoup mieux convenu aux filles d'honneur de la reine-mère qu'à des bergers.

I

L'ingénieux Fontenelle, aussi galant que philosophe, qui n'aimait pas les anciens, donne le plus de ridicule qu'il peut au tendre Théocrite, le maître de Virgile; il lui reproche une églogue qui est entièrement dans le goût rustique; mais il ne tenait qu'à lui de donner de justes éloges à d'autres églogues qui respirent la passion la plus naïve, exprimée avec toute l'élégance et la molle douceur convenable aux sujets.

Il y en a de comparables à la belle ode de Sapho, traduite dans toutes les langues. Que ne nous donnait-il une idée de la Pharmaceutrée, imitée par

** Discours sur la nature de l'Églogue; au commencement. (L. D. B.) 2* Seconde Idylle de Théocrite (la Magicienne). Longepierre dit

Virgile, et non égaléc peut-être! On ne pourrait pas en juger par ce morceau que je vais rapporter; mais c'est une esquisse qui fera connaître la beauté du tableau à ceux dont le goût démêle la force de l'original dans la faiblesse même de la copie :

Reine des nuits, dis quel fut ton amour':
Comme en mon sein les frissons et la flamme
Se succédaient, me perdaient tour à tour;
Quels doux transports égarèrent mon ame;
Comment mes yeux cherchaient en vain le jour;
Comme j'aimais, et sans songer à plaire!
Je ne pouvais ni parler ni me taire...
Reine des nuits, dis quel fut mon amour.

Mon amant vint. O momens délectables!
Il prit mes mains, tu le sais, tu le vis,
Tu fus témoin de ses sermens coupables,
De ses baisers, de ceux que je rendis,
Des voluptés dont je fus enivrée.

Momens charmans, passez-vous sans retour?
Daphnis trahit la foi qu'il m'a jurée.

Reine des cieux, dis quel fut mon amour.

Ce n'est là qu'un échantillon de ce Théocrite dont Fontenelle fesait si peu de cas. Les Anglais,

en propres termes : « J'ai oui dire à M. Racine, si bon juge et si grand maître en cette matière, qu'il n'a rien vu de plus vif ni de plus beau dans toute l'antiquité. » (L. D. B.)

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1* M. Firmin Didot, qui a donné une élégante traduction en vers des poëmes bucoliques de Théocrite et de Virgile, observe avec raison qu'il ne faut pas dire ici« dis quel fut, etc. Dans cette circonstance, où Simethe en effet raconte à la lune l'histoire de son amour, le verbe opáč ne signifie pas autre chose que, pense, vois, réfléchis. (L. D. B.)

qui nous ont donné des traductions en vers de tous les poëtes anciens, en ont aussi une de Théocrite; elle est de M. Fawkes: toutes les graces de l'original s'y retrouvent. Il ne faut pas omettre qu'elle est en vers rimés, ainsi que les traductions anglaises de Virgile et d'Homère. Les vers blancs, dans tout ce qui n'est pas tragédie, ne sont, comme disait Pope, que le partage de ceux qui ne peuvent pas rimer.

Je ne sais si, après avoir parlé des églogues qui enchantèrent la Grèce et Rome, il serait bien convenable de citer une églogue allemande, et surtout une églogue dont l'amour n'est pas le principal sujet; elle fut écrite dans une ville qui venait de passer sous une domination étrangère.

ÉGLOGUE ALLEMANDE.

HERNAND, DERNIN.

DERNIN.

Consolons-nous, Hernand, l'astre de la nature

Va de nos aquilons tempérer la froidure;

Le zéphyr à nos champs promet quelques beaux jours.
Nous chanterons aussi nos vins et nos amours:

Nous n'égalerons point la Grèce et l'Ausonie;
Nous sommes sans printemps, sans fleurs et sans génie ;
Nos voix n'ont jamais eu ces sons harmonieux
Qu'aux pasteurs de Sicile ont accordés les dieux.
Ne pourrons-nous jamais, en lisant leurs ouvrages,
Surmonter l'âpreté de nos climats sauvages,
Vers ces coteaux du Rhin que nos soins assidus
Ont forcés à s'orner des trésors de Bacchus?

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