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milliers de catholiques romains dans les îles du Japon; mais le diable sema son ivraie au milieu du bon grain. Les jésuites, à ce qu'on croit, formèrent une conjuration suivie d'une guerre civile, dans laquelle tous les chrétiens furent exterminés en 1638. Alors la nation ferma ses ports à tous les étrangers, excepté aux Hollandais, qu'on regardait comme des marchands, et non pas comme des chrétiens, et qui furent d'abord obligés de marcher sur la croix, pour obtenir la permission de vendre leurs denrées dans la prison où on les renferme lorsqu'ils abordent à Nangazaki.

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La religion catholique, apostolique et romaine fut proscrite à la Chine dans nos derniers temps, mais d'une manière moins cruelle. Les RR. PP. jésuites n'avaient pas, à la vérité, ressuscité des morts à la cour de Pékin; ils s'étaient contentés d'enseigner l'astronomie, de fondre du canon, et d'être mandarins. Leurs malheureuses disputes avec des dominicains et d'autres scandalisèrent à tel point le grand empereur Yong-Tching, que ce prince, qui était la justice et la bonté même, fut assez aveugle pour ne plus permettre qu'on enseignât notre sainte religion, dans laquelle nos missionnaires ne s'accordaient pas. Il les chassa avec une bonté paternelle, leur fournissant des subsistances et des voitures jusqu'aux confins de son empire.

Toute l'Asie, toute l'Afrique, la moitié de l'Europe, tout ce qui appartient aux Anglais, aux Hollandais, dans l'Amérique, toutes les hordes américaines non domptées, toutes les terres australes, qui sont une cinquième partie du globe, sont demeurées la proie du démon, pour vérifier cette sainte parole: « Il y a beaucoup d'appelés, peu d'élus. » ( Matth., xx, 16)*.

<< mais

Y. DE LA SIGNIFICATION Du mot église, portrait de l'église PRIMITIVE. DÉGÉNÉRATION. examen des SOCIÉTÉS QUI ONT VOULU RÉTABLIR L'ÉGLISE PRIMITIVE, ET PARTICULIÈrement DES PRIMITIFS APPELÉS QUAKERS.

Ce mot grec signifiait, chez les Grecs, assemblée du peuple. Quand on traduisit les livres hébreux en grec, on rendit synagogue par église 1, et on se servit du même nom pour exprimer la société juive, la congrégation politique, l'assemblée juive, le peuple juif. Ainsi, il est dit dans les Nombres : « Pourquoi avez-vous mené l'église << dans le désert? » Et dans le Deuteronome 3 : « L'eu<«< nuque, le Moabite, l'Ammonite, n'entreront pas << dans l'église; les Iduméens, les Égyptiens, n'entre

* Ici finit le morceau qui fesait double emploi dans l'article CHRISTIANISME.

** Voltaire semble croire que synagogue, ovvaywyn, est un mot hébreu ; mais il est grec, comme xxλnoía ouvédpiou, etc.

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<< ront dans l'église qu'à la troisième génération. »> Jésus-Christ dit dans saint Matthieu : « Si votre « frère a péché contre vous (vous a offensé), reprenez-le entre vous et lui. Prenez, amenez avec << vous un ou deux témoins, afin que tout s'éclair« cisse par la bouche de deux ou trois témoins; et s'il ne les écoute pas, plaignez-vous à l'assemblée <«< du peuple, à l'église ; et s'il n'écoute pas l'église, qu'il soit comme un Gentil, ou un receveur des << deniers publics. Je vous dis, ainsi soit-il, en vé« rité, tout ce que vous aurez lié sur terre sera « lié au ciel, et ce que vous aurez délié sur terre << sera délié au ciel. » ( Allusion aux clefs des portes, dont on liait et déliait la courroie. )

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Il s'agit ici de deux hommes dont l'un a offensé l'autre, et persiste. On ne pouvait le faire comparaître dans l'assemblée, dans l'église chrétienne; il n'y en avait point encore: on ne pouvait faire juger cet homme dont son compagnon se plaignait par un évêque et par les prêtres qui n'existaient pas encore : de plus, ni les prêtres juifs ni les prêtres chrétiens ne furent jamais juges des querelles entre particuliers; c'était une affaire de police; les évêques ne devinrent juges que vers le temps de Valentinien III.

Les commentateurs ont donc conclu que l'écrivain sacré de cet évangile fait parler ici notre Chap. xvIII.

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Seigneur par anticipation, que c'est une allégorie, une prédiction de ce qui arrivera quand l'église chrétienne sera formée et établie.

Selden fait une remarque importante sur ce passage1; c'est qu'on n'excommuniait point chez les Juifs les publicains, les receveurs des deniers royaux. Le petit peuple pouvait les détester; mais étant des officiers nécessaires nommés par le prince, il n'était jamais tombé dans la tête de personne de vouloir les séparer de l'assemblée. Les Juifs étaient alors sous la domination du proconsul de Syrie, qui étendait sa juridiction jusqu'aux confins de la Galilée et jusque dans l'île de Chypre, où il avait des vice-gérens. Il aurait été très imprudent de marquer publiquement son horreur pour les officiers légaux du proconsul. L'injustice même eût été jointe à l'imprudence; car les chevaliers romains, fermiers du domaine public, les receveurs de l'argent de César, étaient autorisés par les lois.

Saint Augustin, dans son sermon LXXXI, peut fournir des réflexions pour l'intelligence de ce passage. Il parle de ceux qui gardent leur haine, qui ne veulent point pardonner. Cœpisti habere fratrem tuum tanquam publicanum. Ligas illum in terra, sed ut juste alliges, vide: nam injusta vincula disrumpit justitia. Quum autem correxeris

1 In Synedris Hebræorum, lib. 11.

et concordaveris cum fratre tuo, solvisti eum in

terra.

« Vous regardez votre frère comme un publi<< cain, c'est l'avoir lié sur la terre; mais voyez si <<< vous le liez justement, car la justice rompt les « liens injustes. Mais si vous avez corrigé votre « frère, si vous vous êtes accordé avec lui, vous « l'avez délié sur la terre. »

Il semble, par la manière dont saint Augustin s'explique, que l'offensé ait fait mettre l'offenseur en prison, et qu'on doive entendre que, s'il est jeté dans les liens sur la terre, il est aussi dans les liens célestes; mais que, si l'offensé est inexorable, il devient lié lui-même. Il n'est point question de l'église dans l'explication de saint Augustin; il ne s'agit que de pardonner, ou de ne pardonner pas une injure, Saint Augustin ne parle point ici du droit sacerdotal de remettre les péchés de la part de Dieu. C'est un droit reconnu ailleurs, un droit dérivé du sacrement de la confession. Saint Augustin, tout profond qu'il est dans les types et dans les allégories, ne regarde pas ce fameux passage comme une allusion à l'absolution donnée ou refusée par les ministres de l'église catholique romaine dans le sacrement de pénitence.

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